TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Voix du monde ~ Nora Bossong traduite par Rüdiger Fischer

 

Retour aux voix du monde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 


PLANTES DES COLLINES

Jusqu’au loin, région dantesque, en pente douce.
Les vallées emplies de fêtes de villages.
Horticulture majestueuse en haut,
aubergines aux couleurs de l’été.
Des versants pierreux jaillissent
les légendes des saints: là-bas
François aurait falsifié des vies,
imitation du Sauveur au milieu des vignes.
Voici des aubergines. Du ginepro de même,
foisonnant autour des balustrades,
a envahi le végétal voisin.
Ginepro, dit-on, imitant
le genièvre. Des lambeaux s’envolent
des vallées, mez –orno –orto.
Si nous glissons, tombons
par-dessus trop de voyelle,
nous écarterons le sens
quelque part avant Assise.


DIMANCHE

Les oiseaux dans les arbres je les appelle corneilles
quelqu’un dit grives dit moineaux incroyable
quelle est parfois la portée des paroles.
C’est dimanche je pense prouver Dieu
et flâner par la Villa Borghese aspetta!
P(e/h.k)
P(e/k) cela pourrait aller
tous les faits représentant e
ce qui est plus précisément tout ce qui est c’est-à-dire
les corneilles les grives la Villa Borghese
c’est dimanche il fait soleil la nuit
le bruit s’est condensé sur les vitres
les grattements des chaussures
la sonnerie du portable
les cris de l’homme: Pronto? Pronto? Pronto?
De cela aussi manquent encore les preuves
mais je suis nouvelle ici je recommence à zéro
et h serait la thèse que Dieu existe
comme les corneilles les grives la Villa Borghese
le feu rouge où je suis la seule qui s’arrête
tandis que San Sebastiano et San Giovanni
traversent le carrefour devant moi
leurs attributs en remorque je ne me rappelle pas
à quoi ils sont bons et k est seulement
du savoir tautologique un hérisson
enroulé devant moi dans le caniveau
pauvre de lui mio Dio et qui a besoin
de mes preuves il serait plus urgent
de me montrer si des pinsons sont perchés sur les branches
donnant des coups de bec aux oranges
si c’est dimanche si h signifie quelque chose


MARIA AD NAVES

Blanche-Neige, ici, est un vieillard
dans un cercueil de verre, le morceau de fruit en métal.
Un sommeil qui épouvante même les femmes monarques,
Mary aussi. Ah Mary!
Des pommes ont roulé de tes mains,
tu as glissé sur des reflets,
des vers t’ont étouffée. Restent ici:
le fruit sans noyau, le visage de cire,
la mendiante au bord de l’escalier,
elle s’appelle Marie la Grande,
tous les jours elle dépérit, indifférente,
la fille ancienne qui fait tapisserie.


DUCE

Dans le cliquetis des églises, les sonnailles des trams,
le corps bascule du toit d’une station-service,
se gonfle dans la chaleur, un pendule puant.
Nous nous tenons à côté, en retard de décennies, déphasé
notre regard sur la gouttière, et voilà qu’atterrissent des mouettes
sur l’édifice assez chaud pour la pariade, ça roucoule, ça volette.
Le corps, tête en bas, sautille autour de la naine,
deux cadavres blanc sel, l’odeur de l’essence.
Trois balles dans la gorge, quatre dans l’épaule,
de plus les reins et le bras en ruine,
une passoire, nous observons la fête d’une passoire,
le dernier bal des deux beaux gosses
et nous, deux témoins sortis d’on ne sait où,
savons-nous donc ce qu’était l’amour.


POULE ET FOIE

En ruine, les derniers murs du théâtre,
qu’il acheta et envoya sur une carte postale
et ne resta ici que la halde où, cet article
ayant été exploité, il me plaça
ou laissa, je sifflai après lui, mais lui,
mon Hannibal égaré, avait déguerpi
depuis longtemps, dans son sac à dos une vingtaine
de branches de pin, un morceau de gâteau, une partie
de Saint-Pierre, du Panthéon il emporta
les conditions d’éclairage, me voilà donc
sombre dans la pièce antique, j’ai compté
et recompté les époques, mais jamais il ne m’a
poursuivie nulle part, il ne m’a volé
que la poule et le foie, une boîte
de pâtée de chat qui depuis me manque tant
et que ne prend-il aussi cette chose démodée
qui volette, que n’accepte-t-il ce baroque précoce.
Car jamais, Mister, on ne met des décombres
sur des villes de ruines, tenez-le-vous pour dit
et ne songez pas à revenir de si tôt, ah si tôt.


© 2011 Carl Hanser Verlag München


NORA BOSSONG
est née à Brême en 1982. Etudes à l’Institut Allemand pour la Littérature de Leipzig, de 2oo1 à 2oo5. Puis, études des sciences de la culture, de philosophie et de littérature comparée à l’Université de Potsdam et à Berlin où elle vit.
En 2oo6 a paru le roman (Gegend) Contrée, en 2oo9 le roman Webers Protokoll (Le protocole de Weber).
Le recueil Reglose Jagd (Chasse immobile) est de 2oo7; les poèmes ci-dessus sont extraits du recueil Sommer vor den Mauern (L’été devant les murs), publié par Hanser, Munich, en 2o11.

 
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