Yves Jouan (photo ci-contre par Michel
Durigneux) a écrit plusieurs livres de poèmes, des livres
d'artistes, des nouvelles. Il anime des moments de lecture, des ateliers
d'écriture, des conférences sur la poésie...
Œuvres
poétiques et littéraires
Yves Jouan est l’auteur de plusieurs livres
de poèmes :
Azadî,
éditions Dumerchez, 1995,
Au point de tous, idem, 1997,
Mines, Les Petits Classiques du
Grand Pirate, avec le peintre Michel Mousseau, 1998
Chemin de l’iris, Dumerchez,
2000,
Jours mêlés,
L’Inventaire, 2003,
Juste là, Dumerchez, 2006,
Pas d’elle, (à paraître),
avec Sido,
Expérience des lieux, (à
paraître).
Il est aussi l’auteur d’une dramatique
radiophonique produite par France Culture et diffusée
par France Culture, RFI et RFO :
L’autre bout du monde, réalisation : Etienne Vallès,
France Culture, 1996.
Yves Jouan a écrit plusieurs livres d’artistes
en collaboration avec des plasticiens :
A deux pas, L'Art et la Paix,
1996, avec Pierre Duclou
L'invention de la piste, Maison
Louis Guilloux, 1996, avec Yolaine Carlier et Isabelle Grelet
Voie commune, Imprimerie d'Alsace-Lozère,
1998, avec Bernard-Gabriel Lafabrie
Nuit du vivant, L'Hôte Nomade,
2001, avec Bob Pilar-Valère,
Entre temps, La Turmelière,
2002, avec Evelyne Sommer,
Et seulement, atelier d’Alsace-Lozère,
2004, avec Bernard-Gabriel Lafabrie,
A la veille, centre poétique
de L’Echelle, 2005, avec Maria Desmée,
Sommes, atelier de Villemorge,
2005, avec Jacky Essirard,
Portails, atelier de Villemorge,
2006, avec Edward Baran,
Bruit aveugle, Aencrages and co,
2007, avec Sido.
Il a également écrit des nouvelles parues en revues (A
l’ombre de quelques syllabes, revue « Contre
Vox », numéro trois, été 1996, Le
film de Félicien M, revue « Lieux d’être
», hiver 2004) et participé à divers livres collectifs,
parmi lesquels :
La plume et la faux, Intensité,
1999, avec Hubert Haddad, Michel Host, Jean Miniac et le photographe
Philippe Bertin,
Fenêtre ouverte et ensuite,
L’Inventaire, 2002, avec Guy Allix, Max Alhau, Hubert Haddad,
Hughes Labrusse, Yvon Le Men, les poètes albanais Fatos Arapi,
Xevahir Spahiu, Mimoza Ahmeti, Ali Podrimja et Eqrem Basha, et le peintre
Maks Velo,
Malherbe et Ponge, essai, Les
éditions du Bicentenaire, avec, notamment, Hubert Haddad, Hughes
Labrusse, Jean Miniac et Jude Stéfan, sous la direction de Hughes
Labrusse.
Il a participé aux travaux de la revue Europe sur Roland Barthes
(contribution intitulée Roland Barthes
: le chef d’œuvre invisible), sous la direction
de Madeleine Rainouard, maître de conférences à
l’université de Londres.
Ses poèmes ont été traduits
en Anglais, Russe, Japonais, Coréen, Albanais, Grec, Kurde, Néerlandais,
…
Yves Jouan a reçu en 2000 le prix Antonio
Vicaro et en 2006 le prix Yvan Goll.
Extraits :
Entrer dans la poésie d’ Yves Jouan, c’est
entrer en haute terre, sans craindre le vide, c’est endosser cette
exigence : « il s’agit d’abord de suivre ce qui mène
au bord du vide (en tout cas du vide humain) et du réel pour
en revenir chargé. La forme en découlera après
avoir été elle-même la voie d’accès
et d’élaboration. »
L’écriture devient alors « tension vers ce qui lui
est extérieur, vers ce qui est sans elle », sans rechercher
pour autant la fusion.
La grande beauté de cette poésie est son humilité.
Orientée vers un but qu’elle sait ne pouvoir atteindre,
elle s’accepte comme langue de désir : « C’est
en pratiquant cette dynamique hyperbolique par laquelle je me jette
ou me laisse aller vers le réel sans espoir de l’atteindre,
que je crée moi-même cet élément de réel
que l’on nomme « poème » ».
et les malheurs du monde
peuvent bien m’entourer
de près
c’est comme si
rien
La face du désir
prend la place
des lèvres perdues
***
Yeux
fixés sur le point
perdu
à côté de quoi
la nuit
est grosse
de tous ses soleils
(poèmes et citations extraits des « Cahiers de Poésie
Rencontres » n°53)
***
Dès le début de son parcours d’auteur,
Yves Jouan s’intéresse aux lieux de résistance du
vivant là où il est le plus menacé. En témoigne
son très beau recueil, Azadi (mot kurde qui signifie «
liberté »), rassemblant des poèmes nés d’un
voyage au Kurdistan, dont il se fait témoin de lutte dans ce
que son éditeur Dumerchez qualifie de « poésie retenue
et généreuse qui est aussi une manière d’hommage
à la dernière chance, de salut au courage et d’hymne
contenu à la liberté. »
dans une maison des exilés s’apprêtent à
projeter des images du pays ceux d’ici que voient-ils du leur
des piliers de ponts encadrant des rues une petite place la nuit
déjà tom-bée un homme et ses enfants le refus
de ne pas marcher
***
on ne peut plus saisir le fond de tout cela n’est-ce
pas ma voix que j’entends mon sang sous le flot des tortures
et mon propre cri pour aveu suis-je maintenant autre chose que le
présent, l’avenir et la promesse d’une épouvante
***
fallait-il cela pour ici, au moindre passage, regarder
frémir tes mots en suspens comme ailleurs on regarde ce qui
frémit parfois aux lèvres des passants, la parole
baignée d’un silencieux exil t’atteindre c’est
toucher de l’âme ce qui attend
(Azadi, Dumerchez, 1995)
Par la suite, Yves Jouan publiera chez Dumerchez trois autres ouvrages.
Dans Au point de tous puis Chemin de l’iris, le poème se
fait de plus en plus espace creusé de silence.
Deux pas ou
à deux pas
L’espace un fruit
entamé
bouche
parole
cri
de famine
du silence
(Au point de tous, Dumerchez, 1997)
***
Chants
sérieux dans les arbres
Quelque chose
du sourire
devant l’enterrement
***
Coupure au côté
de la langue
Te fallait-il
une dent brisée
pour que l’impossible
eût sa place
***
Léger
vivifié
du fleuve où il laisse
les pierres
qui emplissent nos poches
***
Peau sur quoi le vent
ne trouve
pas broussaille
Porte lentement
fermée
Rien du monde
n’aura ton accord
Parle
et regarde comme
la forêt prend feu
(Chemin de l’iris, Dumerchez, 2000)
Dernier ouvrage paru chez Dumerchez, Juste là consacre cette
traversée du réel devenue plus libre et apaisée,
« juste » d’être là, voix circulant dans
cet espace inappropriable, jubilant d’être lisière
et de porter partout sa promesse.
et le resserement des chairs
sur les os
comme si n’avaient
plus d’importance plus
d’attrait
les voies que seuls
ouvrent les yeux
***
Faut-il
une caverne à la
tempête
pour que monte la voix
des vagues
jusqu’à la fissure
jusqu’à
l’éviction de la gorge
Le temps
perd ses secondes
dans la paroi
Sourde
est la promesse
aphone
de cette nuit
dans la nuit
cet arc
de l’un à l’autre
des deux bras
***
Ne pars
pas ne
pars pas
C’est là
une fois sombré
ce qui obstruait
c’est là
que tout commence
***
Corps en l’un
seul
plus que mien
Là
quelque chose enfin
cesse de m’accuser
***
Ils
et dans le creux
tremblant de tes
mains
une bouche dit
nous
***
Il fallait
ce temps
pour que je sache
C’est là
que j’ai rencontré
ce qui vivait en moi
depuis le refroidissement
de la planète
apparition
de terres
creusement en elles
d’un lit incertain
Un sable nouveau
prend place Une
rivière
s’étire
s’étale
change de cours et
continue
son long travail
de fondation boueuse
…/ …
qui emplit mes yeux
et que ma bouche expluse
Là
quand la clarté
noire ou diurne l’emporte
sur le dépôt
un Narcisse prudent
parle pour troubler
la surface
des eaux mémorielles
(Juste là, Dumerchez, 2006)
Sabine Chagnaud, novembre 2008