TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

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"MON" AIME CESAIRE par Sophie g.Lucas

 

Je n'ai pas beaucoup lu Aimé Césaire. Trop grand. Trop haut. Trop honoré. Trop statufié de son vivant. J'ai toujours préféré l'ombre à la lumière, les poètes perdus au poètes honorés. De brillantes études. Une brillante carrière d'homme politique. J'avais gardé de sa poésie ce quelque chose de grand, d'ample, voire de lyrique. Et de l'homme ses magnifiques « combats de Nègre » : chantre de la Négritude, de l'anticolonialisme. Humaniste tout simplement.
Et puis je feuillette quelques pages sur Césaire, extraits de cette précieuse collection de poésie de poche de Seghers, Bibliothèque Marabout. Et je suis frappée par la violence de Césaire, sa puissance, ses mots portés haut et fort :

« nous frapperons l'air neuf de nos têtes cuirassées
nous frapperons le soleil de nos paumes grandes ouvertes
nous frapperons le sol du pied nu de nos voix »

(extrait « Perdition »)

« Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serai un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas
(...)
Ma Négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
Mais Négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'oeil
Mort sur la terre
Ma Négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

Elle plonge dans la chair rouge du sol
Elle plonge dans la chair ardente du soleil »

(extrait « Partir » du fameux «Cahier d'un retour au pays natal »)

Césaire a inventé une langue. La sienne. « Il se souciait de révolutionner de l'intérieur la langue française et de parler en nègre à l'intérieur même de la langue des Blancs » ont écrit Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant (« Lettres créoles »). Et d'ajouter : « Avant Césaire, nous n'étions que des fantômes de poètes et de romanciers à la recherche obligée de la caution parisienne. Césaire, se reliant au cri de la cale, brisa le tabou. S'il emprunta les armes miraculeuses du surréalisme (..) ce fut pour innover, frapper de toutes les libertés la suffisance du monde européen » (id).

J'ouvre des livres, je parcours, je glane, je lis. Je lis du Aimé Césaire. Me disant qu'il vaut quand même mieux lire un poète contemporain de son vivant que mort. Mais il me semble quand même toujours vivant. Il continue de « rugir » à travers sa poésie.

« Le poète est cet être très vieux et très neuf, très complexe et très simple qui aux confins
vécus du rêve et du réel, du jour et de la nuit, entre absence et présence, cherche et reçoit dans le déclenchement soudain des cataclysmes intérieurs le mot de passe de la connivence et de la puissance »

(extrait « Sur la poésie »)

Sophie g.Lucas Avril 2008

 


 
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