TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel

 

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L'arbre par AC

 

''Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d'élégance. La beauté qui leur est nécessaire c'est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d'étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches.[...]

Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait."

Erri de Luca, Trois Chevaux


Pardonnez-moi de venir soulever, comme par jeu, quand je m'ennuie le dimanche, de mes racines espiègles, les trottoirs de votre ville morte. J'aurais tant voulu être un arbre, un simple hêtre parmi les êtres, cela m'aurait suffi.

Lentement, j'aurais poussé des racines dans ce monde impatient, frissonné de toutes mes feuilles quand vous auriez accroché, au bout de mes branches, les lampions du grand bal d'été.

Un arbre, qui aurait abrité en toute saison la gente qui crisse et qui chante. J'aurais été le mécène des plus grands artistes, de ceux qui auraient pris mes rameaux pour la scène de la Scala, de ceux qui auraient fait de mes bourgeons de la fine et bourgeoise dentelle.

Un matin de printemps, j'aurais appris à mes dépends que la beauté ne nous appartient plus, sitôt que nous l'avons effleurée: un souffle au coeur m'aurait fait perdre, en avalanche, les pétales qui faisaient ma fierté.

Toi, tu aurais pu venir me voir s'il t'était venu tout d'un coup la faim d'un fruit, j'aurais été un vrai ami, qui pense et qui dispense, toujours présent au bout du chemin, planté dans son champ ; quand tu aurais été triste, je t'aurais gratté le dos à l'aide de mes branches.

Un jour serait arrivé le temps du recensement de mes feuilles et ma pudeur se serait drapée de brumes, en attendant des jours meilleurs.

De la fenêtre du train, je vois de jeunes peupliers insouciants, peuple indolent gonflé de sève pourtant au vent pliant, en rang serrés, alignés dans la plaine d'Emilie-Romagne. Il me semble que j'ai des frères cadets dont les feuilles bruissent au loin et, qu'en dépit de la cloison de verre et du reflet de mon visage, je m'en irai avec eux dans le vent qui a soufflé la lumière, un peu plus riche de ma prière aux limbes, déshabillé de mes regrets.

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