Mais comment fait-il? Comment fait Antoine Emaz, à
chaque recueil, chaque texte, chaque phrase, chaque mot, pour atteindre
une telle justesse? Comme s'il décochait à la perfection
ses flèches sur les cibles que nous sommes, lecteurs, lectrices.
Pile en plein coeur. Avec cette (toujours) étonnante économie
de mots.
Dans ce recueil de onze poèmes, Emaz presse chaque mot pour lui
faire dire autant qu'il peut. Il le serre à la gorge. Et nous
avec.
C'est l'été, en « tête
à tête / avec le vide / sec / on attend ».
Le silence. La solitude intérieure. On est dans l'été.
« respirer long l'été
/ bleu gauloises ».
Un été qui transpire dans chaque poème, sans doute
au bord de la mer.
« on respire au large ».
Le poète contemple, observe chaque mouvement de l'été,
du soleil, du vent, des ombres.
« la lumière rebondit doucement / entre sables volets et
feuilles / on la regarde jouer ».
Presque bien. Presque serein. Les angoisses d'un homme qui se délitent
sous l'effet de l'été, de la paix qu'il semble apporter.
« plutôt une paix // pur et simple / exister ».
« laisser se défaire se dissoudre / le plus loin possible
/ les noeuds les blocs »
Tout est à sa place. Et puis. Et puis une autre ombre qui remonte
du sol du poète. On ne sait quoi. Une sourde angoisse. L'avant-dernier
poème rappelle l'enfance
« le battement régulier
/ de la comtoise d'enfance / ou bien un vague odeur / de confitures
de mûres ».
Et à la fin, malgré l'été, malgré
sa douceur observée, cette difficulté à être
qui revient
« il fallait s'y attendre », « on va prendre un verre
de vin / et faire comme si de rien ».
L'été suspend mais n'empêche pas. L'été
n'y fait rien.
Par Sophie G.Lucas