Boîte automatique du crâne, de Romain Fustier, paru
sur Publie.net en décembre 2009, est placé sous le signe
du mouvement. Le poète arpente un espace-temps ( enfance, saisons,
ville, campagne, bord de mer…) que son langage restitue en même
temps que son regard le transforme à travers les flux de la conscience
( souvenirs, rêveries, fictions…).
Paysage sans cesse recréé donc, en devenir dans le poème,
évoluant au gré d’une météorologie intime.
Dans les blocs de prose de Romain Fustier, jamais de chemin tout tracé
mais plutôt une pluralité de sentiers tout en courbes. Repères
brouillés, réinventés, ici rejoint l’ailleurs,
le dehors donne accès au dedans, et l’on n’est jamais
au fond vraiment où l’on croit être :
les lueurs bleutées du pressing à travers le
pare-brise donnent au carrefour un air de
piscine une allure de menthe claire ouvrant
sur la rue qu’on emprunte à l’heure noire
qui vient de tomber tandis que brassent les
rangées de cintres devant la vitre plastifiée
paquebot de machines à quai sur le trottoir
qu’on devine à travers le hublot de notre
voiture redémarrant dans le chlore du soir
Avec ici et là, des portes et des fenêtres
pour chaque lecteur selon sa sensibilité, son histoire propre :
sensations qui font écho, mots évocateurs. Le « nous
» prend alors une dimension toute particulière, fraternelle.
Le poème dépasse l‘expérience individuelle
pour devenir espace de rencontre :
les mamans dotées de poussettes les poètes
qui méritent l’estime se doivent de peupler
le parc municipal compris dans le quartier
résidentiel de courir après leur progéniture
d’inspirer très fort le parfum des magnolias
près des cerisiers à fleurs et des tilleuls qui
nous rappellent nos tisanes enfantines à cet
instant où nous contournons le terre-plein
central tout en reprenant les allées du passé
Le recueil interroge aussi en filigrane le regard du poète,
revient sur sa naissance : manière d’accueillir le monde
dans son intensité à vivre, en acceptant ce qu’il
remue en soi : un rapace qui s’écrase contre le pare-brise
et je saisis enfant au milieu de cette nuit un peu de la fragilité
du monde (..)
Invitation aussi à renouveler sans cesse son regard, à rester
en éveil, disponible à l’imprévu : une
feuille de paulownia s’est posée sur le capot de notre voiture
garée sur un parking et cet événement anodin a fait
basculer le décor le cours bien réglé de nos existences(…)
Cécile Thibesard, juin 2010
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