En ce début d’été, relire
Chambres d’Amandine Marembert ( paru
aux éditions Ficelle en septembre 2010 ) c’est un peu comme
partir en voyage. Le sous-titre du recueil le place d’emblée
dans une poésie de l’intime : comment les corps
épousent la forme des chambres qu’ils occupent.
Le regard d’Amandine Marembert, par son originalité, réinvente,
de livre en livre, les êtres (comme dans Un petit
garçon un peu silencieux paru chez Al Manar en
juin 2010 ) ou les lieux ( comme le jardin, un de ses motifs favoris,
ou encore les maisons comme dans Toboggans des maisons,
farfadet bleu publié en 2009 ). Le lecteur est ainsi amené
à renouveler son regard sur les êtres, les choses, les
endroits. C’est, me semble-t-il, la grande force de la poésie
d’Amandine Marembert : la façon dont son écriture
fait souffler sur notre quotidien un vent nouveau. Je pense aux vêtements
suspendus entre terre et ciel, sur le fil à linge qu’elle
affectionne tant, à cet équilibre qui dit notre fragilité
mais aussi notre liberté, manière d’être traversés
par le monde, bouleversés par lui.
Dans Chambres, nous suivons
des amoureux au gré de cinq chambres qu’ils habitent, qu’ils
habillent de leurs étreintes : une chambre mansardée,
une chambre–cabine de bateau, la chambre haute où mène
l’étroit escalier, la chambre de derrière la maison,
celle qui donne sur le jardin, la grande chambre au balcon de fer forgé.
Cette pièce liée à l’abandon des êtres,
que ce soit dans l’étreinte amoureuse ou dans le sommeil,
devient à travers ces pages une terre nouvelle à explorer,
tous sens en éveil :
Lumière bleutée filtrant des
persiennes. (… ) La froideur de la mosaïque du sol sous les
pieds nus. (…) Pain croustillant qui se découpe / Corbeille
de beurres et de confitures / Les tartines sont des abricots ou des
fraises / Le sucre finit de fondre.(…) Une nuit, la lampe de chevet
éclaire le bruit d’un tapis de feuilles, sous la fenêtre.
Un hérisson, sous le yucca.
L’amour des corps se dit dans les passages en
italiques pleins d’images sensuelles ( Reflet à
l’infini des parcelles de peaux / Enchevêtrement de bras
et de jambes / Emboîtements de cuisses / Occasions démultipliées
de se décoiffer et de se démaquiller / Mélange
des cheveux ) mais aussi, indirectement, dans la manière
qu’a le décor d’être infusé par l’étreinte
: effets féminins parsemant la pièce ( Une
autre fois, une nuisette soigneusement pliée sur l’oreiller,
un soutien-gorge suspendu à la poignée de la porte. Des
sous-vêtements venus habiller la chambre. ), jardin
érotisé ( Le lilas blanc et le mirabellier
encadrent la baie. Des fruits gros, à grappes. De fesses blanches
), meubles devenant des corps ( Les corps blancs mêlés
aux pieds du scriban, et du tabouret, aux arrondis de la commode, aux
angles de l’armoire et des chevets. )
Les aquarelles de Claire Laporte, dans des teintes de
jaune, de bleu et de vert - corps se découpant aux fenêtres,
linge séchant dans le jardin, papiers éparpillés
sur le sol- accompagnent avec délicatesse les textes de ce recueil
délicieux, qui donne envie d’aimer. L’image qui me
reste en le refermant, c’est cette lumière éblouissante
des corps, reflétant celle du dehors : Lumineux matins.
Le jardin entre à flots par la fenêtre ouverte. Le chat
joue avec la lumière verte du sol.
Cécile Glasman, juillet 2011