Dans
un courrier de début janv.-08, voici ce que m’écrit
Jacqueline Held :
« J’ai choisi pour titre Chantebêtes, en hommage
à Robert Desnos et à ses Chantefleurs et Chantefables,
et j’ai aussi, ma foi, une bonne petite équipe d’animaux
préhistoriques. Certains lettres de l’alphabet ne sont
pas évidentes, mais j’aime assez les défis et la
corde raide ! J’ai eu plaisir aussi à parler de la hyène
que l’on déteste tant d’habitude. »
« D’où vient l’inspiration
? Qu’est-ce qui vous fait écrire ? Où trouvez-vous
vos idées ? » demandent souvent les enfants quand
un poète vient les rencontrer dans leur classe. Jacqueline Held
donne ici quelques embryons de réponses…
Ce qui fait écrire ce sont les autres poètes…
Les livres se répondent les uns les autres. Christian Grenier,
dans un autre registre (celui de la Science-fiction) le dit formidablement
bien dans son Virus LIV3, Livre de Poche Jeunesse. Ses personnages découvrent
que chaque livre est une bibliothèque, chaque livre contient
d’autres livres…
Les poèmes s’interpellent de livres en
livres, les recueils bavardent entre eux sur les rayonnages des bibliothèques…
En classe, mettre des livres en réseau, toutes sortes de livres,
c’est donner une chance aux enfants de comprendre comment tout
s’imbrique, tout se tient, tout entre en résonance…
Et dans cette mise en réseau, il importe de mélanger
les genres, un recueil de poème vibrera autour d’un album,
ou d’un documentaire, ou d’un roman et inversement…
Par exemple ici dans le poème Simple comme l’âne
: on retrouve le nom de Francis Jammes, l’homme qui aimait les
ânes. Et vient à notre esprit un de ses poèmes les
plus connus dont voici un extrait :
J'aime l'âne si doux
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles.
Il va près des fossés
à petits pas pressés.
Il réfléchit toujours
ses yeux sont de velours...
Francis JAMMES
De l’angélus de l’aube à l’angélus
du soir
Mercure de France. (on le trouve actuellement chez Gallimard)
Plus loin dans le livre on aperçoit un butor
(l’oiseau ? le poète ?, on cherchera des livres de Michel
Butor), le Renard du Petit Prince (on amènera le livre aussi)…
ainsi qu’un mystérieux wattman…
Le mot wattman a été créé dans la langue
française en 1895 pour les besoins de la cause (= l’homme
qui distribue les watts) ; en anglais, c’est plus simple : tram
driver ; voilà un mot qui au vu des nombreux tramways qui sillonnent
à nouveau nos villes va peut-être reprendre du service…
Et par la magie du jeu avec les W, voilà comment un poème
vient rebondir sur le réchauffement climatique, la vie de nos
cités et le retour du tram…
Quant au vieux Mathusalem, il faudra si on veut en parler se plonger
dans la Bible…
Un poème n’est jamais aussi innocent qu’il n’en
a l’air, ni aussi simple qu’un bonjour…
* Ce qui fait écrire aussi c’est le défi ! La corde
raide ! Ecrire est aussi simple qu’un problème de mathématiques
à résoudre. Voici la question :
- Est-ce que tu peux mettre en poème la hyène ? se demande
le poète. Voyons voir… Mettons-nous au travail…
Et de brouillon en essai, le poème chemine, et
vient au monde. Ou bien se retrouve en papier froissé dans la
poubelle : on ne réussit pas toujours…
Un atelier d’écriture en classe peut relever de cette sorte
de défi. L’enseignant définit les règles
du jeu, donne l’énoncé du problème, et les
élèves tentent de le résoudre… Cette écriture-défi
souvent fonctionne bien dans nos écoles. Les enfants se prennent
au jeu.
Titre : Chantebêtes
Auteur : Jacqueline Held
Editeur : Editions du Jasmin
Illustrateur : Maïté Laboudigue
ISBN : 978-2-912080-58-5
Année de parution : 2008
Prix : 9.90 €