Le difficile c’est l’enfermement
dans propre demeure. C’est l’impossibilité d’ouvrir
les portes de sa maison. On est à l’intérieur. Et
rien ne pénètre. Ni lumière, ni voix. Rien. Et
rien ne sort. Les verrous sont tirés. Ni la nuit, ni le jour,
rien ne pénètre.
Ne plus écrire. Trop simple.
Tout a été écrit, ça veut
dire que rien n’a été dit. Que tout est à
formuler. Une autre fois. Jusqu’au bout. Jusqu’à
la fin. Psalmodier jusqu’à l’ivresse. Même
si c’est inutile. Surtout parce que c’est inutile. La mélopée
n’est plus sacrée, elle n’atteint plus les cieux.
Les a-t-elle atteint un jour ? Est-ce important ?
Respirer. Faire entrer l’air. Profondément.
Sentir l’échange des gaz dans le sang, dilater les poumons.
Respirer. Seulement ça.
Ecrire que l’on respire. Ecrire que l’on
sent l’air se mélanger, que c’est la seule chose
que l’on maintient. Que tout est organique. Qu’il n’y
a qu’une chimie. Qu’une organisation de molécule.
Un échafaudage de particules. Et que c’est ça qu’on
écrit. Jamais rien de plus. Que tout le reste n’est qu’une
boursouflure. Qu’une triste illusion.
Il faut repartir du début. Du cri. Reformuler
le cri. L’équation du cri. Un cri débarrasser de
sa douleur, de sa peur. Un cri pur, net. A l’état brut.
Un cri sans chagrin puisqu’il les contient tous. Sans cause. Le
cri comme le premier mot. Le seul audible, le seul compréhensible.
L’enfant qui naît sait déjà
tout. Il crie. Après il passe sa vie à oublier le cri.
Il passe sa vie à oublier qu’il savait. Derrière
chaque geste, derrière chaque parole, ce qui compte c’est
le cri. Faire entrer l’air dans ses poumons. Déployer le
cri. L’épaissir. L’aggraver. Lui redonner sa nécessité.
Son immédiateté. Et son acharnement. Appeler le cri. D’abord
dans ses poumon, à l’endroit des échanges de molécules,
à l’endroit où le dehors devient du dedans. Quand
le dehors devient du dedans il devient un cri. Toujours. On ne le ais
pas, parce qu’on a oubliée le moment du naître. Le
premier échange des molécules qui devient un cri. La première
vérité, sans doute la seule qu’on ne dira jamais.
L’originelle affirmation. Car le sourire n’est qu’un
cri dévoyé, un cri qui s’est déjà
compromis, un cri qui a déjà vendu son âme. Et le
rire, n’est qu’un cri prostitué. Une forfaiture.
Ecrire la signe.
Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés
? Sont-ils musique ou poésie ? Sont-ils torrents ? Bourrasques
? Sources ou plaintes dans les landes de bruyères ? Supplique
? Oraison ?
Que venons-nous, nous qui ne crions pas ? Que pèse
notre vie sans cri pour l’alourdir, pour l’enraciner ?
Alors remonter le fil du souffle. Respirer intensément.
Sentir le froid de l’air passer dans l’incendie du sang.
Et n’écrire que ça, l’effondrement du dehors
dans le dedans. L’écrasement des molécules dans
les chairs vivantes, respirantes. L’écrasement devenir
pulsations, vibrations. Et jusqu’à la convulsion. Psalmodier
jusqu’à l’ivresse. Du souffle sur du souffle, et
le cri qui se déploie dans une extirpation somptueuse. Du souffle
qui frotte sur du souffle. Du sang noir pour du sang rouge, élévation
lente, cène sanglante et hurlante. Cérémonie solennelle
du cri initial, annonciateur, prédicateur. L’engramme.
L’ordalie.
Le blog de Franck Nicolas : J'irai
marcher par-delà les nuages