TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel -
Sur la musicalité du vide 2 ~ Matthieu Gosztola (atelier de l'agneau)

 

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Le titre annonce une présence en creux, une résonance particulière du silence. Ponctuation du vide que l’on retrouve dans la disposition des poèmes dans l’espace: jeu différent avec les blancs d’un poème à un autre, pages vierges, poème de deux vers isolé en bas de la page, quelquefois mots remplacés par des traits horizontaux, pareils à des notes de musique.

La première partie du recueil explore le rapport au monde

( Deux pétales rapprochés avec le pied / un improbable papillon)

et à l’être aimé

( Tu es nue / tout devient flou / pour te laisser la place ),

dans un certain apaisement : présent d’éternité et rythme similaire à celui des haïkus

( Humer l’espace autour d’une fleur/ se souvenir des choses / qui n’auront lieu que demain).

Photographie de l’instant, concision et finesse de la description, ouverture sur une sagesse : autant d’échos à la poésie japonaise. Dès le début du recueil, un poème annonce la recherche de sens de celui qui vit / écrit: Mettre le feu à notre vie / pour que la partie qui ne brûle pas / nous apparaisse. Quête de l’essentiel dont on comprend les raisons dans la deuxième partie.

Une date

( Aujourd’hui/ 1er avril / mon père meurt / il m’abandonne aux insectes )

évoque le basculement opéré par la disparition. La mort du père change le rapport au langage

( Papa / en mourant / tu m’as donné une grande claque / dans le poème).

L’adresse au père scande cette partie, cri de solitude d’un enfant qui doit réinventer la vie dans un monde bouleversé

(Papa : tu nous quittes / le ciel / qui va par terre).


Matthieu Gosztola dit la violence du sentiment d’abandon

( Mon père s’en fout de mon visage/ même ma main posée sur son épaule / passe inaperçue )

en même temps que l’invention d’une autre manière d’être avec le disparu

( En réalité/ mon père debout/ sur la marche de la cafetière ).


Interrogation sur la façon de vivre dans le silence de l’autre, à travers son souvenir. Image du phare qui parcourt cette partie.


Ce jeu d’ombres et lumières ne serait-il pas d’ailleurs une clé du recueil ? J’ai eu l’envie, arrivée à la fin du livre, de me replonger dans les premières pages. Sensation d’un cycle, d’un flux. Certains poèmes de la première partie annoncent la tension de la mort : Deux chacals veillent sur le silence / de l’agneau en sang. De la même façon, les poèmes de la deuxième partie, bien qu’hantés par la mort, se terminent sur une renaissance ( image de l’oiseau blanc), sur une vie assumée malgré ses vides. Force du « je choisis » qui clôt le recueil.

Reste ce main tenant qu’écrit Matthieu Gosztola : manière d’être là dans un présent, et en lien. Magnifique métaphore de ce qu’est l’écriture.


Cécile Thibesard


 
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