TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel -
Isabelle Guigou, Brighton West Pier, Editions Le chat qui tousse, 2008

 

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Le mystère que peut susciter ce titre est très vite levé. La première page apporte les précisions nécessaires : le Brighton West Pier existe bien ; construite en 1863, cette jetée de construction victorienne devenue hors d’usage est fermée au public. « En 2002, il était question de le restaurer… »

L’ensemble des textes qui suivent se situera dans cet espace d’abandon, d’attente de la fin. Ils donnent lieu à une méditation sur l’érosion du temps et l’avancée de la mort : « L’approche du rien nous plie à l’essentiel »

Il s’agit bien d’essentiel : dans l’approche de la mort la vanité humaine apparaît plus crûment.

« Chimère : pénétrer la mer
Comme si nous pouvions féconder
L’éternité »


La suite du poème invite à un retournement :

« Assise sur le bord
Tu attends que le flot t’insuffle
La semence de l’horizon. »

Le texte laisse parfois paraître des regrets :

« Dommage
Nous espérions voir partir
La vie au large

Nous aurions su découvrir des terres nouvelles. »

Lisant ce recueil, j’ai été d’abord frappée par la simplicité de sa démarche, puis par la fragilité de la langue. Très vite un lien physique est établi entre le bâtiment en ruines et le narrateur :

« A côté du vieux Pier
Tu poses
Sur l’eau
Son visage

Lorsque tu repars
Tu hésites
Ne les distingues plus l’un de l’autre. »

La carcasse métallique prend en charge les émotions de la narratrice comme malgré elle :

« Tu recules
Fuis la plage jusqu’aux jardins du Pavilion
Intercales entre l’humaine ruine
Et toi
La fleur écarquillée. »

« Par la gueule de celui-ci
Emergeant
Combien d’autres monstres extirperas-tu de l’obscurité ? »

L’émotion est souvent traitée sous la forme interrogative, comme pour défendre le secret, car « Les cœurs ne se visitent pas plus que le vieux Pier. »

La langue qui se déploie ici est précaire, à l’image du vieux Pier, et peut-être ne s’agit-il de parler que de cela :

« (L’écriture
Une parole sur pilotis
Que cerne et emplit le silence.) »

Il est rare de trouver une parole aussi juste sur l’écriture.

Sabine Chagnaud
Décembre 2008

 
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