Comment rater par ce qui, vraisemblablement,
va constituer l’événement revuistique de l’année
poétique : LE JARDIN OUVRIER d’Ivar Ch’Vavar
& camarades ? Pensez ! Une revue qui n’existe plus (ses 39
n° ont paru entre 1995-2003) à laquelle FLAMMARION (25 €
en librairie) consacre une anthologie de 400 p ! Certes, il ne s’agit
pas de n’importe quelle revue, pas un truc anthologique comme
il y en a tant, ni un bel objet d’art en couleurs et en images
; plutôt une austère revue de moine, exclusivement occupée
de littérature, à son versant le plus ringard : la poésie
; et pire encore à la rhétorique, au travail du vers.
« La poésie a une histoire, est une histoire, dont
nous sommes parties prenantes. Dans la période difficile de cette
histoire que nous vivons, nous avons cru nécessaire le réexamen
de ce qui fait la spécificité de la poésie et,
pour commencer en tant que forme…Le vers est un effort de style…».
Les plus assidus (et âgés) lecteurs de revues de poésie
se souviennent sûrement de la passion avec laquelle ils ont suivi
le travail (ici, on peut utiliser ce mot) de Ch’Vavar & de
ses camarades, que quelque chose (un truc cohérent, une œuvre,
quoi !) était en train de se faire sous nos yeux. Des fois c’était
passionnant, d’autres fois horripilant, mais jamais indifférent.
Souvent les poèmes publiés étaient longs, narratifs
: ils racontaient les bestialités de la vie « des poupées,
des bêtes mortes dans des boîtes en carton »,
ils étaient follement concrets, férocement anodins, sauvagement
triviaux ; un mélange détonnant des pires naïvetés
et des tarabiscotages savants de la langue ; ils étaient en feuilleton,
on les suivait de n° en n°. Qu’ils aient été
le fait des multiples avatars de Ch’Vavar, le résultat
de traduction (Dickinson…) ou signés par de vrais horribles
travailleurs : Tarkos, Suel, Domerg, Batsal, Quintane, on voyait qu’ils
avaient tous été plantés dans le carré du
maître d’œuvre, provenaient de l’échange,
entre jardiniers, de graines, de plants, de gestes et d‘astuces.
Certains textes découverts dans LE JARDIN OUVRIER sont restés
gravés dans les mémoires (par ex, le premier d’entre
eux : LA JUSTIFICATION DE L’ABBE LEMIRE de Lucien Suel …).
Cette publication d’une anthologie du JARDIN OUVRIER par FLAMMARION
est un hommage vivant à la création revuistique, à
la revue en tant qu’œuvre elle-même, au travail collectif
qu’il ne faut pas manquer. Pour ce qui est de Ch’vavar lui-même
reportez-vous au n°78/79 - 16 € - de la revue PLEIN CHANT à
lui entièrement consacré (Bassac - 16120 Châteauneuf
/ Charente) ou aux œuvres du zig Ivar publiées au CORRIDOR
BLEU : HÖLDERLIN AU MIRADOR, CADAVRE GRAND M‘A RACONTE. Des
rééditions de BANDER EN AUTOMNE ou de COULEURS CYCLISTES
seraient bien venues.
Christian Degoutte, avril 2008