TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel -
Aliéné(s) de JM Flahaut, édition les Etats Civils
Shopping! Bang! Bang! de JM Flahaut et D Labedan, A plus d'un titre éditions

 

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Le premier est signé Jean-Marc Flahaut, édité chez Daniel Labedan. Le second, des deux comparses themselves. Complicité. Affinité. « Aliéné(s) » et « Shopping! Bang! Bang! » ont ceci de commun qu'ils secouent. Et qu'ils n'ont pas grand chose de commun (justement) avec ce qui a cours en poésie contemporaine. Sont-ce des recueils de poésie? Et c'est quoi la poésie? A quoi ça ressemble, passé 2000, la poésie?


« certains disaient / qu'il était barjot bon à / enfermer / d'autres qu'il était poète / beat récitant / une ode à la mangouste / sur Bedfort Street» (Aliéné(s))

« Mardi et jeudi le ShamSupercenter / reste ouvert toute la nuit / d'après les salariés du Rainbow / à ces heures-là certains clients ont / des allures baroques ou sombres » (Shopping)


On trouve, en vrac, de la fiction, du réel (l'utilisation dans Shopping de ce fait divers américain d'un jeune type qui déboula dans un supermarché pour tirer sur la foule), du réel réinventé (forcément), du narratif, de la poésie, de la prose. Des personnages.


« Martin Osplakh eut son bac à onze ans / élabora un moteur à hydrogène à treize / et sortit diplômé de Berkeley six ans plus tard » (Shopping)

« il tournait / comme ça autour du / poulailler en transe / enveloppé dans une salopette bleue / en jurant // dans sa bouche énorme / une seule rangée de dents / moulée comme les créneaux / d'un château fort » (Aliéné(s))


La construction est chorale, non linéaire, grâce à des textes composés comme des plans cinématographiques. Flahaut et Labedan ont décidé de faire la peau à une certaine poésie, à une certaine littérature, et d'exploser les codes narratifs habituels. Et ça fonctionne.


« La pierre sur les ciseaux. / Les murs du salon n'arrêtaient pas de danser. / Les ciseaux sur la feuille. / Et l'amour sur cette putain de vie à la con. / Il s'est marré, en se relevant péniblement de nulle part. / Du sang plein son tee-shirt. »(Aliéné(s))

La langue est obstinément ordinaire, orale (ce qui ne signifie pas qu'elle n'est pas travaillée).
On sent que cette écriture ne pourrait se contenter d'un roman. Parce qu'un roman, c'est long, c'est lent. Et qu'ici il y a urgence. Et que là il y a de l'énergie. Alors on pousse un peu plus loin la poésie. On croise les genres comme on croise le fer. On fonce. On n'explique pas. On rapporte une époque. Chaos social. Violence physique et sociale. Surinformation. Surconsommation. On met des bouts de vie bout à bout. Et ça bout.


« Standard : nous sommes à vos côtés maintenant, est-ce que quelqu'un autour de vous a vu le tireur?
Voix : il y a plusieurs personnes touchées
(cris indistincts en arrière-plan)
Standard : madame éloignez-vous de la femme qui crie à proximité de vous car actuellement je ne peux pas vous entendre
Voix : cette femme me dit qu'il y a beaucoup de victimes à l'intérieur du ShamSupercenter »
(Shopping)


Ces deux auteurs, c'est Butch Cassidy et Sundance Kid descendus de Mars. Et ça fait Bang!


A visiter, leurs blogs : labedan.blogspot.com et fromyourfriendlyneighborhood.blogspot.com


Par Sophie G.Lucas


 
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