Je n’aurais pas été
étonnée de trouver entre les pages d’Elégie
à une pinsonne
( éditions Caractères, 2006 ) un pétale de fleur
séché ou une aile de papillon froissée, tant les
poèmes de ce recueil de Camille Loivier sont tissés d’extrême
délicatesse.
Ce livre nous offre des poèmes bilingues et les caractères
de la traduction chinoise me semblent comme autant d’empreintes
laissées par l’oiselle dont ce livre est le tombeau de
papier. Traces minuscules mais indélébiles résonnant
sur la page blanche du silence et de l’absence. Signes d’encre
légers comme des battements de cil, invitant à réécrire
la vie au-delà du deuil.
Trois semaines de vie/trois semaines de
mort/Elle est plus belle qu’en vrai/Je rêve d’elle
quand je vole/Je regarde la fleur fanée sur la pierre/Toutes
ces fleurs fanées pour elle que je cueille/Sont moins de vie/Mais
elles aussi une vie
Camille Loivier évoque la déchirure provoquée
par la disparition de la pinsonne à travers des détails
concrets : la cage vide, le piaillement qui ne vient plus, le lilas
dont le mauve s’assombrit, le bec qui ne touche plus la main.
La force de ce recueil tient dans son écriture résolument
centrée sur l’infime, sur sa poésie de l’effleurement.
(…) Le monde est blessant/Il faut
bien-sûr une cervelle d’oiseau pour pleurer un oiseau/Quant
aux charniers chaque jour, aux viols/Mais est-ce si honteux qu’un
oiseau soit/ Si petit à lui tout seul la mort engouffrée/Vers
où vers qui ne reviendra
En abordant le deuil à travers la perte d’un
oiseau, Camille Loivier rend hommage au vivant dans ses manifestations
les plus petites et les plus fragiles. Manière aussi de nous
faire ressentir à quel point le fil qui nous rattache à
la vie est en équilibre, sans cesse suspendu au-dessus du vide.
Un instant d’inattention à
la vie/ A la fragilité, à la toute simple/Nature de vivre
et de mourir, de craindre/ Les chocs/Tout juste une volonté trop
grande d’autres choses/Vraisemblables/Le corps lui s’en
plaindra
L’oiselle prend ici le visage de l’être
aimé, celui dont le départ altère la perception
du monde, désormais vu à travers le filtre du manque et
de la tristesse, celui dont l’absence creuse en soi un vide immense.
Un être s’en va, et c’est comme un effondrement du
monde, parce que cette personne unique l’habitait de manière
singulière, irremplaçable.
Ce n’était pas seulement l’oiseau/Mais
aussi bien le chant la joie/Qui tombaient en même temps de l’arbre/C’était
tout ce que la vie/Prend au corps.
Elégie à une pinsonne est un recueil baigné
d’une tristesse infinie mais très douce, un coffret de
souvenirs aussi simples que précieux, un écrin de mots
comme autant de larmes tombées sur le papier pour dire la fragilité
de vivre et d’aimer.
Cécile Glasman ~ juillet
2011