TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

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Une nouvelle maison d'édition, Mots tessons


Quelques mots pour saluer les premiers pas de la nouvelle maison d’édition, Mots tessons. Deux livres sont sortis simultanément : Cellules souches, de Philippe Rahmy et Stéphane Dussel, et L’espèce, de Mathieu Brosseau.

L’espèce est composé en deux parties :

I « Et s’il ne fallait plus dire
Que les signes du silence ? »


II
« Et s’il fallait dire l’absence
Quels seraient les signes du silence ? »


Dans cette haute exigence du dire, la contradiction est permanente.

« Et s’il ne fallait plus rien dire que les signes sans trace
Seuls les signes dissimulent
Eux seuls percent la vie d’une seconde vie »

« Il n’y a pas d’art, seule vanité
Les moustaches du rat le disent

Contre la paroi, bien avant, seul »

Construire et déconstruire, que reste-t-il alors ? Gagner cette « absence sans reflet » , laisser le fin mot de « l’espèce » au silence ? Equilibre précaire, improbable, que l’auteur conservera jusqu’au dernier mot. Les dernières lignes, effroyables et magnifiques à la fois, sont à lire et à relire.

Dans Cellules souches, Philippe Rhamy semble à nouveau partir au combat. Le premier texte sonne comme un avertissement

« Il y a les phrases qui façonnent et celles qui racontent. Les premières appellent la constance, les secondes le changement. Le langage définit ainsi deux manières de vivre : apprendre à obéir, ou apprendre à naître. »


Ce livre composé de textes en prose plus ou moins longs, explore une violence qui est partout. Serait-elle « cellule souche » du vivant ? C’est ce que l’auteur semble dire dans ce texte étrange où l’écriture est comparée à un parasite

« Il ne s’agit pas de raconter, mais d’occuper une position, et d’implanter des racines, ou des œufs (…) L’écriture perpétue l’éclosion de vies aberrantes et sacrifiées. Quelle que soit la langue, les mots parasitent un hôte aveugle sourd et muet, un mouvement sans corps, mais tangible comme le sexe. »


Il y a dans ce livre une dualité permanente, que Stéphane Dussel souligne très justement en introduction : « Ouverture du corps, par le corps, pour que la tendresse et l’arme puissent être lancés vers l’extérieur (…) D’après la légende, un corps de souffrance atteint à l’indifférencié pour qu’indifférencié il touche ce quelque chose échappant. »
C’est dans cette haute attention que se placent ses photos en noir et blanc qu’on dirait lavées à l’encre noire.

Un choix de haute qualité que ces deux ouvrages, laissant à espérer un bel avenir à cette toute jeune maison d’édition.


Sabine Chagnaud, juin 2010



 
 
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