Au marché de la poésie de Rochefort sur Loire, ce juillet
2010, je découvre le poète en résidence, Antoine
Mouton. Je n’ai pas lu encore , pas vu me semble-t-il son nom
dans les revues. Je cherche. Antoine Mouton publiera ses premiers poèmes
au début de l’année 2011. Son éditeur, Olivier
Brun, des éditions La dragonne m’en informe et me parle
avec passion , vraiment, avec un engagement passionné, de la
beauté magnifique de « au nord tes parents ».
J’ouvre, lis 3 lignes devant le stand, un récit sans doute,
mais cela frappe mon oreille, Antoine Mouton est poète.
Je vais découvrir un texte écrit par un très jeune
homme, (Il est né en 1981), texte dont l’extraordinaire
intensité vient de l’alliance d’une structure narrative
et d’une langue de poète.
C’est un récit très court, habité d’un
chagrin considérable ; une trentaine de pages pour dire l’errance
d’une famille, la route comme un sauvetage, la quête d’un
impossible nord, rouler , être en mouvement contre la mort et
la maladie. On imagine le récit envahi d’introspection
qui pourrait en naître ;mais , Antoine Mouton a fait de ce scénario
(je choisis le terme volontairement, le texte est cinématographique)
un poème, un chant pour l’impossible père, pour
le nord perdu, la mère perdue, pour l’enfant perdu et douloureux.
« souvent on passe sa vie à ça
recoller les morceaux des amours qu’on n’a plus
on aimera de moins en moins bien de moins en moins fort et ce sera pas
terrible »p.35
Son récit est plein d’une élégance , d’une
grâce, qui donnent tout son poids au chagrin : une manière
de capter et d’énoncer le fugitif où se concentrent
sentiment et émotion ; une association réussie d’éléments
de réel avec des envolées dans une pensée magique
; une extrême simplicité de la langue , pas orale pourtant
;une absence de ponctuation avec retour à la ligne au rythme
du souffle du narrateur ; le choix d’une adresse à la mère
pour énoncer la fusion désirée
« ô maman maman j’écris
cela parce que tu es morte et parce que le nord t’a rejointe avant
que tu l’atteignes »p.10
Le regard de l’enfant est porté par une voix dont l’âge
varie au sein d’une même phrase parfois , ce qui permet
à l’auteur de jouer de la naïveté éclairante
du discours faussement et vraiment enfantin :
« (..)tu m’as dit je vais guérir
c’est sûr je vais guérir j’ai de la force moi
j’ai mars en lion c’était n’importe quoi c’était
comme snickers en bounty et ça ne voulait rien dire »
p.25
Il faut lire ce livre déchirant au sens aussi où le disent
les jeunes, « qui déchire », et impose un nouvel
écrivain.
Patricia Cottron-Daubigné