TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel -
Nicolas Pesquès, la face Nord de Juliau - Surjaune -, André Dimanche éditeur

 

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Le creusement jaune de Nicolas Pesquès

Juliau, c’est colline d’Ardèche. Nicolas Pesquès l’affronte, la médite, depuis six livres. Démarche cézannienne. C’est une installation, le sixième livre. Dans l’installation d’un langage, - puisque de cela il s’agit : un poème - il injecte un mot, jaune, à la place de Juliau, Surjaune même, qui dit l’installation, qui est une substitution, un décalage, une couleur arbitraire et vraie, un levier de verbes et de passages, pour avancer.

« les règles de l’installation inventent leur paroi, leur bison
SURJAUNE est le nom d’un dieu de fraîcheur et d’ouvrage
un corps couché qui nous regarde, des seins saisis par
diction
ils font avancer la colline »

L’enjeu n’est pas paysage, description. C’est le corps d’écrire. C’est la colline lui dans son corps d’écrire, et qui s’offre-refuse.
Là où disparaître/naître, en cette colline, où il porte les mots, la séparation, comme moyeux efficace, Nicolas Pesquès interroge sans cesse cet écart : écrire : « on peut rester dedans, on est toujours sorti ».

« étrange de vous rejoindre avec cette permanence,
dans ce théâtre
la nuit jusqu’aux épaules

le désordre gelé, accueillant

un sourire d’ombre, un autre d’éclat

tout le corps invité, et aussi cette assonance »

Ce qu’il cherche, en ce creusement, comme le dit Merleau-Ponty, dans « L’œil et l’esprit », à propos de Cézanne: « c’est cette déflagration de l’être…, et elle est dans tous les modes de l’espace, dans la forme aussi bien ». Ce qu’il fait à Juliau, ce que lui fait Juliau : « à la fin, jaune sacrificiel me saute aux yeux, le corps a gagné ».

« un nuage de terre avec toutes ses racines

une quantité de lumière qu’on aurait du mal à admettre

alors que la pensée renardement marcotte
nouant la nuit à son éclat, la colline à son luxe
telle la vanité d’un commencement
d’un temps de douleur aussitôt tue »

Et toujours cette distance maintenue, jusqu’à la dissolution, la réarticulation magnifique du langage, le phrasé sec des reprises, ce fonctionnement, par vagues, face à l’inaccessible unité.


Dominique Tissot
Décembre 2008

 
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