Quelques
Mots |
J’ai entre les mains trois recueils de Valérie Rouzeau.
Pas revoir (Le Dé bleu, 1999)
Neige rien (Unes, 2000)
Va où (Le temps qu’il fait, 2002)
J’ai remarqué dans ses trois livres
des traits communs du style de Valérie Rouzeau mais aussi
et surtout une évolution au niveau de l’écriture.
Pas revoir et Va où sont
davantage écrits en longs vers avec un retour à
la ligne marqué par une majuscule. Dans Neige rien
ce sont des vers plus courts et il y a toujours cette majuscule
au retour à la ligne. Voici pour ce qui est de la forme.
Ensuite, dans les trois recueils, je note une
langue créative, qui n’hésite pas à
s’approprier des mots, les déforme, invente des verbes,
assemble deux mots pour en former un seul, à transformer
la syntaxe, etc. Mais une langue qui puise aussi dans ses souvenirs
d’enfance des comptines ou des mots de bambins. Elle utilise
aussi assez fréquemment les bruits sonores (tic tac toc,
ding ding dong, etc.) Et aussi une attention particulière
portée aux sonorités et jeux de sonorités.
Quelques exemples : j’avant-dirai, je pointe
quoi passe, je méchante, la pensée sapate, quoi
toujours, tchatchatchatcherais, jourd’hui, je ne t’écrirais
bien pas, des lignes mal droites, un cil vous plaît, j’aurai
beaucoup couri, allez en vous, lalalère, pioupiou, je biffe
biffin, etc.
Mais, le recueil que j’ai préféré
est incontestablement Va où. Dans ce dernier,
il me semble que le style de Valérie Rouzeau est plus abouti…
J’ai comme l’impression que dans les recueils précédents
elle posait les jalons de ce qui serait sa voix. (extrait de la
présentation de l'oeuvre de Valérie Rouzeau sur
le groupe yahoo PLE4,
groupe de la Micronésie
poétique)
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Quelques
Extraits |
Je pense aux personnes
merveilleuses de ma vie je pense
à vous mes amis vous mes inconnus innombrables je
pense à Robert Desnos dont les yeux étaient
des
perles je pense à Rimbaud le jeune homme vert qui
rougissait jusqu’aux oreilles je pense à d’Aubigné
couché avec ses pistolets.
Je pense aux personnes à merveille dans ma vie mes
frères loin mes potes en allés mes jamais
rencontrés
je pense au cœur de ma mère solitaire je pense
sur la tête de mon père je pense à mes
aïeux en rangs
d’oignons dessous la terre je pense à ma grand-mère
sempiternelle qui avait le blues toujours dans sa
vieille blouse
Je pense aux personnes de merveilleuses à vie je
pense à
leurs coups de mains je pense à leurs coups de pieds
au soleil cou coupé et à baise m’encore
je pense à
leurs coups de reins je pense à leurs coups de dés
Je pense aux personnes qui me merveillent la vie d’hiver
à aujourd’hui et jusqu’au lendemain la
merveille de
leur voix de leurs ries et chagrins je pense à eux
longtemps je pense à eux très vite je pense
à elles
aussi je pense partout à lui
Je pense aux personnes dans ma vie merveilleusement
je pense merveilleusement aux personnes de ma vie
car je n’oublie personne personne et pas même
moi
je pense à tout le monde et m’y trouve comprise
je
pense à moi qui pense à vous et à merveille
Valérie Rouzeau dans Va où,
éditions Le temps qu’il fait, pages 49-50
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Ma bouche ne fera pas d’histoire
quand s’agira de la
fermer ce sera tout moi mon silence
toute moi ma
rengaine arrêtée
Mes yeux d’avoir aimé
vos yeux jusqu’à sourire jusqu’aux
oreilles
Si je n’ai plus toutes mes dents
comme aujourd’hui à
trente-deux ans c’est que j’aurai
beaucoup mordu
Epuisé chance et puis chanson
devenue muette ce gros
poisson pourra bien tourner sans paroles
Valérie Rouzeau dans Va où,
éditions Le temps qu’il fait, page 21
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Ma compagnie entre hommes femmes enfants
bêtes
Plantes cailloux j’y songe
En solitude c’est du monde à
ma table dans les transports partout
M’embarque dans mes considérations
d’eux pour leurs pistes aux étoiles leurs signaux
lumineux
En solitaire je traverse leurs pensées
parfois et cette pensée me pousse
Un jour j’aborderai dans nos
zones d’étrangeté chacun je nous rassemblerai
sur les planches de ma vie moi et ma compagnie
Valérie Rouzeau dans Va où,
éditions Le temps qu’il fait, page 51
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Bio-bibliographie
de Valérie Rouzeau |
Valérie Rouzeau est née en 1967 dans une famille
de récupérateurs de la Nièvre. Elle a traduit
Sylvia Plath et William-Carlos Williams.
Elle a publié :
Je trouverai le titre après, Chambelland (Le Pont sous
l'Eau, 1989),
À tire d'elle, La Bartavelle 1989,
À cause de l'automne, supplément Polder n°62,
revue Décharge1991,
Petits poèmes sans gravité, Prix de la Crypte 1991,
La Crypte 1991,
Les ailes et les fruits, Multiples 1992,
Chantier d'enfance, La Bartavelle et Le Noroît (Québec)
1992,
Patiences, Albatroz et Le Manège du Cochon Seul, 1994,
Ce n'est pas le printemps, Traumfabrik 1995,
Pas revoir, Le Dé bleu1999.
Neige rien, Unes, 2000.
Une foule en terre foulée, traduction des poèmes
en anglais par Richard Cooper, dessins de Michel Nedjar, Travioles,
2001
Va où, Le Temps qu'il fait 2002.
Kékszákallú, Valérie Rouzeau et les
Faunes, 2004
Traductions : La traversée in Arbres d'hiver, Sylvia Plath,
Poésie / Gallimard, 1999,
Je voulais écrire un poème, William Carlos Williams,
Unes, 2000
Le Printemps et le reste, William Carlos Williams, Unes, 2000
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