TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel -
Prendre les oiseaux par les cormes ~ Sophie g.Lucas

 

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Il est des livres qu’on aimerait garder toujours près de soi, des livres à glisser dans son sac ou dans la poche de sa veste, pour pouvoir les sortir dès qu’on le souhaite, en relire des passages, s’imprégner de leur profonde humanité.
Il est des livres de poévie, pour reprendre l’expression de Daniel Biga, dont les mots nous rapprochent de l’essentiel, nous équilibrent.
Prendre les oiseaux par les cornes, le dernier recueil de Sophie G.Lucas aux éditions du chat qui tousse, est de ceux-là.
J’ai toujours plaisir à retrouver le format particulier, le papier gris, la simplicité des objets-livres de cette maison d’édition.


Des petits textes en prose, comme autant de notes sur les jours qui passent. Poèmes à la première personne et au présent. Le choix du temps en dit beaucoup, car c’est bien de ça dont nous parle Sophie G.Lucas : être là, pleinement attentif à l’instant, relié au monde et aux êtres :

Je glane des châtaignes dans un bois. Mon sac à dos est plein et je ne peux emporter les odeurs d’humus de pins de ciel large de champignons de fumées de bois de silence.

Quand ma grand-mère contre moi ma polaire toujours vérifie que ça bat sous sa laine chinée. Et quand il fait froid nos vêtements fabriquent de l’électricité.


Dans une société de consommation, où l’on voudrait nous faire croire qu’ « avoir » nous rendrait plus heureux ( Dans la rue on m’ordonne d’acheter une voiture une boisson allégée des sous-vêtements du parfum un téléphone portable du café(…)), les poèmes de Sophie G.Lucas font chanter librement le verbe « être ».
Ce qui résiste aux injonctions, aux statistiques, aux cases dans lesquelles on voudrait enfermer les personnes, c’est bien le désir d’inventer chacun sa propre existence :

On me dit qu’il va falloir me repositionner sur le marché du travail. Je rumine en ouvrant un livre sur le chemin du retour. Je lis. Je traverse des gens des murs des arbres des poteaux des panneaux publicitaires. Je lis et je ne trébuche pas.


Prendre les oiseaux par les cornes est un livre de vie, ça palpite à l’intérieur, tous sens en éveil. Un livre en couleurs, où le monde n’est pas juste un décor que la narratrice observe. Il la traverse, la bouleverse. Disponible à ce qui advient. Présente à l’instant.

Je fais nager mes pieds dans l’eau de la bassine chauffée au soleil. Je ferme les yeux. Je vois orange. Je mollis avec mes pieds. J’ai derrière la tête rien.

Je ramasse les dernières mûres de la saison. Mes doigts se font violets. Je ne frotte pas. Je me laisse me transformer.

Il fait tempête et j’avale le vent. Je me laisse pousser soulevant les bras. Mes pieds presque quittant le sol.


On ferme le recueil en ayant l’impression de respirer mieux. Il passe dans ces poèmes un vent de résistance, de liberté, qui vivifie et porte haut le regard

Cécile Thibesard


 
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