Rares sont les livres qui évoquent
la découverte du monde par les tout-petits. C’est sur ce
thème que se penche Cécile Guivarch, dans son nouveau
recueil paru aux Editions des carnets du dessert de lune, Te visite
le monde. Des tercets pour dire les sensations du bébé,
son éveil au monde, ses relations avec l’entourage proche
( la mère surtout).
dire qui quoi comment au monde
ce qui à tes yeux n’est pas rien
le visage ta mère le tien
Au quotidien dans la maison ( jeux avec le hochet, babils,
tétée, sommeil) se mêle la découverte sensorielle
du monde ( les herbes, le vent, le soleil..).
Les métaphores finissent par abolir la frontière entre
dedans et dehors et le monde semble le prolongement de la chambre du
bébé.
tu nids d’oiseau à peine
te capte le monde s’émerveille
t’éclates le ciel plus que moi
Les inversions( ton pied bien haut tu lèves),
les onomatopées( clip clap boum, brr, areuh babou), la transformation
de noms en verbes ( tu girouettes) donnent au lecteur l’impression
de rester à hauteur du petit enfant, dans sa manière de
saisir le monde par bribes et de se focaliser sur tel ou tel élément.
Cécile Guivarch nous raconte la naissance du
recueil :
Pour te visite le monde… les premiers écrits
ont commencé juste après avoir été comme
invitée au festival poète au potager. Il y a eu une séparation
avec ma fille à ce moment, la première aussi longue. Et
puis ces rencontres avec d’autres poètes au style tous
très différent. C’est souvent après des rencontres
comme ça que ma plume se met à fuser. Et d’y penser
très fort à ma fille n’y a pas été
pour rien. Depuis sa naissance j’ai été émerveillée
par ses grands yeux, si grands qu’on aurait cru qu’elle
voulait avaler le monde, et puis tous ces petits gestes qui faisaient
penser qu’elle voulait tout savoir du monde aussi grand fusse
t-il. Bien avant sa naissance j’avais écrit des choses
liées à ma propre enfance, sur les sensations que je me
rappelais éprouver enfant, et je me suis donc bien retrouvée
avec ma fille, j’ai retrouvé ma mère aussi, ses
gestes, son odeur mais du coup de l’autre côté, plus
en tant qu’enfant. Puis la naissance… Moments magiques…
Prise de notes bien sûr les jours qui ont suivi mais le vrai travail
d’écriture a débuté longtemps après,
voilà pourquoi Tu naissances est en 2ème partie.
En deuxième partie, Tu naissances évoque la rencontre
du bébé avec ses parents :
un paysage monté en eux limite déborde
sur le bord tu restes mais sais quoi faire
de leur accueil deux visages tes yeux
La naissance comme expérience originelle, un
moment d’intime relation aux éléments naturels :
sous quelle poussée tes doigts retiennent
le si plein de terre pendant déluge
flotte berceau avant monde
Dans ce dernier recueil de Cécile Guivarch, on
retrouve avec plaisir ce qui nous avait plu dans Terre à
ciels ( Editions des carnets du dessert de lune, 2006), cette façon
si particulière d’être relié au monde.
Par Cécile Thibesard