TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Les bonnes feuilles de Terre à Ciel -
Ted Hughes ~ Birthday letters ~ Gallimard, 2002, trad. Sylvie Doizelet

 

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« Birthday Letters » est un livre de poésie d'une extrême sensibilité. Beau, tout simplement beau. Presque quatre-dix poèmes d'un homme à une femme, morte 35 ans plus tôt. Suicidée.
L'homme c'est Ted Hugues, poète anglais connu et reconnu. Né en 1930, il est mort en 1998, peu avant la publication de ce livre. La femme c'est Sylvia Plath, née en 1932, poète américaine, qui s'est donné la mort en 1963 après avoir longtemps lutté contre son mal-être. Figure devenue culte, on connaît, pour ce qui concerne l'oeuvre traduite en français, ses Journaux, Carnets Intimes, Letters Home, La cloche de détresse (roman) et enfin,et surtout, sa poésie, Trois femmes : poèmes à trois voix, Ariel, Arbres d'hiver.

Le couple aura vécu sept années ensemble, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Ils se quittent. Elle se suicide peu de temps après. Il n'en faudra pas plus pour rendre Ted Hugues responsable de sa mort, d'autant que sa seconde compagne, Assia Wevill se suicida en 1969, avec leur fille. Les choses ne sont sans doute pas aussi simples. Mais outre-Manche, l'accusation a longtemps tenu bon. De même qu'il semblerait que le dernier cahier du journal intime de SP ait été détruit par TH, selon ses propres révélations.

Toutes ces années, le poète anglais ne s'exprimera pas sur la question du suicide de SP. Il ne le fera qu'au travers de ce recueil, en poésie, dans ces lettres adressées à une seule destinataire. Elle. Ces lettres-poèmes ont été écrites lors des jours anniversaires de sa mort. Il lui parle. Il y a lui et le « tu ». Et c'est émouvant. Il y exprime le deuil, l'amour, la culpabilité, l'impuissance. Il rompt le silence. Et avec elle, refait le chemin à l'envers. Leur vie ensemble. Sa vie à elle. Ses proches. Leurs enfants. Leurs voyages. Leurs appartements. L'écriture.
La faire vivre encore, entre les mots, pour ne plus la perdre.

La langue et la forme sont assez classiques. Mais de bien belle manière, beaucoup des textes sont des échos aux poèmes de Sylvia Plath. En cela, les notes de la traductrice sont précieuses. On peut aussi tout simplement se laisser porter. Extraits.

« Tu es morte depuis dix ans. Ce n'est qu'une histoire.
Ton histoire. Mon histoire »
(La visite)


« Tes tempes, à la lisière des cheveux,
Etaient la zone sensible.
(...) Quelqu'un t'a électrifiée,
Quelqu'un a actionné le levier. Ils ont fait éclater
Le tonnerre sous ton crâne »
(La zone sensible)


« Ta dévotion exigeait un dieu.
(..)
A ma place, un sorcier efficace
T'aurait saisie au vol, à mains nues,
Relancée, reprise de l'autre main,
Guérie de Dieu, heureuse, apaisée.

Moi je n'ai su garder
Qu'une petite mèche de tes cheveux,
Ta bague, ta montre, ta chemise de nuit »

(Le coup de feu )


« Partie à la recherche de toi-même, dans l'obscurité, tu dansais,
Perdant pied lentement,pleurant doucement »

(Que Dieu vienne en aide au loup)


« J'avais laissé les choses continuer. J'avais supposé
Que tout allait bien (..)

A présent, je vois, j'ai vu, assise, la fille
Solitaire qui allait mourir
(..)
Et moi à l'époque, je restais là, paralysé,
Incapable de cerner ce qui te paralysait
Lorsque je te regardais, comme je suis paralysé
A jamais maintenant, à jamais
Penché, un si court instant, au-dessus de ton cercueil ouvert »

(L'ensemble en flanelle bleu)


« Tu essayais de te raccrocher au monde,
A la moindre lueur d'espoir, à ton café du matin, à tout
Ce qui pouvait t'aider à prendre ton essor (..)

Ta machine à écrire,
Ton réveille-matin, tes mots à trouver
Étaient une torture pour toi (..) »

(9 Willow street)


« Mais j'ai raté. Notre mariage a raté »
(Épiphanie)


« J'attendais que tu reviennes parmi nous
(..)
Tu étais enfermée
Dans une sorte de chambre, sans oxygène.
Où je ne pouvais pas te rejoindre, ni t'entendre vraiment,
Et encore moins de comprendre »

(Le braconnier)

BIBLIOGRAPHIE de Ted HUGHES (en français) :
« Corbeau » Ed. La Différence (1980)
« Cave bird.. » Ed. La Différence, Orphée 97 (1991)
« New selected poems 1957-1994 : lire Ted Hughes » Ed. Du Temps (1999)
« Contes d'Ovide » Ed. Phébus (2002)




sophie g.lucas (janvier 2009)

 
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