TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Paysages
Des poèmes de Simone Molina sur des gravures de Dominique Limon
Mini entretien avec Simone Molina par Roselyne Sibille

 

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Entre les mots,
au creux d’un soupir,
il la tenait,
           aimante.
Et dans sa paume humide,
l’âge coulait de ses yeux.

Ils sont                le long                   des routes
                          à dérouler le temps

Ils ont oublié l’heure
la chaleur du confort

Leur parfum est l’humus
                                         humide
                                         au bord des champs


Suaire sous la pluie
leur habit
                                    dérisoire

Ils ont les cheveux longs
Ils ressemblent à des anges
fuyant            dessus         l’asphalte.

Echappant de sa main
elle est comme un soleil
sur la pénombre de l’étang.

 

  La haie se déshabille dans le vent.
Elle garde ses diamants,
là-haut
                sa folle chevelure.

Frôlant sa nudité,
bientôt refleuriront,
les résilles moirées
de frêles araignées
gardiennes de l’automne.

 

Entretien / Site Terre à Ciel, avec Roselyne Sibille.
Simone Molina, 14 septembre 2012

1. D’où vient l’écriture pour toi ?

De l’écoute et du silence. L’écriture poétique peut venir d’une nécessaire méditation qui cherche une fissure pour laisser émerger une parole vive. Il s’agit alors de la rencontre vibratoire avec un paysage, un objet, une situation qui me touche, un être vulnérable ou surprenant… Mais l’écriture peut venir aussi de la douleur, de la reviviscence, et surgit alors comme une nécessité vitale, une urgence qui balbutie… Alors, un bout de papier dans la nuit ouverte par le rêve, ou la mémoire bousculée, en marchant, en conduisant, dans les actes quotidiens de la vie, la mémoire de ce qui a été ou qui serait si…
Parfois aussi, les doigts qui courent sur le clavier alors que la pensée n’est plus, que le vide s’est installé et qu’il reste à essayer l’autre moitié de l’ombre.

L’autre écriture, celle de l’essai, l’écriture dite savante, vient de l’expérience, d’une écoute plurielle, et me semble laborieuse, contenue, même si elle est toujours irriguée par un mouvement entre intérieur et extérieur, comme l’est l’écriture poétique qui joue sur les marges.

2. Comment travailles-tu tes écrits ?
Souvent, une amorce dérisoire mais indispensable, et puis le souffle semble monter de je ne sais où. Puis je coupe, rogne, allège, déstructure, soupèse, élargis, et peu à peu je laisse le poème m’envahir comme le rêve berce le dormeur. Je tente la voix haute. Puis j’attends. Parfois j’adresse à mes quelques lecteurs, amis de vie ou de plume, et j’attends encore. Ensuite j’oublie. Plus tard, je découvre avec l’oreille et l’œil neufs. Alors le poème s’étire ou se contracte, puis se pose.

3. Que t’apporte l’écriture ?
Un apaisement toujours provisoire.

4. Quel lien fais tu entre ton écriture de l’essai et ton écriture poétique ?
Je cherche des passerelles. Je suis sans doute « addicte » au lien par la parole vive, par les sonorités musicales de la parole. Je tente, avec l’écriture de l’essai, de rejoindre les marges de l’écriture poétique pour passer la barre, au-delà des savoirs établis.

5. Quelle serait ta bibliothèque idéale ?
Je me méfie des idéaux ! Tout un chapitre de mon livre Archives Incandescentes traite de la bibliothèque !
J’aime le compagnonnage des livres d’artistes et des artistes plasticiens. La beauté fragile de la typographie ancienne, les nuances d’une gravure… l’art en mouvement de Hyppolite Ludo… Je pense soudain au magnifique travail de l’Atelier des Grames, à la matière et à l’invention des précieux nouages entre un texte et l’objet qui le contient ou le porte...
Il y a bien sûr les rencontres majeures, (Edmond Jabès, Eugène Guillevic, Albert Camus, René Char, Georges Pérec…) et d’autres rencontres plus contemporaines, toujours faites de fulgurance : Antoine Emaz, Caroline Sagot-Duvauroux, Jean-Louis Giovannoni... la poésie de Gherasim Luca… en fait, ce qui étreint musique intérieure, musicalité et texte. Mais pour essayer de répondre tout de même, je me dis que ma bibliothèque idéale serait infinie en même temps qu’elle se résumerait à une seule lettre. Ce pourrait être le E ou bien le Z.

Simone MOLINA, Poète et Psychanalyste, Animatrice d’atelier d’écriture ; chargée de cours pour le Diplôme Universitaire d’animation d’atelier d’écriture de Marseille, elle s’intéresse aux passerelles entre psychanalyse et littérature, qu’elle tente de théoriser. Elle a publié des livres d’artistes, mais aussi des nouvelles, poèmes et articles dans des revues spécialisées ; en 2011 est paru « Archives incandescentes : écrire, entre la psychanalyse, l’Histoire et le politique » préfacé par Benjamin STORA, et en 2012, elle a collaboré à « Histoires Minuscules des révolutions arabes » sous la direction de Wassyla TAMZALI.
Son écriture est née de l’exil, et, avant l’exil, d’une guerre sans nom, aux multiples visages d’effroi. Le poème alors parfois fait bord à l’indicible, à l’inouï cheminant entre les visages… Il témoigne aussi du côtoiement de la folie, du désastre de la folie et de sa puissance créative, de ses larges et belles évidences jetées au vent afin que surgisse une parole qui rendra vivante la relation ne serait-ce qu’un bref instant.
Créatrice d’évènements atypiques en lien avec des lieux culturels (Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, Scène nationale de Cavaillon, ou d’autres plus intimistes…), elle donne également des lectures publiques avec des ami(e)s poètes et des musiciens qui allient classique, contemporain, jazz et musiques du monde, pour trouver l’inter-S-tisse où se glisse le furet du désir.
Elle partage les silences et les mots avec des artistes peintres ou plasticiens pour l’émerveillement du livre caressé, enfin, du bout des doigts.
Livres d’artistes :

  • 2003 : « Elles sont sept ; au trait par trait… » sous la direction de Claude Maillard, psychanalyste et écrivaine, avec des lithographies de B.G Lafabrie. Editions B.G Lafabrie.
  • 2006 : « Trois Mots ». sous la direction de Anne Vannier-Drüssel, (plasticienne et graveur), Collection Ribosome, Livres Hors Norme Muraux ; Editions L’Indice-pensable
  • 2008 : « Entre les Mots » Livre d’artiste numéroté, avec Dominique Limon, graveur.
  • 2009 : « Résille » et « Errances », 2 Livres d’artistes, numérotés, typographiés par S. Molina, avec des gravures de Dominique Limon, pour un coffret intitulé « Dit / moi »
  • 2009 : « Nymphéa », Livre d’artiste, poème de S. Molina, avec des gravures de Dominique Limon, numérotés de 1 à 20.
  • 2010 : « Nuage », Livre d’artiste, numéroté, Typographie et gravure de Dominique Limon, pour un coffret intitulé « Dit / moi »
  • 2010 : « Ephémères » Livre d’artistes avec Hippolyte Ludo, 4 exemplaires numérotés.
  • 2011 : Co-création (pour le texte) d’un livre expérimental avec atelier d’écriture de Simone Molina, Typographie et mise à livre par Anik Vinay : « L’autre moitié de l’ombre » avec l’Atelier des Grames à la Médiathèque Ceccano, Avignon.

    Site : www.inter-s-tisse.org

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