TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Paysages ~ Livres manuscrits
Entretien avec Armand Dupuy par Cécile Guivarch

 

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Comment t'est venue l'idée de créer des livres manuscrits ?

Au départ, je pense que l'idée n'a pas été de créer des livres, mais tout simplement de faire quelque chose entre amis, de réaliser un objet qui témoigne d'un échange de fond.
Si je ne me trompe pas, le tout premier petit livre date de 2005. Un papier Himalaya plié en 3 (à 10 exemplaires) sur lequel j'avais imprimé de très modestes bois gravés qui accompagnaient 3 textes manuscrits de Nicolas Grégoire intitulés AAA.
Mais c'est en 2009 que je me suis plus particulièrement pris de passion pour ces livres qui, le plus souvent, ne sont que des papiers pliés en 2, 3 ou 4. Scanreigh m'avait alors invité participer à l'aventure des « Livres Pauvres » initiée par Daniel Leuwers qui associe, dans de très petits volumes, un artiste et un auteur.
Depuis, je n'ai pas arrêté. Quand je découvre l’œuvre d'un peintre qui me touche particulièrement où qui m'intéresse, j'aime engager ce genre de travail avec lui. C'est une manière de créer un lien, de se rencontrer de s'approcher mutuellement. Mais je pense que le moteur n'a pas changé. C'est toujours le plaisir de faire ensemble, de s’arracher un peu à la solitude de la table de travail ou de l'atelier. C'est une manière, surtout, de se laisser déplacer par l'autre. Parce qu'il existe toujours une sorte de déséquilibre entre le texte et la peinture. Certains livres mériteraient de ne recevoir aucun mot tant ils sont beaux. Je pense à un récent livre avec Jacques Capdeville. Il était d'une magnifique concision... il n'y avait rien à ajouter. Avec un peu de scrupules, j'y ai pourtant mis deux textes. D'une certaine façon, ils ont gâché cette plénitude en créant le déséquilibre... mais c'est sans doute le principe de toute avancée, de toute marche... on passe d'un déséquilibre à l'autre.
Avec certains artistes, c'est l'affaire d'une seule fois, pour diverses raisons, mais j'aime quand l'échange prend l'allure d'un compagnonnage. C'est le cas avec des peintres comme Max Partezana ou Georges Badin. Nous collaborons très régulièrement.
De fil en aiguille, j'ai l'impression que ces livres se sont installés au cœur du travail d'écriture. Non pas que j'écrive pour ces livres ou pour les peintures ou dessins dont ils sont le support. Le travail se fait désormais dans cette proximité des livres. Ces livres passent dans mon quotidien comme tout ce qui passe à la fenêtre. Ils aident à penser.


Que défends-tu ainsi ?

Je me défend de la solitude, c'est tout. Je ne crois pas défendre autre chose avec ces livres minuscules qui n'existent qu'à très peu d'exemplaires. C'est aussi l'occasion de se rappeler que chaque texte est un effort, un travail de patience.
J'écris assez lentement, de façon toujours incertaine, avec beaucoup de retouches, de modifications. Ainsi, ce genre de livre permet d'arrêter le texte. De lui donner une première existence et de le voir accompagner.
Je me demande souvent pourquoi ce désir de livres manuscrit et peints me tient... mais je ne trouve pas de réponse satisfaisante. C'est de l'ordre du désir, ça touche à l'obscur moteur.
Et poser un texte à côté d'une peinture, c'est peut-être lui offrir tout ce que j'ai raté à dire.

 


Comment naît un livre manuscrit?

Un livre naît d'un désir partagé. Et ce désir devient une forme de nécessité. Le point de départ d'un livre est souvent mon attrait et mon enthousiasme pour une œuvre que je découvre, ou le désir du peintre de faire quelque chose ensemble. Avec d'autres c'est une habitude, un travail au long cours. On fait route ensemble, à notre rythme, et l'on s'envoie des papiers régulièrement.
En général c'est en dehors de tout circuit, Ce sont de temps à autre des Livres Pauvres ou parfois des livres pour la Collection Mémoire d'Eric Coisel. Mais quoi qu'il en soit, tout se passe d'une façon très simple.


- Quelle relation entre les artistes cela suppose ?

Il faut qu'une forme de confiance existe. Au départ, j'avais très peur de saboter le travail en écrivant « mal » dans les peintures. J'imagine que cette angoisse est identique chez certains peintre, avec la crainte de faire baver le texte ou de le rendre illisible. Mais il faut y aller franchement.
Je pense notamment à des livres avec Georges Badin dans lesquels, parfois, des pans de textes s'effacent sous la peinture épaisse. Parfois c'est même le papier qui se déchire s'il a collé avec l'acrylique encore fraîche. Il faut accepter et aimer ces accidents. Ne pas être excessivement attaché à son texte ou à sa peinture, son dessin. Il faut accepter que l'autre utilise le support librement, pas forcément comme on l'attendais. Chacun doit se sentir libre. Rien n'est vraiment prémédité. C'est ce qui donne la possibilité d'une rencontre je pense. Il ne s'agit pas de faire une belle page, c'est vraiment autre chose. Si on se met à deux (ou plus) sur un bout de papier, c'est qu'on espère qu'il se passera quelque chose de plus que ce qu'on aurait fait chacun de son côté.

Quels sont les artistes avec lesquels tu as confectionné ces livres manuscrits jusqu'à présent ?

Il y a Georges Badin, Max Partezana, Robert Brandy, Solange Knopf, Jean-Michel Marchetti, Patrick Devreux, Jacques Capdeville, Raphaël Colombi, Kevin B, Jean-Marc Scanreigh, Ian Gamache, Eric Demelis, Jean Anguera, Eric Coisel... Il y a aussi des livres qui sont en cours, avec d'autres artistes. Je suis toujours avide de découverte, d'échanges.

 

 

 

Comment se les procure-t-on ?

C'est difficile ! Ces livres existent à très peu d'exemplaires. Ça va de l'exemplaire unique à 12 exemplaires, mais c'est plus souvent 6 exemplaires. Ce sont donc des livres qu'on garde ou qu'on échange, avec les amis.

 

 

 


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