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On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen |
Présentation |
Béatrice
Bonhomme, poète, professeur à l’Université
de Nice, a créé en 2003 un axe sur la poésie,
Poièma, au sein du Centre Transdisciplinaire
d’Epistémologie de la Littérature et des Arts
vivants. Elle a fondé avec Hervé Bosio, en 1994,
la Revue Nu(e) qui a consacré à ce jour 53
dossiers à l’oeuvre des poètes contemporains
et elle dirige La Société des lecteurs de Pierre
Jean Jouve. Elle a publié de nombreux articles et ouvrages
critiques sur la poésie moderne et contemporaine. Citons
ses derniers ouvrages : Mémoire et chemins vers le monde
(une étude qui s’inscrit comme un hommage à
de nombreux poètes contemporains) (Melis, 2009), Pierre
Jean Jouve ou la quête intérieure (Aden, 2009)
et ses derniers livres de poèmes : Mutilation d’arbre
(Collodion, 2008), Passant de la lumière (L’Arrière-Pays,
2008), Précarité de la Lumière (La
Rivière échappée, la Canopée, 2009).
La pièce La fin de l’éternité
a été créée à Grenade en 2009.
Un ouvrage collectif sur l’œuvre poétique de Béatrice
Bonhomme paraitra en 2013 chez Peter Lang ainsi qu’un recueil
de poèmes variations du visage et de la rose aux
Editions de l’Arrière-Pays.
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Béatrice
Bonhomme extrait de variations du visage et de
la rose |
1
Tu te souviens, quand nous l’avons retrouvé,
posé sur la neige, alors qu’il serrait contre lui cette
seule rose. Elle avait gardé du sang sur ses pétales
et le cœur battait dans la rose. Mais, lui, son cœur avait
cessé de battre, il avait confié son cœur à
la rose. Le sang de la rose battait encore quand on a ouvert sa main
et que l’on a déposé la rose sur la neige.
Dans la maison, le vase était resté fleuri, alors qu’il
s’était désormais éloigné pour prendre
la couleur de la neige. Alors qu’il devenait du marbre, les
roses déposées dans le vase continuaient à vivre.
Il a emporté une rose avec lui et il l’a gardée
dans sa main. Quand nous sommes arrivés le cœur de la
rose brûlait encore.
Mais quand je viens vers toi, c’est une grande lumière
lavée, le visage d’un enfant lavé par la lumière
et ce ciel qui n’est que le vide d’une pluie.
C’est tout ce qui a eu lieu ou n’a pas eu lieu, l’impossibilité
à saisir, le cœur fatigué d’implorer la lumière,
une perplexité.
Mais lui, du moins, a saisi la rose sur le chemin du cœur et
la rose est devenue la tapisserie de son visage.
Une tapisserie de soie et de laine, des rosaces au centre de la lumière,
un lien qui se fait, un tout petit mur perdu orange avec les lignes
mortes de la vigne.
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Beatrice Bonhomme
- extrait de textes parus aux éditions Mélis
en 2004 |
Précarité de
la lumière (extrait)
1-
ne plus penser qu’à la lumière
ne laisser qu’un battement
un rythme rayonnant
sur le bord du monde
2-
ne plus s’exposer qu’au rayonnement
de la lumière
et demeurer au creux du monde
dans un rayon de flamme vive
où va s’embraser la couleur
***
In Absentia
tu es dans la blessure
de ce printemps
dans ces chambres que nous
n’aurons pas
dans cet amour qui
fait si mal, là où
se pose la minceur
de ton corps nu
sur des draps blancs |
Béatrice
Bonhomme - extrait de Passant de la lumière |
Fiançailles de la mort
C’est par simple devoir de faille qu’il
coupe et taille dans le temps.
Dans le temps arrêté et dans le coeur
du temps, les lys blancs des bouquets.
Et c’est par testament qu’il devient
éclats de kaléidoscope, bouquet de pavot et de nuit
où s’endort le coeur des songes.
Dans l’encorbellement des visages, un visage
se transforme en l’autre et passe d’un visage à
l’autre la lumière de son pastel.
Et c’est par équilibre de sel qu’il
dort dans la fibrillation des nuages, un ciel dans un autre ciel
et la lumière de son regard.
La tonnelle, celle des griffes roses où poussent
les bougainvil-liers, éclate dans les cheveux d’une
petite fille à magnolias.
A Pompéi, tu t’assois sur la pierre
des années. Les enfants jouent à la marelle. Le ciel
est bleu d’éternité. Je sais que tu vas mourir.
Et puis il y a quelques pierres. C’est encore
le temps de l’enfance. On s’amuse à y croire
encore. Et dans la pierre du désir, tu chantes à voix
basse, chantante, la chanson de l’autre rive, celle des poèmes
oubliés, celle des chats qui sont partis sans jamais se retourner,
celle du soleil sous la pluie, celle d’une berceuse de la
vie.
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Béatrice
Bonhomme - extraits de La maison abandonnée |
Un passage comme si de rien n’était Et voilà
que je me remets à pénétrer les mots de la
vie Un soleil sur la nappe rouge La pompe au milieu de la cour Ne
ramenant plus d’eau Mais la source est toujours présente
Avec l’eau claire que l’on aperçoit A travers
la fente des pierres
***
La terre rouge, une déchirure de nuit, les grands grumeaux
de terre éclatant dans les vignes. La sueur rousse écartelée.
Un prieuré sévère en pierres de sable s’écoulant
dans les chênes, les vignes comme une rose non encore ouverte
au prisme de verdure. Le vert et le rouge échangent des provocations
d’amour. Le silence éclate au cœur.
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Béatrice
Bonhomme - extrait de Passant de la lumière |
Passage du passereau
Le passereau est un passer-moineau, un petit oiseau de l’ordre
de ceux qui passent et traversent, fuselés, la vie précaire.
Le passereau est éphémère, il est passe-fleur,
passiflore, passionné comme l’anémone qui vibre
en plein vent d’étincelles.
Ses poumons sont d’oiseau éphémère,
les bronchioles se ramifient dans le tissu pulmonaire, le traversent
et se prolongent par des sacs aériens qui sont tissus d’or
et de songes dans le souffle des nuages.
Le passereau passe le souffle dans le syrinx de son chant comme
message d’un ciel si proche et comme essor de passage.
Volatilia, matière volatile évaporée dans
la fibre du monde, il vole dans l’obscurité de la nuit
comme dans la clarté du jour.
Il taille dans les ailes et les airs jusqu’à trouver
la forme juste d’un anniversaire de feuilles.
Il est le souffle de la nuit qui se heurte contre la paroi des
fleurs.
Il tourne tout autour de la table des morts et, en veillée
funéraire, s’inscruste dans le vitrail.
Son oeil de verre rouge irise la couleur.
Sur la neige ne demeure que l’étroite empreinte de
sa fine patte de passereau posée sur le mouron des tombes.
Il passe oiseau éphémère comme la précarité
de l’amour.
Pour moi, le passereau est bleu, mais je ne sais pas trop sa couleur.
Il est bleu comme l’oiseau d’enfance et souffre douleur
d’amour.
Pour moi, le passereau est rouge, mais je ne sais
pas sa couleur, ensanglanté des stigmates de pluie, il traverse
les larmes.
Pour moi le passereau est gris, car je sais trop
bien sa couleur. Il passe en glissade légère les ailes
étendues, discret, il passe dans la vie précaire.
Et dans les plantes aromatiques, la myrrhe d’un
étrange berceau, il passe et renaît, passereau, oiseau
de cendre et de lumière.
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Béatrice
Bonhomme - extrait de Pactes des mots |
1-Femme de quelques poussières
Elle est un autre ou l’autre ou tous les autres. Quand s’ouvre
le matin, elle part s’exprimer dans un jasmin de fleurs où
la nuit n’a plus cours.
Elle dévale le long des espaliers, les yeux écarquillés
sur l’aube qui se lève.
Elle est poreuse à l’autre, au monde et devient l’arbre
qui explose au soleil de ses blessures.
Elle est un tout petit être avec quelques cils d’une
délicatesse extrême posés sur un visage de pêche.
Elle est une fillette qui court comme une folle cachée derrière
ses cheveux de gitane.
Elle est cette énigme que tous les hommes interrogent, posée,
par la grâce de sa beauté, comme une idole dans un
carrefour de mythes.
Elle est cette femme vieillie dans les sarments de vigne, aussi
foncée que la terre.
Elle est cette terre où s’éparpille un peu
de sa poussière.
Elle n’est qu’un passage, la réunion de quelques
cellules devenue splendeur au printemps, cette question devant l’univers,
cette interrogation au monde dans l’émouvance parfaite
d’un arc de paupière.
Et puis posée au détour d’un
chemin, elle est une stèle oubliée sur un corps nu.
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Bibliographie
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- "L’Age d’en haut",
Éditions Traces, 1991
"In Absentia", Éditions An Amzer, 1993
"Le Pas de la clé", les Éditions
de La Vague à l’âme, 1994
"Jeune homme marié, nu", Éditions
Nu(e), 1996
"Sauvages", Éditions des Moires,
1997
"Le Dessaisissement des Fleurs". Rafaël
de Surtis Éditions, 1997
"Les Gestes de la neige" Éditions
l’Amourier, 1998
"Poumon d’oiseau éphémère",
Éditions des Moires, 1998
"L’Embellie" (9 exemplaires avec
Henri Maccheroni), 1998 avec des photos d’Henri Maccheroni
"Sabre au clair", Éditions Tipaza,
1998
"La Grève Blanche" éditions
Collodion, 1999
"Femme de tulle et de pierre posée sur
du papier" (22 exemplaires avec Serge Popoff), 1999
"Une pierre dans le front", éditions
Nu(e), 1999
"Les Chevaux de l’enfance" Éditions
Nu(e), 2000
"Fragments d’un désert" Éditions
Nu(e), 2001
« Le Nu bleu », Éditions l’Amourier,
2001
"Le Premier bleu. Éclatement bleu des
frontispices de lumière", Éditions Nu(e), 2002.
"Mémoire et métamorphose dans
l’œuvre de Serge Popoff" Éditions Nu(e),
2002
"Bleu équilibre, sans filet" Éditions
Nu(e), 2002
"Journal d’enfances", "Dernière
adolescence", "Marges", "La Fin de l’éternité"
sont parus aux Éditions Poèm(e) en 2002.
"La Claire" Éditions de l’eau,
2004
"L’Age d’en haut", "Jeune
homme marié, nu", "Poumon d’oiseau éphémère",
"Photographies", "Cimetière étoilé
de la mer", sont parus en 2004 aux éditions Melis
"Nouvelles d’Aurora", Éditions
Poèm(e), 2005.
"Sur la trace légère de quelques
oiseaux", A et T éditions, 2006
"La Maison abandonnée", Melis Éditions,
2006
"L’Incendie précaire" Éditions
Nu(e), octobre 2007
"Dans les silences du Passeur", édition
Le livre pauvre, collection Pli, 2007
"Mutilation d’arbre", éd.
Collodion, 2008.
"Passant de la lumière", éd.
L’arrière Pays, 2008.
" Précarité
de la lumière ", pour la collection Le passeur dirigée
par François Rannou, 2009
- "variations du visage et de la rose",
Editions de l’Arrière-Pays, 2013
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