TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Terre à ciel des poètes - Henri Deluy

 

Sur Henri Deluy
Présentation
Extraits de Vingt-quatre heures d'amour en juillet, puis en août
extraits de Le temps longtemps
extraits de Premières suites
extraits de L’amour charnel
extraits de Da capo
extraits de Je ne suis pas une prostituée, j’espère le devenir
extraits de Les arbres noirs
Sur internet
Bibliographie

Les fiches des poètes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On ne reste jamais longtemps devant soi, pour autant qu'on y parvienne

Antoine Emaz - Lichen, lichen

Présentation


Henri Deluy est né en 1931 à Marseille. Il devient directeur de la revue Action poétique à partir de 1955. Il consacre une partie de ses activités à traduire des auteurs étrangers (notamment hollandais ou allemands). Il a fondé le festival Biennale Internationale des Poètes en Val-de-Marne qu'il a dirigé jusqu'en 2005.

Henri Deluy - extraits de Vingt-quatre heures d’amour en juillet, puis en août


Mardi 14 h.

L’orage pèse sur le silence des oiseaux.
Le domaine des arbres se plombe
Avec une sorte de rigueur hâtive.
L’autre végétation, les géraniums,
Les herbes, les feuilles tombées,
Froissées, déposent une odeur colorée.
Une boule vermillon, rouge orangée,
Piquée de points blancs.

*

Un tout petit écureuil s’empare d’une prune.

***

19
Près du talus qui canalise l’arrosage,
Un tout petit oiseau dont j’ignore le nom
Déplace une feuille de platane.
Je pense alors à des rapports de force.
Ou même à quelque jeu sur les mots.

*

Et rien ne m’émeut davantage.

 

Henri Deluy - extraits de Le temps longtemps


L’amour charnel vivait entouré
Du ciel pur. – L’emplacement
Du cœur était un bruit
Dans le bruit de la mer.

***

Tu essayais de trouver en toi d’autres mots
Pour dire ce que, - peut-être, - tu n’étais pas.
Des barres de lumière multicolores et
Dansantes rayaient le ciel. – La douleur
Avait presque disparu. – Tu marchais.

*

Tu voyais là un peu de corruption
A la recherche de son objet.
Tu disais :
L’inaltérable beauté change de conditions.
Tu avais la gorge nue.

***

Le soleil donne
Jusqu’à sa peau.
Dans la petite mer,
Près des coraux,
L’eau ne passe plus.

*

Le soir vient, la bouche
Pleine d’oiseaux.

***

La mer devient verte.

*

Une fleur transforme sa couleur.

***

Un platane aussi. Puis des arbres
Viennent jusqu’à la route.

***

Il peut ne rien se passer.

*

Car les choses les plus importantes
Ressemblent à des oiseaux.

***

Tu venais le soir, - le plus souvent
Par le bord de la mer. – Ton visage
Exprimait une vie intérieure. – Cela
Ne ressemblait à peu près à rien.

*

L’odeur du sable mouillé.

***
La nuit était fraîche. – Le sol
N’était pas commode. – Tu marchais
Seule. – Tu revenais. – Ce n’était pas
Ce que nous appelions un pardon.
C’était quelque faute perdue
Dans la rumeur de la mer.

*

Une perfection différente.

 

Henri Deluy – extraits de Premières suites

Il y a une lèvre à droite et
Il y a une lèvre à gauche.
Tout le visage est dans le corps.
Tout le visage est bleu.
Tout le bleu est d’une délicate pâleur.
Toutes les dents sont bleues.

***

Au musée de Bordeaux, - tu parlais de ce tableau
« Scène de tortures dans un bagne » (Magnasco,
Dit « Le Lissandrino », - 1667 – id., 1749),
Tu ne l’aimais pas. – Tu disais : j’ai horreur
De ces hommes délabrés qui s’égorgent eux-mêmes.

*

Tu disais : j’ai horreur des musées.

***

Un arbre noueux, - près de l’eau.
Comme un petit monument.
Tu aurais voulu savoir.
Tu aurais voulu tenir
L’inventaire de tes biens.

*

Puis, sur le tard, lire un peu.

***

Cette pluie qui n’était pas,
Cette pluie qui avait parfois l’air
De vouloir tomber sur nous,
Cette pluie brillait. – Je ne trouvais
Rien à redire aux complications.
J’avançais. – La pluie tenait le ciel.

***

La mer est aujourd’hui loin de toi.
Pour toujours. – Et de cette colline.
Pour toujours à un mètre de tes yeux.

*

L’étonnement pourrait être une intimité.
Longue vie, mon père, si près de ton vivant.

***
Sur cette dernière photo, tu vas
Chercher de l’eau. – Tu ne viendras plus
Vers moi. – Même pas pour quelques mètres,
Même pas devant la porte.

*

Et moi, je reste là.

 

Henri Deluy – extraits de L’amour charnel

La chambre semblait sortir du corps.
La chambre semblait sortir des plis
De la robe et des plis du corps.
La chambre semblait recevoir
Autre chose encore. – Tu disais :
Lorsque je partirai, je partirai loin
Et sans regrets. – La chambre était
Toute entière dans cet amas confus
De paroles, près de la robe, et
Dans ce paysage, qui disparaît
Vers le haut de tes cuisses

***

Ce qui traversait l’image traversait aussi ton regard.
Ressassement, objet trouvé. – C’était un monde
Où il n’y avait rien à voir. – L’émotion pure.
Qui s’appuyait sur une solitude qu’elle ignorait.
Tu partageais avec moi un fragment de cette émotion.
Ce à quoi rien ne faisait défaut.


Henri Deluy – extraits de Da capo

Les buissons de lilas commençaient
A prendre cette légère couleur
Qui les aide à fleurir.

*

Tandis que, sur le papier,
Les oiseaux qui vont avec
Devenaient plus clairs.

***

Désir du désir. Que le désir de vivre
Ne recouvrait pas tout à fait. C’était
Hier, avec cette lueur des nuits froides
L’étalage du vent. Puis une volée
De moineaux tentaient de refaire
Le monde.

*

Et,
Cependant que le poème
Glisse,
L’inabordable
Douleur des autres.

***

Une substance fragile et lourde
S’insinue entre les lames du parquet.
Une colline désertique où les hirondelles
Viennent s’isoler.

*

Le soleil est couvert de terre.

***

LE 20 JANVIER

Ca commence avec des mots. Ca
Finit avec des mots. Il n’y a
Que les mots qui parlent.

*

Aucune pluie ne touche cette fleur,
Et c’est, peut-être, à cause
De son nom.

***

LE 6 FEVRIER

Si j’avais un petit taureau
Blanc, je le nourrirais
De roses, de roses roses.

*

Car, tu le sais, il n’y a pas de transgression.

*

Le printemps et l’hiver sont les deux
Seules saisons de notre amour.

***

LE 3 MARS
Aimer pourrait être, sans doute,
Autre chose : un pur objet
Pour la prose.
La violence sucrée
Du désir auprès
Du désir.

*

Ce qu’on pourrait dire : à
La merci
De l’impossible.


Henri Deluy – extraits de Je ne suis pas une prostituée, j’espère le devenir

Les oiseaux ne s’éloignaient pas
Des toits.
Tu portais une robe.
Je portais une robe.
La rumeur : obscure.

*

La nudité n’était pas le corps.

***

Deux mers, l’une sur l’autre, changeaient
De couleurs. L’orthographe envahissait ton corps.
Ce vent
Décomposait les choses familières.
Peu de signes.

*

Peu de monuments. Une enfance engloutie.

Henri Deluy – extraits de Les arbres noirs

Jardins montés de Varese ;
Marcher à nouveau parmi
Les acacias, dans une
Contre-allée recouverte,
Et le mouvement végétal
Du corps ; l’épiderme
Sous la peau ; l’isolement
Des gris, des camaïeux, des
Gammes composées ; le
Passage d’une cambrure à
L’autre – une odeur de
Femme seule – et la
Misère misérable
D’être là

***

Jeudi 5 février

Maquillage de plomb tu ne naviguais
Pas de femmes-marins disais-tu dans
Ce froissement d’épaules autres tapi
Neuses d’Alexandrie mauvaises herbes
Sur la plage pièce vide ou récemment
Repeinte et sur la couleur des yeux
Taillés en amande bleu pervenche

*

Magnifique

 

Henri Deluy sur internet
  • Une biobibliographie (presque) complète sur Poezibao , ou sur remue.net
  • Sur le site du Matricule des anges : à propos de l’ouvrage de Claude Adelen, Henri Deluy, une passion de l’immédiat (Fourbis, 1995), idéal pour s’immerger dans l’univers de cet auteur.

Bibliographie

  • Images, Éditions de La Revue Moderne, 1948
  • Vingt-quatre heures d'amour en juillet, puis en août, Ipomée, 1987.
  • Le Temps longtemps (gravures de Frédéric Deluy), ENSAD, 1988.
  • Le Temps longtemps, Messidor (Petite Sirène), 1990.
  • Premières suites, Flammarion, 1991.
  • La répétition, autrement la différence, Fourbis, 1992.
  • L'Amour charnel, Flammarion, 1994.
  • Je ne suis pas un autre, In Memoriam Georges Bataille, Fourbis, 1994.
  • Da Capo, Flammarion, 1998.
  • Pronom personnel, Phi/Ecrits des Forges, 1998.
  • Je ne suis pas une prostituée, j'espère le devenir, Flammarion, 2002
  • A l’étrangère, éditions Virgile, 2006
  • Les arbres noirs, Flammarion, 2006
  • Au blanc de neige, Éditions Virgile, 2007

par Matthieu Gosztola, mars 2011

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