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On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen |
Présentation |
Denise Desautels est née à Montréal en 1945.
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Denise Desautels
- extrait de L'angle noir de la joie |
déjà il y a un siècle ou
deux
un monde entre nous
chacun chacune en marche
son pôle, vers ailleurs
quelle langue parles-tu
quel ton, quelle syntaxe
le vertige éloigne
avec ce cri qu'on ne pousse pas
de moins en moins réel
en fines ténèbres
chacune chacune
tête-bêche
or qui est l'autre
un siècle plus tard
dans cette dernière chambre
son visage posé là, dissimulé
cils de silence, peau
son ivoire me fait face
devant
tout subsiste méconnaissable
même l'eau où nous nous sommes baignés
puis noyés
torrent, on dirait
le rauque, l'incertain
une affaire de nuit recommence
plein soleil
[...]
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Denise Desautels
- extraits de L'oeil au ralenti |
Black Words
1
c'est brièvement l'été
un grand silence déjà
la chambre dévie légèrement
les murs qui s'ouvrent ne mènent nulle part
la nuit je sens grandir une douleur à l'épaule
je ne sens presque plus le reste de mon corps
on dirait un corridor de plomb
sans commencement ni fin
la mort rejoint tous les paysages
[...]
11
une enfant crie dans la langue
elle s'ouvre à chaque vérité
elle pense parfois que la vie est un manteau
le territoire de l'âme se rétrécit
où s'acheminent les mots après
l'enfant pose son regard sur l'objet immobile
et vieillit en secret
[...]
Une solitude exemplaire
Plus tu l'observes, plus elle frémit et penche.
On dirait un vêtement dont le tissu conserverai la marque
du corps obscur qui y aurait séjourné et qui, volontairement
ou par méprise, s'en serait dépouillé, l'aurait
quitté. Fantôme debout, distrait, à l'étroit
dans sa fenêtre de janvier.
Plus ton oeil insiste, plus elle s'humanise, cette
forme à quatre branches, lourde, légèrement
oblique devan toi, qui masque l'espace auquel elle est adossée.
Or, rien de tranquille ici, ni en elle ni dans la texture ivoire
des quatre carrés qu'elle isole les uns des autres
[...]
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Denise Desautels
- extrait de Tombeau de Lou |
A quelques heures de ta fin, mon papillon, ça
ne ressemble pas à une mort. Tu vis, inventes, frémis,
souffres, chaque seconde en toi sculptée par ta douleur,
chaque seconde avec son excédent d'abîme sous tes os,
bien que tu sois là, à portée de ma main, vibrante,
chaude, entière et volubile. Tu mords encore dans le fruit
dur - parce que ta vie s'y est claquemurée - , entre les
avalanches, les chocs, les instants limites, exaltée et féroce
jusqu'au centre de ta bouche. A chaque morsure, "vivre envoûtée",
en dépit de ce qui avance, l'état d'urgence, cet incendie
parmi tes os, avant chaque piqûre, en dépit de l'acharnement,
à chaque unité du jour, plus tenace, plus hâtif,
de la brûlure. sauvée de justesse, une fois encore,
une fois de plus. Et le mystère reprend son cours. ca se
remet à gronder là, plus haut que ta brûlure,
entre tes dents, ça attaque, concentré, armé,
l'entêtement du son majeur, le tremblement de terre, volcan,
plus vaste que ta brûlure. "Vivre tatouée, défaite,
écroulée mais vivante"; avec des griffes sous
la peau, derrière ta cloison de muscles et de nerfs, un continent
d'énigmes sous ta peau, où se reproduisent avec excès
les bêtes euphoriques de ton désir. [...]
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Denise
Desautels - extrait de Mémoires parallèles |
et toute attente me traverse. je suis absente dors dors encore même
là tout à côté je suis absente. invalidée.
j'attends. j'attends lointaine. la mise en abîme des images
de mémoire : (de ses mains à son coeur je suis petite
de mes mains : il ne faut pas qu'il meure m'échappe). encore
cela recommence sur la pellicule impressionnée les mots-morts
articulés avec soin sur le papier puis rayés à
grands traits pour ne plus voir : toujours là même
quand je dis je suis bien tout va bien il me semble que ça
va ça va la question posée à nouveau par précaution
: ça va. ne plus voir. ne plus y regarder de près.
aujourd'hui : de mes mains et l'oiseau tourne autour la question
posée. ne plus voir. et le jour arrive ne change rien au
geste amputé. (la petite fille se cherche une occupation
de nuit de jour. revient de rêve en rêve s'étendre
sur le sol où on la bâillonne pour éviter qu'elle
invente à haute voix.)
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Denise Desautels
sur internet |
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Bibliographie
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• Comme miroirs en feuilles, éditions
du Noroît, 1975
Marie, tout s'éteignait en moi, éditions du Noroît,
1977
La Promeneuse et l'oiseau, suivi de Journal de la promeneuse, éditions
du Noroît, 1980
En état d'urgence, Éditions Esterel, 1982
Le Cri, dramatique radiophonique, Radio Canada, 1982
L'écran, précédé de Aires du temps, éditions
du Noroît, 1983
Nous en reparlerons sans doute, en collaboration avec Anne-Marie Alonzo,
Éditions Trois, 1986
: dimanche, Éditions de La Nouvelle Barre du jour, 1985
Les gitanes, dramatique radiophonique, Radio-Canada, 1985
La Répétition, Éditions de La Nouvelle Barre
du jour, 1986
Écritures / Ratures, éditions du Noroît, 1986
Un livre de Kafka à la main, suivi de La Blessure, éditions
du Noroît, 1987
Voix, texte dramatique primé par les radios publiques de langue
française, Radio-Canada, Radio France et Radio Suisse normande,
1987
Le Signe discret, Éditions Pierre-alain Pingoud, 1987
Mais la menace est une belle extravagance, Éditions du Noroît,
1989 - Prix de poésie du Journal de Montréal
Venise (variations sur l'utopie), dramatique radiophonique,
Radio-Canada, Radio France et Radio Suisse normande, 1989
Leçons de Venise, éditions du Noroît, 1990
La violoncelliste, dramatique radiophonique, Radio Canada, 1990
La voix de Martha, fiction poétique, Radio Canada, 1990
tombeau de René Payant, Éditions du Centre d'exposition
et de théorie de l'art contemporain, Éditions Trois,
1991
Black Words , chez Collectif Generation à Paris, 1991
Le saut de l'ange, Le Noroît / l'arbre à paroles, 1992
Théâtre pourpre, Éditions Jean-Luc Herman, 1993
La répétition, texte poétique adapté pour
la radio, diffusion suisse romande, 1993
Lettres à Cassandre, correspondance, en collaboration avec
Anne-Marie Alonzo, Éditions Trois, 1994
L'écho, la chambre, la nuit, poésie, Éditions
Raina Lupa, 1996
Cimetières : la rage muette, éditions Dazibao, 1995
La passion du sens, poésie, livre-objet, Editions Roselin,
Montréal, 1996
L'acier le bleu, poésie, Éditions Raina Lupa, 1996
Le vif de l'étreinte, poésie, livre-objet, Éditions
Roselin, 1996
"Ma joie", crie-t-elle, éditions du Noroît,
1997
De la douceur, poésie, livre-objet, Éditions Roselin
et Éditions La cour pavée, 1997
Ce fauve, le Bonheur, récit, Éditions de l'Hexagone,
1998
Tombeau de Lou, éditions du Noroît, 2000
Parfois les astres, poésie, livre-objet, Roselin, 2000
Novembre, poésie, livre-objet, Ed. Roselin et La Cour Pavée,
2001
Architectures, poésie, livre-objet, ed. Tandem,
La Sétérée et Roselin, 2001
Pendant la mort, Ed. Québec Amériques, Montréal,
2002
"Avant l'aurore", poésie, in Noir, portfolio réalisé
en collaboration avec des artistes, Noria Éditions/Karin Haddad,
2002
La Marathonienne, poésie jeunesse, Éditions de la Courte
Echelle, 2003
Une solitude exemplaire, livre d'artiste, eaux-fortes de Jacques Clerc,
Éditions La Sétérée, 2004
Mémoires parallèles, anthologie, choix et présentation
de Paul Chamberland, 2004
L'Enfant mauve, poésie, livre-objet en collaboration avec Jacques
Fournier et Jacqueline Ricard, Éditions Roselin et Éditions
de la Cour pavée, 2004
Ce désir toujours, un abécédaire, Leméac,
2005
L’œil au ralenti, gaufrures de Michel Goulet,Éditions
du Noroît, 2007
Le cœur et autres mélancolies, Apogée, 2007
L’angle noir de la joie, Arfuyen, 2011 |
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