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On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen |
Présentation |
Armand
Dupuy est né en 1979. Il consacre une grande partie de son
travail d'écriture à la réalisation de livres
d'artistes en collaboration avec des peintres. Sont récemment
parus Les paensements d'arrière-arrière-grand-maman
avec des dessins de Bobi2 (Animal graphique, 2009), un coffret de
4 fireboox, Azimuts, avec des dessins de Jean-Marc Scanreigh
(Voix éditions, 2011), et La tête pas vite
(éditions Potentille) en septembre dernier. On peut également
retrouver de nombreux textes de l'auteur sur publie.net
ou sur la revue numérique remue.net.
« Armand Dupuy aime le « petit »
: livres minces, textes courts, percutants, petites proses, participations
à des catalogues d’exposition, « bouts de papier
» avec Scanreigh, M. Partazena, R. Brandy ou G. Badin…
[…] Pour autant, ici comme ailleurs, cette poésie n’a
rien de « minuscule » (au sens où on l’entendrait
d’une « attention aux petites choses »). […]
Son propos n’est pas de narrer les jours qui passent, ni de
décrire le monde tel qu’il est – c’est
de donner à lire une traversée, qui prend la figure
d’un affrontement entre, précisément, une immobilité
et un mouvement, une avancée et son empêchement. »
(Yann Miralles)
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Armand Dupuy -
extraits de Les paensements d'Arrière-arrière-grand-maman |
3 - Je suis disparu, puis remonté. Sur le papier peint de
la salle de bain, des fleurs décollées miment le temps.
Ces fleurs - qu'on dirait demies coquilles d'oeuf - ne fanent pas,
mais passent, passent et repassent. Il y a des jours où je
ne bouge pas. Des jours à tremper seul dans l'humide ou dans
ces fleurs en passant. Tu me dis le temps fend, soit, mais c'est
là, dans l'épaisseur d'un poil que j'avance. On n'explique
jamais vraiment ce que fait le temps, mais c'est là que j'existe,
axactement. Roulé dans ton lit, tassé sur la chaise.
15 - Au début, elle leur disait Servez-vous,
prenez du café, reprenez des biscuits, mais les gens
n'osaient pas. Elle scrute sa face potable, puis l'autre et l'autre
encore et ne sait plus. Elle pourrait dire C'est drôle,
ma joue sent la terre. Elle pourrait dire aussi Mange ta
soupe et se perdre. Mais non. Elle ferme à double tour,
elle devine la peur qui s'avance et, ce matin, elle tousse un long
filet de sang dans le lavabo. Elle se dit ça y est, ça
va, tout ce noir, c'est la fin,... Elle se rince la bouche,
elle crache, l'ampoule fait non.
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Armand Dupuy- extraits
de Dehors / hors de / horde |
// ni terre ni ciel ici le ciment prend vite au ventre
/ le stock de mots récurrents se serre en boulet qu’on
traîne / plus que dire freinent le corps le ralentissent /
mots par lesquels ne pas s’évader / font comme une
brique de verre déforme et chauffe à peine son tour
de mur froid //
*
// promenade plus étroite qu’une salle
de classe et tous la même et des rats morts dans les angles
/ oh y’a de bons viseurs / descendent un appât lancent
une canette / bien pleine la canette / peut-être qu’on
brusque un peu le temps / on tue les rats chasse les heures / jamais
assez / sale rat de temps qui nargue //
*
\\ pas le coeur à battre ni l’argument
\ on est tous pareil, tous des chiens \ la chute précède
la chute \ on gaspille la salive c’est possible \ une ride
gouverne à l’envers de tout je vois bien \ l’oeil
toise \ pas le coeur ni l’argument \\
*
on appelle ces blocs le fer fermé des volets
myosotis et jonquilles elle râle j’en peux plus ces
deux-là devant le soir on passe le col les sauvages des bornes
encore comprimées de brume les oreilles et je pense à
lui (mode animal dès la porte de sa maison de temps) je tourne
son nom mon prénom bouche cousue ne pas l’oublier tout
s’en va
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Armand Dupuy -
extrait de La tête pas vite |
Ciel ras les cendres
lichen et pétales
s’étalent, gris basculé vite
sur les mains, la table - restent les gants
sans toi ni travail / la pluie, le toit.
On se plante, un pied devant l’autre. C’est
la seule façon,
rien ne presse.
On cherche des gamelles dans le paysage,
Un radiateur, un mur ou quelque chose de sale
à vider.
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Armand
Dupuy - extrait de 9'32 Pollock |
Pollock ne peint pas, bien sûr, c'est
une voix vers le fond. Pollock ne peint
pas, c'est juste qu'il s'enfonce dans les
yeux. Et Pollock verse je ne sais quoi de
sa grolle qu'il venait d'enfiler, qu'il ôte
puis qu'il verse car il y a dedans je ne
sais quoi – une sorte de petite pièce
métallique ou rondelle qui gène. Pollock
est assis, donc il n'est pas là. Pollock est
tout entier dans ce qui l'avale c'est-àdire,
également, tout à fait là qu'il nous
faut. Pollock ne tient qu'à un fil et peutêtre
même qu'il le sait.
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Armand
Dupuy - extrait de Distances |
12.
Je plisse les yeux ou
des yeux me plissent. Ces yeux que je cherche et qui me trouvent à
l’opposé de quoi. Stagner dans le pays –
paysage, à grands traits qui remue, j’ai failli.
Maintenant la nuit. Je voudrais dans l’herbe, sur mon lit, quelque
part m’étendre, ce papier sur le front. Couler dans mes
orbites ses couches successives
et laisser courir, derrière, et durcir ma fable
de dos. |
Armand Dupuy sur
internet |
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Bibliographie
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Livres
-Tombé dès l’œil, Ed. Sang d’encre,
2005
-Agrégats, Ed. Sang d’encre, 2005
-Visages fertiles, Ed. Sang d’encre, 2006
-Les paensements d’arrière-arrière-grand-maman,
avec Bobi2, Animal graphique, 2009
-et le reste..., Matchboox avec Scanreigh, Voix éditions,
avril 2010
-Azimuts, 4 Matchboox avec Scanreigh, Voix éditions,
novembre 2010
-La tête pas vite, Éditions Potentille, septembre
2011
-Jérémy Liron, faire-monde et papillons,
Éditions Centrifuges, décembre 2011
-Matin seul, avec Georges Badin, Voix éditions,
mai 2012
Livres collectifs
-Les mains de Charles Juliet, avec M.-T. Peyrin, Ed.
Sang d’encre, 2006
-Attentivement, Charles Juliet, collectif, Jacques André
éditeur, 2008
Catalogues de peintres
-bras, jambes et le reste, Catalogue de W. Veit, collectif,
mai 2009
-Lyon / Bethune, L'évidence feuilletée d'un
monde, J.Liron, Nuit Myrtide, avril 2010
-Pieds bleus, grandes bâches, in De ma chambre
habitée, plaquette éditée par la Ville
de Nîmes à l’occasion de l’exposition
de Scanreigh à la Chapelle des Jésuites de Nîmes,
mars 2011
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