On ne reste jamais longtemps devant soi, pour autant qu'on y parvienne

Antoine Emaz - Lichen, lichen

En présentant le premier ouvrage de Claude Favre diffusé sur Publie.net, Des os et de l’oubli, François Bon écrivait :

« Parce qu’il y a une urgence à mettre ici ces mots, qu’il peut y avoir urgence aussi à dire à l’auteur qu’on les entend, qu’on les partage. Qu’on s’y mette nombreux. »

extrait du site Liminaire

la tête plein les fossés les yeux,
et même des fois on s’imagine,
comme des carcasses d’un instant

et pour le coup on sait plus très
biens’il faut ou tenir ou tirer
la langue comme l’homme la parle

on s’accroche, plein les ficelles
les têtes les outils les mains
les enfants qu’on dépose des
cerfs-volants qui nous soûlent

c’est pas dit, en cachette, on
croit, des fois, les reconnaître,
des fois on croit les reconnaître,
des fois

n’empêche tous ces yeux les
algues, comme des malades
jamais jugés, on s’en tire comme
on peut, des fois on, oublie, on
oublie on dit

des fois on gâche le temps, à se
trompe de fossés, on se marre, on
s’empêtre dans les algues, noeuds
cette chair

ça impressionne le tournis, pas
de quoi rire, on papote papote,
mais y a le boulot, depuis le
temps, des fois au liseré des
questions

Les filles c’est comme ça, comme ça
qu’elles à caresses, trop.
Les filles ça tombe, plutôt au
mauvais moment.
Tombent, un peu qu’elles tombent,
beaucoup, avec des idées, quelques
unes, derrière la tête, sans grâce.
Tombent, pour tomber, effrontément,
elles tombent.
Tombent.
Quelle histoire.
Tombent à galipettes, nez plein
l’herbe, parfois sans s’appesantir,
elles tombent.
Elles tombent, un peu. L’air de
rien, the sky is. Et les petites
bêtes l’herbe love.
Histoire de. Des fois framboises
aux meilleurs jours.
Des fois, préfèrerait pas.

Et si.
Des f o i s , e l l e s , presque nues.
Guenilles.
Papa, arrête. Tes blagues.
Et si.
Frissons, soubresauts.
Les voit pas, voulait pas et voilà.
Petits merles piaillent, ça.
Comme ça qu’elles tombent, qu’elles
tombent. Desgringuèlent.
Quel affront, exagèrent des fois, à
braver en chute. À grand bruit.
Libres.
Blessées.

foutus leurs yeux foutue la
mort foutue. pas comme. comme
ça on t'a dit pas comme. pas
parler pas dire. tue. douce. à
jamais à toujours. su tu. à
front la tête beuglés les
mots. comme. folle. tue à
tais-toi. de merde tu es de
merde. ta mère te dit tu es la
mort. douce encore tu es
encore. te dit t'ai chiée.

es-tu là. es-tu. douce. à
mort. idiote à. à coups
monstres coups d'avant le
souvenir depuis dedans. à
coups et. tuée. malgré. l'air
que. tuée tu te. on t'a dit
comme et toi pas . on
t'a. idiote. tu donc or ni car.

_bête culbutée de quelque espoir t'es mort
à n'être pas caresses n'être ensemble on dit
famille & quand ça arrive fièvres mauvaises
enfant on s'effraie à n'être & pourtant on est
quand le monde ça vous remet droit devant
c'est comme un coquelicot un papillon qui
n'en finit pas on court court oublie comme
ce serait un visage penché tendre & on
s'écroule le nez pleine herbe ça picote on
a presque envie de rire mais pas tout à fait
sûr

_comme un geste d'arrière-secret d'arrière-
froidure d'arrière-rêverie d'arrière-trafic
d'arrière-trame d'arrière-inquiétude :
d'arrière-passage : les chiens chacals &
fièvres sont lâchés mais où ils vont & la langue
qui garde maintien & bel & bon ne s'épuise
s'épuise d'ombres en nos coeurs il y a plus de
prose que d'épouvante c'est d'hommes tant
d'histoires & plongeons comme le coeur lourd
la mort dans les oreilles & les tempes qui
brûlent on se dit qu'il faudrait c'est le moment
pour qu'il ne soit trop tard dire de rien dire
qu'il est trop tard aussi je ne sçay quoi

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