On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen
Présentation
Antoine
Emaz est né en 1955, il vit à Angers.
« Ensuite, vie ordinaire,
entre pas facile et pas impossible, comme tout le
monde. Je ne vois pas bien quoi dire d'autre qui serait un peu nécessaire,
ou éclairant, au-delà, autour ou en-deçà
des poèmes. Si tout poème est bien
de circonstances, écrire vise à délaver assez
pour qu'il devienne une
interface, et non un miroir. Voilà pourquoi devoir alimenter
le moulin
biographique me gêne toujours autant. Une chose pourtant :
je revendique le
droit à la contradiction, au risque, à la tentative,
voire au ratage. La
poésie n'est pas pour moi un exercice réussi lorsque
les contraintes ou les
procédures ont été respectées, elle
est à chaque fois invention d'une
écrire-vivre, tension de langue contre ce qui nous rend muets.
»
Dans les limites du possible, la mer. Mais déjà, par
de désir de houle et d’air, comme un mieux, une respiration
un peu plus large.
Engluée dans l’été, une ville de province,
qu’importe son nom, loin dans les terres immobiles. Et la mer,
là-haut, vaste, plein nord, attend.
Un bocal de sable gris : rien d’autre pour
retrouver son chemin. Le plus souvent, cela suffit : un bocal de
sable et quelques grains grossiers restés au bout des doigts
ou sur la table : on rassemble ces miettes en petit tas, et si la
mer ne vient pas sur la table, elle n’est pas loin, appelée
par le sable – peut-être dans le sable encore un mouvement
– il suffit de ne plus voir.
Antoine Emaz - C'est, Deyrolle éditeur,
page 37
Antoine Emaz -
extrait de OS
Peur
jusqu’à plus soif ou suée
comme de l’eau montant
dedans
eau de mémoire
de plus en plus haute
jusqu’à la bouche
fermée
simple trop-plein mais assez lourd pour peser en tête dé-
faire la vie on ne sait pas d’où peut venir ce plomb
brutal du ciel de crâne il est on est dessous c’est
tout rien de net n’a causé la peur mais elle reste
dans le corps la main qui attaque à la plume la page la main
qui n’éclaire pas
on pourrait peut-être gagner encore en arrangeant les mots
peut-être en prenant de bien plus loin les choses peut-être
mais peu d’écart pour l’heure l’urgent
reste ce vide bruissant qui monte
commeunroulisunmouvementenroulé demots comme une vague de
langue ourlée puis son déferlement qui claque alors
là oui la peur de voir venir tout autant que le muet le rien
le blanc pur de l’écume ou mousse de mots comme produit
vaisselle autant impossible à former poème alors rien
que la peur de ne pas pouvoir se sortir entier des mots et de ce
qui les a fait surgir ça oui comme s’il n’y avait
pas de maîtrise face à cette force lâchée
poète ou pas habitué ou non à voir craquer
ces digues de langue et savoir ou pas les colmater c’est à
peu près ça comme un déluge sans sens dans
lequel on est pris et se noie dans un fracas de syllabes que l’on
ne guide plus mais il tourne un fouillis d’images en vrac
une lame de fond de tête un tourbillon de vase où se
mêlent clair et sombre réussites et ratages des années
le tout d’une vie brassée d’un coup laissant
à nu l’os dessous quand ça cesse et qu’on
reste muet comme épuisé de rien mais là encore
après à respirer
Antoine Emaz, Os, Tarabuste, 2004
Antoine Emaz -
extraits de Ras
si on pouvait là dans les mots
changer
ce qui est à voir
non
changer non c'est toujours devant
les mots
alors l'oeil
si on pouvait bouger l'oeil
non
de longs visages gris continuent
de revenir et de passer
très lents
si on tentait de se replier
sans mots
il n'y aurait peut-être plus
rien
...............................................
ciel clair soir impeccable
calme
au creux du talon
une veine bat
dans le repos de l'air
c'est tout
"cette glycine
un bonheur"
Antoine Emaz dans Ras, éditions Tarabuste,
page 23
Antoine
Emaz - extraits de Ras
SEUL 2
(30/05/99)
une peau morte
au mieux tendue dessous
encore
voilà
on continue sur ce qui reste
commun de quoi d'enfance comment
commune
ça va vite jusqu'à sans voir
si vite on se dit c'est pas grave
il en reste assez
et non
garder qui quelle mémoire
au fond dans ce qui bouge
arbres
si long pour monter
et puis coupés
net avec leur odeur partis
leurs écureuils rapides
d'un coup de scie l'enfance
on ne la retrouve plus
à quoi bon
depuis combien d'années déjà l'absence
des passe-crassanes
et pourtant non
bien sûr pour rien mais
quelque chose au moins comme
dire que résiste net sec clair
le goût de cette poire
ou l'odeur de cette résine sur des doigts sales
qui collent
Poème en miettes, avec Robert Christien,
Éd. Tarabuste, 1986
En deçà, Éd. Fourbis, 1990
Poème, l'élan l'impacte, avec
Pierre Emptaz, Éd. Les petits classiques du grand pirate,
1991
C'est, Éd. Deyrolles, 1992
La nuit posée là, avec Anik Vinay,
Éd. Atelier des Grames, 1992
Poème : trois jours l'été,
avec Sophie Bouvier, Éd. PAP, 1992
Poème, va, Éd. de, 1993
Peu importe, Éd. le dé bleu, 1993
Poème corde, Éd. Tarabuste, 1994
Entre, Éd. Deyrolles, 1995
Voix basse, avec Marie Alloy, Éd. Le silence
qui roule, 1995
Fond d'œil, Éd. Théodore Balmoral,
1995,
De près, de plus loin, avec Jean-Marc
Scanreigh, 1996,
Personne, avec Guillaume Guintrand, Éd.
Unes/Détroits, 1996,
Poème Loire, avec Bernard-Gabriel Lafabrie,
Éd. Lafabrie, 1996,
Boue, Deyrolle éditeur, 1997,
Sans faire d'histoire, avec Jean-Marc Scanreigh,
1997,
A, avec Pascale Willem, Éd. Noir d'ivoire,
1997,
Sable, Tarabuste éditeur, 1997,
Donc, livre d’artistes avec Joël Leick,
éditions Dana, 1998,
Sang, livre d’artistes avec Jean Chollet,
éditions Ficelle, 1998,
Ciel bleu ciel, livre d’artistes avec
Matthew Tyson, éditions Imprints, 1998,
Un de ces jours, avec Jean-Marc Scanreigh, 1999,
Soir, avec Anne Slacik, 1999,
Soirs, Éd. Tarabuste, 1999,
D'une haie de fusains hauts, avec Marie Alloy,
Éd. Le silence qui roule, 2000,
Nuit d'eau, avec Mikyung Jung et Xueqing Wang,
Éd. Balthazar, 2000,
"Je ne", version française, allemande,
arabe, Éd. Verlag im Wald, 2001,
RAS, Éd. Tarabuste, 2001. Il a obtenu le prix Yvan Goll
pour ce dernier livre.
Lichen lichen, Éditions Rehauts, 2003
André du Bouchet, debout sur le vent, Jean-Michel Place,
2003
K.-O., Éditions Inventaire-Invention, 2004
Os, Tarabuste, 2004
Absolument peindre de Monique Tello, Ed. Le temps qu'il fait,
2005 (Peintures et dessins. Texte d'Antoine Emaz. Suivi d'un entretien
avec Jean-Luc Terradillos.)
Sur la fin, éd. Wigwam, 2006
De l'air, éd. Le dé bleu, 2006
Caisse claire (Poèmes 1990-1997), éd. du Seuil, col.
Points-Poésie, 2007
Peau, éd. Tarabuste, 2008
Cambouis (notes), éd. du Seuil, 2009 (repris sur Publie.net
en 2010)
Lichen, encore (notes), éd Rehauts, 2009
Plaie, éd. Tarabuste, 2009
Jours/tage, éd. en forêt/Verlag im Wald, 2009
Poèmes pauvres, AEncrages & Co, 2010
Sauf, col. Reprise, éd. Tarabuste, 1011
Cuisine, éd. Publie.net 2011, Publie.Papier, 2012