On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen
Présentation
Chassé à l’âge de 8 ans avec ses parents
de son village natal, Birwa, il part pour le Liban. Un an plus tard
en 1950, la famille est de retour mais Birwa a disparue et est occupée
par des colonies israéliennes ; ils sont contraints de vivre
en semi-clandestinité à Dayr al-Asad. La famille est
donc devenue étrangère sur sa propre terre. Ca en
fait beaucoup pour un petit enfant en soif de paix.
Mahmoud Darwich écrit donc très jeune, cherchant l’apaisement
des mots dans la dureté de l’exil. Il sera ensuite
emprisonné à cinq reprises entre 1961 et 1967 pour
avoir exprimé la douleur d’un peuple, l’occupation
d’une terre, l’espoir de liberté qui brille dans
les yeux de chaque palestinien. Il partira vivre à Beyrouth,
au Caire, à Tunis, à Paris pour revenir s’installer
à Ramallah en 1996, quelques mois après le retrait
de l’armée israélienne.
C’est son poème
Identité qui dans les années 60, le fait entrer
dans la légende. Identité dépasse les frontières
et devient une hymne chantée par tout le monde arabe. La
poésie de Mahmoud Darwich chante la patrie perdue avec l’utilisation
du langage de tous les jours, des formules saisissantes, des mots
qui frappent et martèlent le torse du monde.
Mahmoud Darwich
- extrait de La poésie palestinienne contemporaine
Et nous, nous aimons la vie autant que possible
Nous dansons entre deux martyrs. Entre eux, nous érigeons
pour les violettes un minaret ou des palmiers
Nous aimons la vie autant que possible
Nous volons un fil au ver à soie pour tisser notre ciel clôturer
cet exode
Nous ouvrons la porte du jardin pour que le jasmin
inonde les routes comme une belle journée
Nous aimons la vie autant que possible
Là où nous résidons, nous semons des plantes
luxuriantes et nous récoltons des tués
Nous soufflons dans la flûte la couleur du lointain, lointain,
et nous dessinons un hennissement sur la poussière du passage
Nous écrivons nos noms pierre par pierre.
Ô éclair, éclaire pour la nuit, éclaire
un peu
Nous aimons la vie autant que possible
Extrait de La poésie palestinienne contemporaine,
choix des textes et traduction de Abdellatif Laâbi, éditions
Le temps des cerises 2002, page 128
Mahmoud Darwich
- extrait de Rien qu'une autre année
ETRANGER DANS UNE VILLE LOINTAINE
lorsque j’étais petit
et beau
j’avais la rose pour demeure
et les vastes mers pour sources
la rose devint blessure
et les sources soif
- Ai-je beaucoup changé ?
- Je n’ai pas beaucoup changé
Lorsque nous reviendrons comme le vent
à notre demeure
regarde bien mon front
tu verras que la rose est devenue palmier
tu verras que les sources sont devenues sueurs
tu me retrouveras comme lorsque
j’étais petit
et beau
Extrait de Rien qu’une
autre année, traduit par Abdellatif Laâbi, Les éditions
de Minuit, 1983, page 56
Mahmoud Darwich
- extrait de
Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
DISPOSITIONS POETIQUES
Les étoiles n'avaient qu'un rôle :
M'apprendre à lire
J'ai une langue dans le ciel
Et sur terre, j'ai une langue
Qui suis-je ? Qui suis-je ?
Je ne veux pas répondre ici
Une étoile pourrait tomber sur son image
La forêt des châtaigniers, me porter de nuit
Vers la voie lactée, et dire
Tu vas demeurer là
Le poème est en haut, et il peut
M'enseigner ce qu'il désire
Ouvrir la fenêtre par exemple
Gérer ma maison entre les légendes
Et il peut m'épouser. Un temps
Et mon père est en bas
Il porte un olivier vieux de mille ans
Qui n'est ni d'Orient, ni d'Occident
Il se repose peut-être des conquérants
Se penche légèrement sur moi
Et me cueille des iris
Le poème s'éloigne
Il pénètre un port de marins qui aiment le vin
Ils ne reviennent jamais à une femme
Et ne gardent regrets, ni nostalgie
Pour quoi que ce soit
Je ne suis pas encore mort d'amour
Mais une mère qui voit le regard de son fils
Dans les oeillets, craint qu'ils ne blessent le vase
Puis elle pleure pour conjurer l'accident
Et me soustraire aux périls
Que je vive, ici là
Le poème est dans l'entre-deux
Et il peut, des seins d'une jeune fille, éclairer les nuits
D'une pomme, éclairer deux corps
Et par le cri d'un gardénia
Restituer une patrie
Le poème est entre mes mains, et il peut
Gérer les légendes par le travail manuel
Mais j'ai égaré mon âme
Lorsque j'ai trouvé le poème
Et je lui ai demandé
Qui suis-je ?
Qui suis-je ?
Extrait de Pourquoi as-tu laissé le cheval
à sa solitude ?, Poèmes traduits de l'arabe par
Elias Sanbar, éditions Actes Sud, 1996, pages 79 à
81
Mahmoud Darwich
- extrait de Etat de siège
Sur le chemin éclairé par une lanterne
d'exil,
Je vois une tente dans la rose des vents :
Le sud est rétif au vent
L'est est un ouest devenu mystique
L'ouest, une trêve de morts qui frappent la monnaie de la
paix,
Quand au nord, le nord lointain,
Il n'est ni géographie ni point cardinal,
Il est panthéon des dieux !
Extrait de Etat de siège, poème
traduit de l'arabe par Elias Sanbar, photographies d'Olivier Thébaud,
éditions Actes Sud / Sindbad 2004, page 38
Mahmoud Darwich
sur internet
• Ne t'excuse pas, Paris, Sindbad/Actes Sud,
2006
• Etat de siège, Paris, Sindbad/Actes Sud, 2004
• Murale, Arles, Actes Sud, 2003
• Le lit de l'étrangère, Arles, Actes Sud, 2000
• Jidariyya (Murale), 2000
• La terre nous est étroite, et autres poèmes,
Paris, Poésie/Gallimard, 2000
• Sareer El Ghariba (Le lit de l'étrangère), 1998
• La Palestine comme métaphore, Paris, Sindbad/Actes
Sud, 1997
• Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude
?, Arles, Actes Sud, 1996
• Au dernier soir sur cette terre, Arles, Actes Sud, 1994
• Une mémoire pour l'oubli, Arles, Actes Sud, 1994
• Chronique de la tristesse ordinaire, suivi de Poèmes
palestiniens, Paris, Cerf, 1989
• Plus rares sont les roses, Paris, Minuit, 1989
• Palestine, mon pays : l'affaire du poème, Paris, Minuit,
1988
• Rien qu'une autre année, anthologie 1966-1982, Paris,
Minuit, 1988
• Fi wasf halatina, 1987
• Dhakirah li-al-nisyan, 1986
• Hiya ughniyah, 1986
• Madih al-zill al-'ali (Une eulogy pour le grand fantôme),
1983
• Qasidat Bayrut (Ode à Beirouth), 1982
• A'ras, 1977
• Ahmad al-za'tar, 1976
• Tilka suratuha wa-hadha intihar al-ashiq (C'est son image
et c'est le suicide de son amant), 1975
• Muhawalah raqm 7, 1974
• Uhibbuki aw la uhibbuki (Je t'aime, je ne t'aime pas), 1972
• Les poèmes palestiniens, Paris, Cerf, 1970
• Allocutions & textes de Mahmoud Darwich
• Ahmad al Arabi Opéra poétique écrit par
Mahmoud Darwich, Composé et dirigé par Marcel Khalifé
• Al-'Asafir tamut fi al-jalil (Les oiseaux meurent en Galilée),
1970
• Yawmiyyat jurh filastini (Journal d'une blessure palestinienne),
1969
• Akhir al-layl (La fin de la nuit), 1967
• Ashiq min filastin (Un amoureux de la Palestine), 1966
• Awraq Al-Zaytun (Feuilles d'olives), 1964
• Asafir bila ajniha (Oiseaux sans ailes), 1960
• Et la terre, comme la langue un film de Simone Bitton et Elias
Sanbar
S ur Mahmoud Darwich
• Mahmoud Darwich dans l’exil de sa langue, François
Xavier, aux éditions Autres temps, 2004 : François
Xavier nous offre une biographie et une étude critique de
la poésie de Mahmoud Darwich, à lire absolument !
(une critique de cet ouvrage sur http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=1289)
Anthologies où lire Mahmoud
Darwich
• La poésie palestinienne contemporaine, choix
des textes et traduction de Abdellatif Laâbi, aux éditions
Le Temps des Cerises, 2002
• Le poème arabe moderne, anthologie établie
et présentée par Abdul Kader El Janabi, préface
de Bernard Noël, éditions Maisonneuve & Larose,
1999