On ne reste
jamais longtemps devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen
Présentation
Né en 1951 dans un bourg de Côte d'Or
où il vit et travaille, s’échinant du côté
des chiffres. Tiraillé sur fond d’absence entre vocables
et chevaux, s’est rêvé d’abord jockey.
Comme son père, tombé à l'entraînement
alors qu'il avait six ans. Retour ensuite aux écritures –
et pas seulement comptables. Prose et poésie s'alternant,
la vie même. Et les livres. Christine à ses côtés,
et Zoé – seize ans, déjà. Les amitiés
qui durent, les portes qu’on referme mal. De temps à
autre le vaste monde, autrement que par les images. Laponie, Islande,
un peu beaucoup l’Europe de l’Est (comme on n’dit
plus) ; dernièrement la Mongolie, pour retour c’est
la loi du genre à l’herbe des talus infimes. Collaboration
plus ou moins régulière à quelques revues,
naguère La N.R.F. (au temps de Jacques Réda), L’animal,
Europe, Théodore Balmoral, quelques autres. Sans oublier
Le Mâche-Laurier, dont il partage la destinée depuis
un bail.
Pascal Commère
- extrait de "Coeur Battant"
C’est cela, et comme irrémédiable. Jaunes
à perte de vue, les colzas.
L’escourgeon qui frétille au vent du matin,
déroutant les tracés des traitements.
Cheptels au vert sur la prairie d’un coup habitée,
les mâles
– mauvais garçons dans les coins qui zappent
loin des génisses laiteuses. Dardée
la trique rose qu’ils rengainent
en un clin d’œil, hardis, puis s’élancent
écumant sans fin jusqu’au soir. Mais déjà
les grands pissenlits font la roue entre leurs sabots,
blanchissant d’un petit lait pâlot la nappe qu’aucun
pli n’altère.
(Parler de la couleur, bien sûr. – Superflu ! )
« Cœur battant », in Honneur au Fantassin G, conscrit
en Meuse, Le dé bleu, 2000.
Pascal Commère
- extrait de Ode à l'absence (encore) et à l'herbe du
soir
A toi soudain pensant je n’ai écrit ni un
poème ou une lettre à Pâques ou à Noël
comme si un poème ses mots herbes malignes
disait aussi l’absence (linge des yeux l’hier)
ou quelque chose encore à porter qui est lourd
tel un grand bout de bois et dedans au milieu
on t’a couché dedans un jour et moi je pense
depuis longtemps déjà que tu es dans chaque arbre
et tes yeux me regardent quand dans tes yeux je
ferme mes yeux mes mains aux bouts de bois pareilles
tout ce que j’ai de toi pour te garder je serre
et cette image en moi et les couleurs autour
sont comme le soleil en haut d’une côte quand
sur mon vélo courant après la pluie sur la route
comme après ton image en haut qui m’attendrait
et je pense à cela sur mon vélo parce qu’elle
grimpe la route avant d’être au-dessus mais toi
qui es passé déjà de l’autre côté
est-ce
comme ici la pluie tombe-t-elle et les fossés
sont-ils pleins de menthe est-c’ que les orties piquent
Ode à l’absence (encore) et à l’herbe
du soir, Hautécriture, 1990.
Pascal Commère
- extrait de Bêtes, dans la lumière
Qu’yeux par la nuit d’en bas précipités,
bêtes
dans la lumière parues. Et que toute bonté…
Uniquement – ou si peu, poil roussâtre par devant entre
les fils
agate bleuissant, appelant – silence qu’une colère
ancienne blessa
en des ans de peaux rêches, boue terre séchée
où montent
hargneux petits bonshommes durs à l’épieu. Mais
que vienne
à marquer le noir du monde la lumière tressautant
dans l’aval des
lointains, bêtes
alors revenues front et sabot, l’os
contre l’hivernale : nuit de toujours
qu’active la joie crue. Et que s’enlève, toute
beauté
fondue dans le tréfonds de glaise d’une terre hardie
et tonifiée, la gloire ci-devant. Qu’yeux
la prunelle vive, proches bêtes le sang taurin à nos
portes
meuglant, de toujours là sur la terre semblable, inférieures
à
peine. Et que tâchent
de venir vers nous, défaite pivoine : mufle bas troupeaux
en la chiche lumière. Une voix qui appelle – appelle.
Toute alarme !
« Bêtes, dans la lumière », in Bouchères,
Obsidiane, 2003.
Pascal Commère
- extrait de Planète cendre
Puisque si près de rien, toute vie à genoux pour la
roue d’une
volaille enchantée d’un gui neuf au chevet du rat.
L’enragé brinquebalant par la charrière creuse.
La veuve qui poursuit sous l’ongle la trace des désastres
Et chapeau vissé à la tempe celui que tout poussait
à devenir
baudet,
Briqué de neuf et carriole à grelots quand au sortir
du col la
craie d’un visage éteint,
Là-bas tout en haut les bûchettes tombées une
à une au feu un
doigt dans l’œil – canicule manies de chiens,
De qui s’efforçait sous la démangeaison des sols
À marier le poulain et la poule durant la sieste des plantains
« Planète cendre », in Prévision de passage
d’un dix cors au lieu-dit Goulet du Maquis, Obsidiane, 2006.
Pascal Commère
- extrait de Passage de la Grâce
Soleils dans les jardins le long des voies
– jardins ouvriers où les trains ne s’arrêtent,
avec des sacs en plastique par terre ou
autre chose et le vent souffle les gonflant.
Tomates en lignes accrochées à leurs rames.
Soudain figuier amoché par une enseigne COCA-COLA.
Sous tutelle, toujours.
*
Ce qui est noir et barré
Plus loin réécrit en noir sur les murs
Et barré et de noir encore.
Nous sommes nos mots qui meurent.
« Passage de la Grâce », in De l’humilité
du monde chez les bousiers, Obsidiane, 1996.
Les commis. Illustrations de Han-Psi. Folle Avoine,
1982.
Jardins tout au fond du jaune les yeux. Thierry Bouchard, 1985.
Fenêtres la nuit vient. Bois gravés
de Petr Herel. Folle Avoine, 1987.
Comme un autre poème où son ombre
se pose*. Bois gravés de Petr Herel. Thierry Bouchard,
1987.
Chevaux. Roman. Bourse de la Fondation Del Duca.
Denoël, 1987.
Talus n'est-ce que cela vraiment je voudrais
dire*. Eaux-fortes de Petr Herel. Labyrinth Press, 1989.
Petit retable pour sourds et insectes mal voyants*.
Acryliques originales de Patrice Corbin. Thierry Bouchard, 1989.
Dijon. "Des villes". Champ Vallon,
1989.
La vache automatique. Hommage. Le dé
bleu, 1989.
Ode à l'absence (encore) et à
l'herbe du soir. Eau-forte de Patrice Corbin. Hautécriture,
1990.
À la source*. Eaux-fortes de Pierre Collin.
Thierry Bouchard, 1993. Hors commerce.
Soleil en Toscane*. Eau-forte de Pierre Collin.
Thierry Bouchard, 1994. Hors commerce.
Sales mouches. Eau-forte de Patrick Le Coq. Atelier d'Art Rougier,
1994.
Lointaine approche des troupeaux à vélo
vers le soir. Folle Avoine, 1995.
D'une lettre déchirée, en septembre.
Tarabuste, 1996.
De l'humilité du monde chez les bousiers.
Obsidiane, 1996 (Prix des Découvreurs 1998).
Pas folle, la vache. Tarabuste, 1996 (réédité
2001).
Solitude des plantes. Histoires. Le temps qu'il
fait, 1996.
La Vache (choix et présentation). Favre
« Le Bestiaire divin », 1998.
Le grand tournant. Récits. Le temps qu'il
fait, 1998.
Passage de la Grâce*. Eaux-fortes de Pierre
Collin. Thierry Bouchard, 2000.
Vessies, lanternes, autres bêtes cornues.
Obsidiane, 2000.
Ce que c'est qui est bleu*. Dessins de Zoé
Commère. Monique Mathieu Ed., 2000.
Honneur au fantassin G., conscrit en Meuse.
Le dé bleu, 2000.
La grand'soif d'André Frénaud.
Salutation. Le temps qu'il fait, 2001.
Petit mémorial dans la buée de
Louisfert*. Bois gravés de Claude Colas. Thierry Bouchard,
2002.
Jour de septembre, in « Portrait des chevaux
de France ». Castor & Pollux, 2002.
Qu’yeux*. Orné par Anne Delfieu.
Monique Mathieu Ed., 2002. Hors commerce.
Souvenir du boucher*. Le temps qu’il fait,
Noël 2002. Hors commerce.
Bouchères. Obsidiane, 2003 (Prix Roger
Kowalski de la Ville de Lyon).
Aller d'amont. Prose. Editions Virgile, 2004.
Lieuse*. Gravures et pliages de Sylvie Turpin.
Le temps qu’il fait, 2004.
D’un pays pâle et sombre. Autres
salutations. Le temps qu’il fait, 2004.
Le vélo de saint Paul. Histoires. Le
temps qu’il fait, 2005.
Persil, lézard*. Orné par Youl.
2005. Hors commerce.
Rumeur en Arz*. Orné par Youl. 2006.
Jockey ! Gouaches de Ricardo Mosner. Atelier
Rougier. V., 2006.
De tous les animaux je serais l’âne*.
Orné par Petr Herel. 2006. Hors commerce.
Prévision de passage*... Collages de
Christian Bonnefoi. Editions Akié Arichi.
Prévision de passage d’un dix cors
au lieu-dit Goulet du maquis. Obsidiane, 2006.
Graminées. Poèmes. Le temps qu'il fait, 2007.
Petit soleil. Prose. Images d'Aliska Lahusen. Circa 1924, 2009.
Les larmes de Spinoza. Histoires. Le temps qu'il fait, 2009.
Noël hiver. Histoires. Le temps qu'il fait, 2010.
Tashuur. Un anneau de poussière. Obsidiane, 2011.
Le petit cheval d'Ostrava. Prose. Le temps qu'il fait, 2011.
Mémoire, ce qui demeure. Tarabuste, 2012.
Des laines qui éclairent. Anthologie 1978-2009. Obsidiane
& Le temps qu'il fait, 2012.
Pris de froid. Odile Fix, Le Frau, 2012.