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On ne reste jamais longtemps
devant soi, pour autant qu'on y parvienne
Antoine Emaz - Lichen, lichen |
Présentation |
Née le 22 août 1967 à Cosne-sur-Loire (Nièvre,
France)
Titulaire d’une maîtrise de traduction littéraire
à défaut d’un petit rien du tout tout neuf plié
dans une feuille de persil (les amateurs de Maurice Roche apprécieront)
Lit surtout de la littérature, écrit, traduit des
poèmes (entre autres et principalement)
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Valérie
Rouzeau- extraits de Patiences |
Crier ne sert à rien
puisqu'elle ne comprend pas
les bruits du monde
de l'autre côté des dahlias
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Elle donne des mouchoirs
bien avant la neige
Sa main plus frêle
que le tisonnier
brille sur la table
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Elle veille longtemps
à la bougie
ou au pétrole
craint les câbles électriques
entre l'érable et le ciel
rassemble toutes ses églantines
en danger
#
Elle dîne de bruits d'insectes
de souvenirs bleus
entre deux neiges
des pluies entières
dorment dans les lessiveuses
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Valérie
Rouzeau - extrait de Pas revoir |
Mon père son camion roule sur la
terre, le soleil chauffe ses métaux bien
triés empilés : le cuivre et l'alu, le zinc et
l'étain.
De là-haut les pies n'arrêtent pas de
saluer.
La grue à chenilles creuse des
ornières où l'eau de pluie se trouvera
belle...
L'herbe a des insectes verts qui chantent
juste partout sur elle.
Et elle danse.
#
Une fourmi à ma chaussure je la
regarde comme elle danse sur le lacet
sans avoir peur.
Elle sera tombée d'herbes folles ou de
mon bouquet de coucous qui lourdit
mesure que j'avance.
Je quitte la pompe et je la souffle elle
a une si petite vie noire.
Elle m'aurait chatouillé les pieds
peut-être fait rire toute seule sur la route
du cimetière comme si c'était moi
comme si c'était elle.
#
Nous n'irons plus aux champignons
le brouillard a tout mangé les chèvres
blanches et nos paniers.
Nos n'irons pas non plus dans les
cités énormes qui sont des baleines
grises très bien organisées où nos coeurs
se perdraient.
Ni au cinéma ni au cirque, ni au café-concert
ni aux courses cyclistes.
Nous n'irons pas nous n'irons plus
pas plus que nous n'irons que nous ne
rirons pas que nous ne rirons plus que
nous ne rirons ronds.
#
Mon père mon père mon père en terre
auvent d'été au vent d'hiver.
Oh mon père terra terraqué je te
répète perroquet mon père mon père.
Au vent d'hiver au vent d'été en terre
entier au vent chanté.
Enfant dans les grands sapins verts
c'était toi qui sifflais soufflais enfant
dans les grands sapins blancs.
Mon père je te répète en l'air c'est une
fleur lancée assez haut.
Les deux pieds dans tes graviers
clairs.
Les mains pour la fleur ou l'oiseau.
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Valérie
Rouzeau - Extrait de Neige rien |
L'éternité des souliers
C'est dans la colle qu'il pose
Tout dans la bonne pompe qui dure
Il faut pouvoir compter dessus
D'autant que l'hiver serra là
D'ici deux semelles
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Hospice
Une jeune à voir une vieille courir en douce
au parc
Les deux sans rire pareil entre les joues
Attention aux graviers pourraient bien trouer les genoux
Attention de bien rester dans l'angle droite sous ciel bas
Attention aux guêpes gâteaux goûte pas écraser
là
Pas se jeter sur l'herbe pas se casser belle jambe
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Valérie
Rouzeau - extrait de Va où
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Le vent m'aimera bien mieux et le soleil aussi et le ciel
mêmement
Aujourd'hui ça m'arrange de faire semblant d'y croire
comme on m'arrangera les cheveux la misère si c'est
me faire la belle
Ça me va d'y songer pour l'instant ça me change de
me
sonner les cloches tant que je m'y entends
Pareille au vieux laurier j'aurai les yeux en pluie au bout
d'un certain temps à verse canzoniere et je n'y verrai
goutte
Mes pieds n'en seront pas moins précieux pour autant
dans l'air considérable vos pensées invisibles et
lessiveuses
feuilles vernies
#
Ça pourrait s'appeler salut au revoir il faut
que je me
sauve
Pour l'heure je ne suis pas partie et je n'ai pas bientôt
fini
Pour le moment j'ai tout le temps et je ne vous le fais pas
dire (mais je sais vous m'en direz tant)
Ce n'est pas encore aujourd'hui que je fausserai la com-
pagnie
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Un jour je resterai si longtemps qu'au matin
J'aurai un oiseau sur l'épaule un oiseau sur l'épaule
un
oiseau sur la tête
Un jour jamais plus je ne saurai retourner dans ma vie
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Valérie
Rouzeau - Extrait de Récipients
d'air |
Je n'en peux plus
Je vais mourir ou faire quelque chose d'incongru
C'est une herbe qui dit ça
A moi
(Et je m'arrache du pré)
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Il y a longtemps j'ai foncé sur un buisson
de ronces
C'était noir de mûres et mon vélo rouge
Je ne savais pas si j'avais crevé si je saignais dans le
fossé
Des gros yeux sévères me regardaient tout droit
C'étaient des mûres velues abominables
Je les ai toutes écrasées puis j'ai couru avec mes
seules jambes
Mon vélo mort
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Valérie
Rouzeau - Extrait de Aphoticaria |
Je me redeux
M'aperçois passante et m'arrête dans la vitrine d'une
pharmacie ancienne avenue des Batignolles
J'ai mis mon coeur aux encombrants dessous un bouquet
d'anémones
Mais je n'ai pas jeté ma vie
*
(..)
Je me rappelle
Comme on se fait à soi-même une queue de poisson
Je ne trouve plus sa main dessous l'oreiller bleu sa main
qui prolongeait mon rêve
Je ne trouve plus la rose qui prolongeait sa main
Je ne trouve plus ma main
La foule repasse avec une grande baguette de pain
Et je suis la mie de personne
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Valérie
Rouzeau - Extrait de Mange matin |
Ne pas se jeter sur la voie publique
Un sac plastique rêve bien d'ailes
Suspendu par ses deux poignées
Au balcon d'aucune fiancée
&...
Que neige mon bien-aimé
Entre fonde
Mes bras !
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Valérie
Rouzeau - Extrait de Quand je me deux |
Eden, deux, trois émoi
II.
( Autrefois à un adieu d'amis je déchire
mon vêtement de
pluie en plongeant d'un mur des Tuileries dans une
profondeur grise de cyprès une nuit et je fais sur mes
chaussures un bruit presque mélodieux puis j'escalade)
je continue sous les étoiles
IV.
A quatre heures du matin sous la lune il sort
En costume d'Adam mon amant va respirer la rose
La rose éclose dans la cour grise
A quatre heures nu sous la lune la ville aurait pu le voir
avec la rose
Alors j'ai grimpé à son cou
Comme un lierre comme trémière
La rose.
Mes mots des autres
7.
Parce que je vis parce que je meurs je disparais
et j'apparais
Je suis allée un jour en pantoufles à l'école
Parce que j'aime parce que je n'aime pas
Parce qu'il neige
Je m'en souviens comme si j'étais hier comme si j'étais
chaque flocon de plus
#
Mécanicienne en bleu parmi les digitales
Je ferai ça plus tard pas comédienne
Pas maîtresse pas danseuse même étoile
Pas voyageuse-représentante-placière ou femme fatale
Boulangère pâtissière couturière roturière
Serveuse bonne notairesse cuisinière frigidaire
Infirmière laverie lingère même si légère
Pas comme comme commerçante pas femme savante
misère
Et ni con ni concierge ni blonde ni grande asperge
Ni mother ni maman ni nourrice agrégée
Ni soeur nonne ou sainte mère prostituée
Fille à marier mariée divorcée veuve défunte
Caissière crémière banquière chameau
ni dromadaire
Pas chauffeuse de taxi je réparrai ferai
Que ça roule je ferai sous l'azur déjanté
Dans le rouge des coccinelles coquelicots vibrants
Évaporés au bord des routes mécanicienne.
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Valérie
Rouzeau sur internet |
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Bibliographie
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•A tire d'elle (La Bartavelle, 1989)
A cause de l'automne (supplément Polder n°62, revue Décharge,
1991)
Petits poèmes sans gravité (La Crypte, 1991)
Chantiers d'enfance (La Bartavelle, Le Noroît, 1992)
Patiences (Alabatroz, Le Manège du cochon Seul, 1994)
Pas revoir (Le Dé Bleu, 1999)
Neige rien (Ed. Unes, 2000)
Va où (Le temps qu'il fait, 2002)
Kékszakallu (Les Faunes, 2004)
Récipients d'air (Le Temps qu'il fait, 2005)
Ce n'est pas le printemps (Traumfabrik, 2007)
Apothicaria (Wigwam, 2007)
Mange-matin (L'Idée bleue, coll. Le farfadet bleu, 2008)
Quand je me deux (Le Temps qu'il fait, 2009)
Pas revoir suivi de Neige rien, réédition, La Table Ronde, collection
la petite vermillon, 2010
Vrouz, La Table Ronde, collection vermillon, 2012, Prix Apollinaire
2012
Ma ténèbre, éditions Contre-Allées, collection « lampe de poche
», 2012
Traductions :
La Traversée in Arbres d’hiver, de
Sylvia Plath, poésie/Gallimard, 1999
- Électre sur le chemin des azalées, de Sylvia Plath,
Unes, 1999
Le Printemps et le reste, de William Carlos Williams,
Unes, 2000
Je voulais écrire un poème, de William
Carlos Williams, Unes, 2000
Son mari – Ted Hughes & Sylvia Plath,
histoire d’un mariage, biographie de Diane Middlebrook, Phébus,
2006 (Prix du meilleur livre étranger 2006, catégorie
“essais”)
Tribut, de Stephen Romer, Le Temps qu’il Fait,
2007
What I Wrote / Ce que j’ai écrit, de
Duane Michals, Robert Delpire, 2008
Ariel, Sylvia Plath, Gallimard (collection «
du monde entier »), 2009 et en poche, poésie/Gallimard,
2011
Poèmes (1957-1994), Ted Hughes, Gallimard
(collection « du monde entier »), 2009
Ratsmagic de Wayne Anderson, conte de fées
de Christopher Logue, Robert Delpire, 2009
Animaux à mimer de Sergueï Trétiakov,
illustré par Rodtchenko, avec Odile Belkeddar, MeMo, 2010
Georgie de R. O. Blechman, Robert Delpire, 2011
Les plus belles berceuses jazz,15 berceuses sélectionnées
par Misia Fitzgerald Michel, illustrations d’Ilya Green, Didier
jeunesse, 2012
Essais et varia
Sylvia Plath, un galop infatigable, Jean-Michel
Place, 2003
L’Arsimplaucoulis, délice des Carpates,
avec Éric Dussert, Fornax, 2003
Préface de Neige exterminatrice, poèmes
de Christian Bachelin, Le Temps qu’il Fait, 2004
Préface de Tribut, poèmes de Stephen
Romer traduits avec Gilles Ortlieb et Paul de Roux, Le Temps qu’il
Fait, 2007
VR a aussi écrit des textes de chansons
pour le groupe Indochine (« Comateen 2 », «
Ladyboy », « Tallula »)
• A assuré la chronique radio du Matricule des Anges
de septembre 2003 à septembre 2005, en alternance avec
Christian Prigent pour la télévision
• Rédactrice en chef de la revue trimestrielle Dans
la lune depuis mai 2004. La petite revue, née au Centre
de Création pour l’enfance que dirige Michel Fréard
à Tinqueux (51) paraît trois fois par an et s’adresse
aux cinq à cent dix-sept ans environ et se veut «
cent pour cent décarêmélisée »
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