Inédits d'auteurs
que nous sollicitons
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Il
Assis sur le balcon du neuvième
étage de son immeuble il écoute les bruit
de la ville qui montent jusqu’à lui. Des
assiettes brisées contre un mur,
des crissements de pneus, des corps
qui se heurtent, un concert de klaxon,
des pleurs qui jaillissent, une ambulance,
une porte qui soudain claque,
des moteurs, un cri d’amour dans le vide,
un avion qui déchire le ciel et
aussi parfois, s’il ferme les yeux,
les murmures d’une mer
qui s’étend
au-dessus des toits de la ville.
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Les ours blancs
Ils regardent le monde avancer sans eux.
Ils ne croient plus dur comme fer à ces temps meilleurs
pour lesquels ils luttaient.
Ils parlent de fraternité,
de solidarité, de camaraderie perdues,
de cette vie de labeur devant la gueule
des hauts fourneaux qui sont aujourd’hui
devenus des vestiges industriels
que l’on visite comme on regarderait une reproduction de
la banquise dans un jardin zoologique où s’ennuyeraient
des ours blancs.
Ils remplacent l’émotion qui leur serre la gorge
par des rires enfantins, mais tout au fond
de ces rides qui ceignent leurs visages
tremblent des mots qu’ils ne voudront jamais
prononcer.
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Perdu chat
En sortant de l’école elle
est allée scotcher sur toutes les
vitrines des magasins de son
quartier une petite affiche qui
annonçait qu’elle venait de
perdre son chaton aux poils
noirs, avec le bout des pattes
blanches. Du haut de ses dix
ans, c’est la première fois qu’elle
perd quelque chose dans le
monde des grands mais elle
garde espoir de le
retrouver.
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Quand elle aura
Elle étudie les mathématiques ou la physique
chimie. Au-dehors, la pluie peuple le
ciel et vient glisser sur les
vitres de ce café où elle révise ses
cours. Dans la sono, Placebo accompagne ses
études ; une tasse de
café refroidit au bord de la
table et la fumée de sa
cigarette ondule sur la
voix de Brian Molko. Dans
quelques années, quand elle
aura trouvé un boulot, si elle
trouve un boulot, quand elle aura des
enfants, deux, peut-être
trois, se souviendra-t-elle de Brian
Molko, de la pluie qui peuplait le
ciel et du café qui refroidissait pendant
qu’elle révisait ses cours en
vue de réussir quelque chose dans sa
vie.
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Les poèmes que tu nous a envoyé
ont pour la plupart le cadre de la ville, est-ce un sujet, un lieu qui
t’inspire particulièrement ? Est-ce que tu y prends des
notes, observes des scènes, etc. ?
la ville, les rues ce qu’il s’y passe, sur
les trottoirs, tous les jours, les gens croisés, les regards,
les conversations entendues dans le métro, le bus, les réactions
de gens, les rencontres dans les cafés. Tout cela m’inspire
beaucoup plus par exemple qu’un joli paysage ou un coucher de
soleil qui sont déjà tout un poème. Généralement,
c’est l’image d’une situation que j’enregistre,
puis je note sur un bout de papier ce qu’elle a provoqué,
ce qu’elle m’inspire et j’y reviens plus tard pour
essayer de la mettre en forme ou d’inventer quelque chose d’autre
que ce qu’elle a été ou aurait pu être;
Tension, tristesse, rêverie, musique,
moments de complicité… Tout cela se mêle dans tes
textes et une certaine concision, une simplicité y habite, comment
les travailles-tu au corps ces textes ? Les rabotes-tu beaucoup ou cet
univers te vient-il d’un seul jet ?
Quand le poème vient d’un jet, qu’il coule tout seul,
c’est un petit miracle. J’y suis parvenu quelquefois. Plus
généralement, je malaxe un peu, cherche le mot qui convient
le mieux pour dire le plus simplement, le plus précisément.
J’aime quand le poème ne perd pas de temps, ne va pas à
l’inutile pour faire poème. J’aimerais bien arriver
à écrire des poèmes qui seraient un peu comme des
solos de guitare que distille JJ Cale dans ses chansons. Pas une note
en trop, pas une note qui ne reste pas en mémoire.
On sent dans ces textes une influence d’une
certaine poésie américaine, le ressens-tu ainsi ? De quels
poètes te sens-tu proches autrement ?
Oui bien sûr, comme beaucoup de poètes que je connais,
de poètes que j’édite aux Carnets du Dessert de
Lune, j’ai été influencé par l’univers
de Brautigan, de Fante, de Carver, d’Harrison, moins par la beat
génération ou Bukowski qui sont quand même restés
pour moi d’énormes plaisirs de lectures. Evidemment Prévert,
Neruda, Chavée, Cocteau, Follain, GL Godeau, de Cornière.
Beaucoup d’auteurs des Carnets dont l’univers m’est
proche. Aussi des poètes comme Pascal Commère, Françoise
Han, Frank Venaille, Bernard Vargaftig, Robert Piccamiglio (celui d’avant
Albin Michel) Jacques Izoard, Gérard Noiret, Jean-Claude Pirotte,
les chansons écrites par Souchon, Bashung, Charlelie Couture,
Ferré et Nougaro, directement ou indirectement ils m’inspirent
ou m’ont inspiré.
Né en 1955, à Rochemaure en Ardèche. Vit à
Bruxelles depuis une trentaine d’années. Tiens le gouvernail
des éditions Les Carnet du Dessert de Lune depuis 1995.
Publications
Chez Editinter
ceux-ci/cela
thérèse raquin
la valse des mots toupie
sans envie de rien
la soie des mots musique
chez d’autres éditeurs
épices sur l’épiderme (éditions Tirtonplan)
la sève des mots cerise (éditions L’horizon Vertical)
précis d’un jour sidéral (Polder)
poèmes chouia (éditions Franche-Lippée)
25 watts opaque (éditions VR/SO)
beau futur (éditions Franche Lippée)
petit désenchantements sucrés, salés (Traumfabrik
éditions)
le pont st-ex (éditions L’impertinente)
collection privée (Polder)
dégâts des lettes (Gros Textes)
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