TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Un ange à notre table-
Nicolas Grégoire ~ Extraits de ses restes / en somme (inédit)
Suivis d'un petit entretien avec Cécile Guivarch

 

Inédits d'auteurs que nous sollicitons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



17.07.08


Tas. On reste à l'écart. Cartons, pinceaux secs et vieilles photos avec ma mère dans un jardin. On ne sait plus. Ca arrivera vite, la tête ou tout le corps contre les murs. L'envie de se jeter parfois c'est effrayant. Voilà ce qu'on en dit, de ce qui ne comblera pas.

(trop)

 


27.10.08


A côté, avec le charbon de bois et de vieux poteaux en tas. Réveil seul, la tête clouée dans les peurs. Faut aller pisser puis sortir regarder les termites.

On enlèvera tout ça du ventre et voilà, comme avant. Plus qu’à rester là à pourrir dans son jus.

(cendre)

 


14.02.09


Ecart en bloc. La jambe tire des jours à rien. Plafond bien quadrillé, on s'appuie de force sur du vide. Taper ça comme la machette tantôt dans le jardin. C'est à dire une main creuse qui ne tient pas. Elle contente tout au plus sans savoir ce que cela peut dire. On s'est cogné, infecté contre, c'est tout (encore).


(à côté / des murs)

Jusqu'au 14/02/09 : (Belgique, Lyon, Kigali / Belgique, Lyon, Kigali)


coups de balais              sourire
et la tête
tourne
flotte
à vide
rien encore
finalement
on voudrait parler de
ou parler
mais non
on se souvient
chacun ses corps
balancés par
ponts ou collines
qui tiennent
les restes
tout ça
bien seul
finalement encore

et Nyagatare
dimanche

(Rwanda
(ses restes / là)

 


les restes de la pluie dans la rigole ce matin
une boue noire
et cancer
colonne vertébrale
morte
on sait

les gens parlent
derrière la haie
lumière vive
des verts
et les fleurs
il n'y a plus
qu'à avaler
son thé
et traverser
la rue

bosser

(Rwanda)
(ses restes / là)



15h
temps à tuer
et le ciel
masse
qui se refuse
alors pensées
tournent avec
l'arbre
coupé
bouffé par
les termites

on reprend
des visages défilent
et soi
sans mot
pas capable de
juste là à
rien                              encore
tranché net

(Lilongwe, Malawi)
(ses restes / là)

 


tissus boueux
bien rangés sur des bancs tout aussi bien rangés. Il y a des impacts aussi, le téléphone du milicien qui charge. Il m'explique
umukoro umukoro
doigt sur
les crânes
avec odeur de
ou de
ma cave
l'enfance un peu
et les têtes à la télé
on est loin
si tu as fini
tu peux partir
d'autres arrivent
encore
la belle femme dit
il y a beaucoup de curiosité
on ne sait s'il
faut se
- sale bout de -
vomir

(Nyamata)

 

A travers tes textes, un travail de mémoire et en même temps un quotidien bien présent. Parfois ça cogne, et se radoucit. Comment vis-tu l’écriture ?

Peut-être pas très facilement. Tout est toujours au compte goutte, un peu comme des concrétions calcaires. Mais je me rends compte que je ne sais pas vraiment parler de ça. Je sais juste que les choses se passent lentement pour venir de façon plus ou moins nette.

Pour le reste, le quotidien, oui, le Rwanda maintenant, et tout ce qui peut y avoir autour. Un téléphone portable charge dans une salle blanche remplie de crânes. Il y a une masse impressionnante d'os mais pourtant c'est le téléphone qui pèse le plus. Parce que les crânes c'est trop et que sans doute par là je cherche quelque chose de plus respirable.


Dans l’ensemble du texte ses restes / en somme, plusieurs parties. La dernière ses restes / là s’étale sur la page alors que ce qui précède présente plus l’apparence de notes. Est-ce que tu peux m’éclairer sur ces différences de formes ?

Cela correspond à une rupture, je crois. Les notes ont été commencées en Belgique, quand j'ai su que j'allais vivre au Rwanda. Elles ont été écrites entre l'Europe et ici, toujours un peu de loin. Cela traduit je pense le temps d'adaptation au pays où je vis maintenant. Ces notes en blocs ont très peu d'air, j'y ai toujours la tête en arrière. Dans ses restes/là, je me sens plus présent, là, au Rwanda et, paradoxalement peut-être, cette écriture allongée me donne plus d'air, cela me convient mieux.

Tu sembles écrire dans différents lieux, serais-tu un de ces poètes qui écrivent en mouvement ?

Je ne sais pas. Avant c'était plutôt l'inverse, quatre murs à ressasser en boucle. J'ai l'occasion de bouger beaucoup plus ici. C'est une nouvelle expérience, une autre manière d'être seul, ça remue les choses différemment. Je note les lieux simplement quand je ne me trouve pas à Kigali car souvent le contexte y est très différent. Ca a commencé ainsi avec le Malawi où je n'ai cessé de voyager sac au dos puis à Kampala, bouillante, ou encore à Nyamata qui est une petite ville très populaire pour son mémorial du génocide.


Une petite bio biblio ?

Je suis né en 1985 en Belgique et je vis désormais à Kigali au Rwanda.

Boucle ça sur le site publie.net

Des textes dans la revue N4728 et le journal des poètes.


 
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