TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Un ange à notre table-
Christine Bloyet ~ extraits de sur le pré enneigé

 

Inédits d'auteurs que nous sollicitons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sur le pré enneigé une pelote de laine déroule un mince filet de sang
*
je
laisse les mots tra
verser mon corps s’
échapper dire ce qu’ils ont à dire mon corps tra
versé par les mots tracer l’
instant l’
interminable l’
éternel instant de ma
présence
*
car
je suis

depuis toujours je continue sans arrêt le temps passe sans passer les mots ne disent que
ce
moment
ce
mot ment
*
car
les mots mentent et
disent
le vrai du mensonge
le réel de l’être écartelé bâti sur des fosses où s’
engloutissent les images déchirées
ce
qui défaille sans fin en
taille la blessure invisible introuvable intouchable
qui ne veut pas guérir
dictant de son tracé souterrain la courbe intime d’un chemin dont on ignore l’
origine
et ( ce
qu’il faut porter)
*
mais
vivre avec
ce
qui ne veut pas guérir
perdu dans un repli que la mémoire ne peut situer
qu’aucune main de chair
la blessure blessante à jamais étrange étrangère même au corps intouché
dans le cœur la mémoire l’oubli hors du corps peut-être dans l’
ombre qu’
il projette l’air qu’
il déplace la ligne d’horizon que ses yeux emprisonnent peut-être dans l’
éclaboussure rouge d’un soleil é
gorgé
*
mais
être enfin
le
corps touchant
touché par une main donnant
de l’
amour sur le versant et qui n’a de cesse comme la mer
*
mais
être le corps touché de l’amour

présent pressant pressé la peau les bras les cuisses et ce qui bat le sang la salive et les lèvres
donnés
totalement comme le désespoir
à l’autre
qui me prend me comprend ouverte
découverte
pour qu’il touche qu’il accède qu’
il décèle
la bouche muette de mon origine qu’
il trouve
la lettre du début cachée dans le tréfonds dictant dans le mutique instant du retour
l’imprononcé
*
car
je suis née
car je suis née d’une femme
je viens du ventre
je sors du sexe
d’une femme enfantée femme enfant enfantant une enfant femme fendue fondue confondue re
pliée
dans l’antre d’une autre lovée dé
lovée
*
car
j’ai été l’hôte
l’otage d’un corps autre
enserrée par les eaux op
pressée par le sang
sans voix
*
car
je viens
des confins d’un corps pénétré par un
autre
longtemps sans
forme sans
force j’ai erré pour re
venir
*

où s’abolit l’oubli dans le regard qui ne voit plus

où la déchirure comble

où la blessure qui ne veut pas guérir offre enfin un passage à l’instant
fulgurant
où s’engloutit la perte

je suis le corps é
prouvant
*
( si
tu veux me connaître prends moi sans histoires ni questions dis-moi seulement les mots simples
qui me font défaut
ceux qui manquent à mon vocabulaire rejoins le centre obscur d’où je viens rejoue
le début fais-moi basculer dans la nuit claire où j’
oublie qui
je suis )
*
mais
le cœur n’a pas de
poids
sur la pierre rouge la trace indécise d’un souffle
quand il battait
*
alors
dans le recoin obscur j’
écorche
contre la pierre mon corps mes yeux
essuient la nuit
et le drap de survie étend à perte la longue plaine neigeuse où glissent les silhouettes
*
parfois
un rire d’
enfant se colle à mon visage mes mains inventent la promesse
des collines je tire vers moi la trace de mon passage le
paysage s’
effondre au loin
le poids de mon cœur rouge s’enroule dans le grand drap neigeux où glissent les regards
*
alors
pour rien je donne je me donne à tous
( comme elle auréolée
avec ses yeux de lacs engloutissant la noirceur avec ses gestes de musique silencieuse guérissant sans toucher les plaies
)

 


Christine Bloyet vit à Nantes où elle anime des ateliers d’écriture. Étreinte publié aux Éditions Henry-Écrits du nord 2008. Poèmes publiés en revue : N4728, Verso.

Comment travailles-tu tes écrits ?

J’ai un cahier, qui est une sorte de journal, très brouillon, dans lequel j’accumule des notes. Dans ce cahier s’esquisse ce qui sera peut-être un poème. C’est un fatras, une matière informe, mais cela constitue la matière première dans laquelle je puise. J’ai aussi un carnet dans lequel je griffonne quand je marche, car le mouvement de la marche son rythme, sa pulsation a quelque chose à voir pour moi avec l’écriture.

Mais le travail d’écriture véritable se fait dans un second temps sur l’ordinateur.
Là je passe beaucoup de temps à mettre en forme et à retravailler un même texte. Un peu comme un sculpteur, je façonne, je taille, j’élague, j’épure…


D’où vient l’écriture pour toi ?

je ne sais d’où vient l’écriture, cela reste mystérieux, mais j’ai éprouvé assez jeune, à la lecture des poètes, que ce qui se disait là, dans le poème, ne pouvait se dire ailleurs.
L’impact, la force de la parole poétique a été une révélation et a motivé mon désir d’écrire.
Mais l’écriture est pour moi, une lutte contre ma tendance au mutisme, peut-être le poème en est il le prolongement ou son autre face. J’ai le sentiment en tout cas que le poème s’écrit ou s’inscrit sur le vide ou le silence précédent toute parole ou discours.
Les mots, j’ai parfois le sentiment de les tirer, de les arracher d’un fond obscur.Je vis l’écriture comme une recherche dont l’objet, s’il demeure, incertain ou indéterminé, s’il échappe sans cesse, permet de dessiner un chemin…et c’est cela finalement qui m’importe, le chemin que je trace avec les mots.


Quelle est ta bibliothèque idéale ?

Ma bibliothèque idéale serait composée en grande partie (au moins 80%) de poètes de tous les temps et de nombreux pays. Certains y auraient une place de choix pour le rôle important qu’ils ont eu et continue d’avoir dans ma vie : Whitman, Apollinaire, Dickinson Pessoa, Celan, Paz, Juarroz, Valente… mais aussi beaucoup de poètes contemporains. Pour le reste, quelques auteurs essentiels qui ont contribué à mon éveil littéraire et dont les oeuvres recèlent intensité et force poétique : Proust, Dostoïevsky, Colette, Duras …

 
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