Dans le rouge les fleurs là
partout le jardin c’est
la géométrie du cri
même silencieux
elle mord sa peau
ravage les mots
jusqu’au sang dans la page
elle crie
quelqu’un n’entend pas.
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Un homme dans l’espace d’elle
elle pose sa main
sur un visage
même dans l’absence.
C’est peut-être cela la beauté
d’un visage
ce qui échappe
je pose mes mains sur un visage
absent.
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Quand l’homme se terre dans son récit
le cri avale
mon visage.
Elle dit visage
et si c’était un corps
encore et rien
pour dire tu.
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Cadenassée
au silence d’une voix
une femme
dans l’impossible lumière
ne se déploiera pas.
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Comme du, plomb le gris
s’appuie dans l’air
une peau de cendres
le rouge brûle encore
comment faire jour ?
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Elle a perdu les mots
ne parle pas
la mésange le premier
soleil dire le jour
ne sait plus
à quelqu’un qui est là et pas
les pauvres mots
c’est du silence
dedans comme une râpe
ça fait des copeaux de larmes
et une grande fatigue
de rogner couper sa vie
trancher elle agite des ailes
le poulet dans la ferme elle a vu
s’enfuit a perdu sa tête court sans
sa tête qu’on a tranchée comme on rit
qu’est-ce qui bat encore dans le corps ?
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Ces poèmes sont limpides, épurés.
Comment travailles-tu tes écrits ?
J’ai, en gros, deux manières d’écrire
l’une très resserrée et l’autre livrée
à un flux verbal plus délié. D’emblée,
lorsque j’écris ,l’une ou l’autre manière
s’impose avec une nécessité que je contrecarre rarement.
Ensuite pour ces textes–ci, c’est comme une sorte de concentration
très intense dans laquelle le mot à lui seul, son association
avec les autres devraient atteindre une sorte d’exactitude. A
une période, je voulais même trouver une écriture
sans métaphores, sans images; par méfiance du langage
sans doute qui est toujours tellement à côté, «
qui noie le poisson » si je puis dire . !. C’était
assez idiot comme volonté, mais il en reste dans cette écriture
, une recherche de l’intensité qui passe par l’élimination
des scories .
D’où vient l’écriture
pour toi ?
Je vais laisser de côté les explications
anecdotiques que je pourrais fournir.
L’écriture pour moi vient du corps, de son inadéquation
constante (presque !) et en même temps du langage, de son inadéquation
constante aussi. Et ne me demande de placer un complément , «
inadéquation à » ; c’est absolu. J’écris
dans ces failles , dans ces béances ou ces petites fissures et
l’écriture donne un espace de respiration. Voilà
aujourd’hui ce que j’ai envie de répondre à
cette question qui demanderait un e vraie réflexion , beaucoup
plus élaborée.
.
Quelle est ta bibliothèque idéale ?
Il y a les noms qui viennent comme ça très
vite parce qu’ils occupent la vie tout le temps et puis aussitôt
d’autres et puis encore ceux que l’on veut citer comme si
de ne pas le faire serait blessant , injuste, de négliger à
quel point à des moments de la vie , ils ont pu accompagner .
mais cela ferait une liste bien longue
Alors quelques noms, pour toute une œuvre, pour une rencontre intense
ou des rencontres répétées, pour un livre parfois
mais si fort: Duras et Quignard, Char et Aragon, Nietzsche et Platon,
Freud et Philippe Lacadée, James Sacré et André
Welter, Valérie Rouzeau et Sophie G.Lucas et aussi Michon et
Bon et Ariane Dreyfus et Zola et Hugo et …..tiens pourquoi pas
Racine par exemple ces quelques vers
Pour jamais ! Ah, Seigneur ! songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Bérénice IV, 5
Née à Surgères en Charente-Maritime,
Patricia Cottron-Daubigné vit et travaille aux abords du Marais
Poitevin, à Fontenay le Comte.
Elle a publié des poèmes dans de nombreuses
revues telles que Décharge, , Ici è là , Triages,
Contre-allées N4728 (etc.) et sur le site de F. Bon (publi.net
et remue.net).
++ ouvrages :
Plusieurs recueils ont été édités depuis
Portraits pour ma mémoire en 1996 chez Soc et Foc (prix
littéraire des pays de Loire) jusqu’à Elle,
grenat noir au Dé bleu en 2002., et plus récemment
, des paniers de fruits dorés ,comme aux éditions
Tarabuste (anthologie 2006). Une manière d’aile
aux éditions Soc et Foc (juin 2008) ,et Croquis urbains,
héro, chez Contre-allées (juin 2010 )