TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Un ange à notre table-
Fabrice Farre

 

Inédits d'auteurs que nous sollicitons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


I - Dans la cour

Les fenêtres sont sales
le chat de terre cuite attrape
un oiseau supposé. Dans l’évier
la rhapsodie du goutte à goutte
finit par trouer la faïence du silence.
Je ne te parlerai plus
car tu ne passes plus par ici. C’est
pour cela que sur le calendrier
reviennent les sept jours
du même étalon. C’est à cause d’eux
que je ne suis plus très grand.

 


II - Nuit

Il n’est qu’une petite nuit
comme celle-ci tôt arrivée
qui puisse montrer
qui arrive par ces rues
creusées dans la pâte noire.
Des badauds de charbon, des
formes de bronze
clair, des silhouettes pressées
éclairées et passagères, et
ces lueurs intermittentes qui
montent en épingles partout
tandis que brûlent
les feux pâles des voitures
incertaines et monte cette silencieuse
habitude à croire que tout
est réel.


 


III - Devoir

Je dois partir pour
faire autrement. Mais
je resterais pour finir
ce qui me reste. Je
verrais bien la mer
qui se soulève plus haute
je goûterais volontiers
au vent vide comme je le suis.
Partir, partir
je le ferais si je n’y pensais
pas autant.

 


IV - Ombres

Jouer à vivre était plus enfantin
que vivre et la mort nous troussait
et le soleil mesurait nos gestes
sur la terre imparfaite.
Je pouvais t’atteindre sans te toucher
mais l’ombre de la voix
n’existait pas pour t’effleurer.
Je savais dans ce silence
de pantin quelle était ma part sombre
à vouloir de toi sans que le soleil
le mime.

 


V - Curriculum vitae

L’atelier se saisit
de la lumière nécessaire mais
on ne pose plus. La solitude
est attendue en chair et en os
dans ces murs hauts et
nous serons ses apprentis.

 

 

VI - N’importe

Ton VSL n’arrive pas
le vent souffle et les coins
de rues sont tranchants.
La ville remue, rien
ne s’immobilise.
Tu répètes que le chauffeur
doit venir te chercher.
C’est au moment où
cet homme se présente à toi
que tu le suis sans te retourner
résignée, pour aller Dieu sait où.
Le tumulte n’a pas de ces poignées
qu’on saisirait
pour le faire glisser comme un tiroir.

 


VII - Vanité


Isolés de la matière
à chercher autre chose
comme la mouche folle
d’un appartement,
quelque chose d’ignoré.
L’envie s’emballait : tout
se délestait de
la gravité où se pèsent
le sens des jours et
la présence seule d’un arbre
face à la fenêtre

 

VIII - Une heure

Les mots s’envolent, poussière,
écume de ces ronds de fumée
qui ont parcouru la terre et
reviennent jusqu’ici transparents
dans ce troquet où vives
les voix sentent l’alcool.
Une lueur brise les vitres
il va falloir rentrer et déjà
certains ennuient : ils sont jetés
en pâture à la ville quand l’heure
n’est plus indiquée pour personne
et que la nuit jette ses feux sur
les miroirs des trottoirs.

 

 

IX - Composition

A l’occasion je compose, mêle
la symbolique matinale aux chiffres
maçonniques. Partout, les sourires
ressemblent étrangement à celui de Mona,
à l’occasion je m’interroge, improvise
une heure vide qui seule a peur
de finir oubliée. A l’occasion
je m’interroge aussi et me demande
pour quoi je vis ainsi et ne trouve
la réponse que dans l’éclat d’une voix
peut-être dans la trace des autres
ou encore sur la brosse qui passa
souvent par la Venise
éclairée de tes cheveux.

 

D’où vient l’écriture pour toi ?
J’aurais envie de répondre : « de nulle part ». Puis, à bien y réfléchir, écrire est un réflexe, comme respirer. Les moments où les mots ne sont pas au rendez-vous mes lectures compensent ce vide. Enfin, cela est plus personnel et rejoint celui que j’ai été enfant et que je suis aujourd’hui : un grand amoureux des mots, des langues, de la façon de dire le réel. J’ai besoin de dire comment je vois et je suis dans le monde avec les autres.

Comment travailles-tu tes écrits ?
Ecrire un poème me prend souvent peu de temps. Mais le texte n’est pas toujours définitif. J’ôte la croûte inutile. Si je ne suis pas convaincu ou pris d’impatience, j’oublie ledit texte, qui revient parmi d’autres - même quelques mois plus tard - mais totalement métamorphosé.

Quelle est ta bibliothèque idéale ?
De la littérature la plus ancienne ( Tristan et Iseult, Pétrarque pour ne citer que ces exemples ) à la plus contemporaine. J’accumule, car je suis sans cesse à la recherche…de la révélation. Pour faire court, j’aurais l’illusion de vouloir tout répertorier, de n’importe où, de partout, comme Dante pour sa Comédie mais sans les lunettes de soleil, ni « la Vespa » (d’ailleurs, il n’en avait pas lui non plus…)

 

Fabrice Farre est né le 7 novembre 1966, à Saint-Etienne où il est aujourd’hui fonctionnaire d’Etat. Il a consacré une thèse à la poésie contemporaine (Lettres et civilisations étrangères), et traduit les poètes tels que Lorca, Montale… Ses textes paraissent pour la première fois dans l’ex revue stéphanoise Aires (numéros 10 et 12). Ce n’est qu’en 2009 qu’il envoie à la revue Incertain Regard de nouveaux textes qui seront édités dans le numéro 0. On le retrouve, ensuite, sur les sites littéraires comme : Ecrits…Vains ?, Francopolis , Les états civils (n°8), Libelle (n°224), Voxpoesi, Incertain Regard (3), SymPoésieum, Le capital des mots, Soc et foc, puis dans les revues : Pyro (n°26-27 ), Filigranes (80), Microbe (67). Prochaines parutions pour 2012 : Décharge (152 ?), Microbe (69), Traction-Brabant (44), Verso. Il crée son propre blog – http://fabrice.farre.over-blog.com – afin de présenter son travail et d’accueillir ses nombreuses lectures, aussi bien françaises qu’étrangères.

 
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