Le goéland qui riait comme ma mère
Un jour mon père il a ramené un goéland blessé
dans ses filets
on aurait préféré manger du poisson alors
on l'a pas mangé
le goéland il criait tellement fort que les voisins ils
ont cru que c'était ma mère qui rigolait
alors ils sont venus à la caravane pour rigoler aussi
ils étaient tout drôles de voir que c'était
pas ma mère
on a rigolé quand même en mangeant des chips
on s'est dit qu'on pouvait pas le laisser comme ça alors
ni une ni sept plus un oiseau
on est monté dans l'Opel
mon père, ma mère, mon grand frère, mon moyen
frère, mon petit frère, ma sœur, le goéland
et moi
quand on est arrivé à la clinique des oiseaux blessés
on nous a dit comme ça
votre oiseau on le soignera pas, y'en a trop des comme ça
!
ni une ni sept plus un oiseau on est remonté dans l'Opel
et on est reparti dans l'autre sens
on l'a soigné avec du ronron pour chat et du mercurochrome
pour homme
on aurait dit un aigle peau rouge, Œil de lynx on l'appelait
dans le camping
le goéland qui riait comme ma mère un jour il s'est
envolé comme la comète de Halley
c'était beau comme une fermeture éclair d'un K Way
rouge dans le ciel bleu
Mon père il a continué à
pêcher des poissons, ma mère à rire comme
un goéland et nous on regardait dans le ciel des fois qui
aurait une comète de Halley qui rirait comme ma mère
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Le premier mort de ma vie c'est George Pompidou
je l'ai pleuré à la télé avant de
savoir lire
si même lui mourrait alors c'était foutu
j'ai remis des petites roues à mon vélo
il me manquait des dents devant et
plus jamais ma mort sera sans vie
elles ont repoussé de travers
c'est à cause de Pompidou
il a dit le dentiste
y'a pas d'appareil pour ça
faut la laisser
ça lui passera
il a dit ça
sur mon vélo la bouche ouverte
le vent passe à travers
aérodynamite
Casimodo du rayon vert
à cause de Pompidou
il a dit le
y'a rien à
quand elle passe
le mur du son
ça lui
des fois
je pleure par les dents
passera
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Sept ricochets sur l'eau
du lac
Vingt mots vains
et tout ça comme si de rien n'était
ses mots comme des corn flakes me piquaient la langue
ma grand-mère aurait dit étouffe chrétien
ou crétin je sais plus
Smouroute Smouroute
chat d'imbécile
même pas de langue à donner
Si le jour je mange des fleurs en plastique
mange-moi
Même pas râlé pour aller à
la messe qu'il a dit mon grand père
quand mémé elle a bouché ses artères
Lieux communs
pierres qui moussent
fosses communes de nos histoires
Un chat qui vous appelle
une sonnette à pousser
on fera rien avec ça
Des carottes
une sauterelle verte
un petit bec bleu
mitoyens
mis ensemble
mine de rien
ça réchauffe
(il a souri tellement profond
qu'on y voyait les dents manquantes)
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L'eau des doigts ne se boit pas
tache la vie tant y'en a
empêche d'écrire
coule dans l'oreille d'un sourd
tombe dans celle de Van Gogh
AIEU ça PIQUe
cours aprés si tu peux
et ramène la
ramène la par la peau du cou
la peau du cou de l'eau
pas facile à dire
Qui en veut ?
De l'eau de vie
De l'eau des doigts
de l'eau de je sais pas quoi
l'eau des yeux ça ne se montre pas
ça se met dans un pot de misère à l'intérieur
de soi
on en fait des glaces à l'eau en regardant les bateaux
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MINI-ENTRETIEN AVEC NATHALIE GUEN
par Roselyne Sibille
Comment travailles-tu tes écrits ?
J'écris comme je lis, dans mon lit et après, je m'endors.
D’où vient l’écriture
pour toi ?
Mon écriture vient du quotidien, de ce que les gens me disent,
mon écriture est un plat du jour. Elle "s'en fout du qu'en-diras-tu"
pour reprendre l'expression d'un patient qui me parlait de sa famille.
Ta bibliothèque idéale ?
Un bibliobus conduit par ma grand-mère ; on prendrait en stop
George Perros. On ne lui dirait pas d'éteindre sa cigarette.
On dirait : Il fait beau allons au cimetière, et après
on ira voir la mer. D'accord.
Et aussi :
"Minouchette", un petit livre qui parle d'un chat qui disparait
; je l'ai obtenu en le troquant contre des billes dans la cour d'école
quand j'avais six ans.
Que t'apporte l'écriture ?
J'ai fait revivre tous les morts que j'aimais bien et les autres non.
J'ai compris pourquoi j'avais des dents de travers.
J'ai retrouvé une épicerie polonaise sur la Place de l'Hôtel
de Ville de Tarascon avec des cornichons à l'aneth.
Je peux écrire bâteau comme gâteau, et chou pleur
comme je veux.
D'où vient cette idée
de Smouroute qui a donné
lieu à ta série de poèmes, aux dessins de Sylvie
Durbec et à l'exposition de votre co-création qui a lieu
en ce moment au Centre Européen de Poésie d'Avignon ?
Ce projet commun est né d'une proposition de Sylvie Durbec. A
propos d'une histoire que j'avais commencé à écrire.
L'histoire démarrait comme ça : "Smouroute, Smouroute,
chat d'imbécile même pas de langue à donner."
Sylvie Durbec, poète et bricoleuse, m'a dit il y a environ six
mois : « Je te propose un truc, tu écris les aventures
de Smouroute et avec mes collages je t'accompagne. » Cette idée
nous a fait rire alors on s'y est mis.
Les aventures de Smouroute ont commencé.
S'il fallait résumer l'histoire, ce serait celle
d'un chat polonais, celui de mes grand-parents. Il miaulait en Bashi
Basouk et parfois se prenait pour un lapsus.
Les collages de Sylvie Durbec ne sont pas des illustrations mais un
univers à part entière qui évolue en parallèle
au mien. Les deux univers mis ensemble forment un autre univers : celui
de Smouroute, le chat qui se prenait pour...
On voulait réaliser rapidement un livre où chacun puisse
lire les textes.
Mon frère nous a fourni en coquilles St Jacques parce qu'il en
mange beaucoup.
Toutes viennent du port de l 'Auberlac'h et de Rostiviec, près
de Brest. Comme c'était la fin de la saison, il fallait se dépêcher
pour en avoir.
Ensuite j'ai fabriqué des livres-coquilles où on peut
lire l'histoire.
Le seul inconvénient c'est qu'on a pris du poids,
on a beaucoup mangé, on a beaucoup bu. La poésie ça
fait grossir.
Nathalie Guen est née à l'Ouest.
Elle est passionnée par les oiseaux marins, la musique et la
littérature microscopique.
Membre actif de la Petite Librairie des champs à Boulbon, elle
participe depuis plusieurs années à des ateliers d'écriture
avec Patricia Geffroy.
Plusieurs de ses textes ont été publiés dans la
revue numérique "Les
états civils n°8" de Daniel Labedan et sur le blog
de la Petite
Librairie des champs.
"Smouroute va à la cuisine" est sa première
histoire écrite dans une coquille St Jacques.