L’autre n’a pas la même
note que soi-même, cependant il chante – et tout un
chacun se reconnaît dans cet air, que les siècles et
les contrées compulsent.
Un couple de pigeons, sur mon balcon,
d’heure en heure m’apprivoise ;
et c’est ainsi que j’apprends
ce qu’il faut perdre
du poids de l’homme.
La légèreté,
ne serait-ce pas le souffle
dans sa scansion
première ?
Tant j’ai pris de notes,
qu’il me faut désapprendre ;
chanter avec les creux,
les vacillantes mémoires ;
avec
cette impulsion
que confère
une sarbacane…
|
Il faudrait manger la terre
pour en connaître
le goût de cendres,
celui
des étincelles.
Dévorer
jusqu’aux racines
qui s’insinuent
entre le sol,
et le dos
de la Terre.
Partager
cette eau fragile
que l’insuffisance
évapore.
Se donner
des airs de grains –
afin de balayer
les poussières
qui nous aveuglent.
Nous descendons
de l’aube ;
nous gravissons
le crépuscule.
|
Que l’orage soit
prodigue et la pluie
bienveillante ;
qu’il y ait de la tourbe,
de l’humus,
du varech,
au sein même de l’éclair ;
que nos mots et nos pas
portent
ce qu’il y a d’étincelles
dans la foudre.
Toujours la terre se souvient
des griffures et rigoles.
Et de toutes nos tirades
elle en fait des envols –
qui retombent
en poussières.
Parfois le temps écoute
ce que
la pluie égoutte
d’une ombre…
Parfois le temps
s’ignore…
Et ce sont des corbeaux /
qui passent /
au cœur /
du sablier.
Quelque seconde /
est la première
à suivre.
|
Le pain. Je n’en fais pas des miettes.
Seulement des circonstances.
Que je mâche.
Comme il y a des enfants, dévêtus de leur ombre,
dont le squelette
traverse
la lumière,
comme il y a des enfants ;
et des femmes qui se voilent
devant la face
du monde,
des femmes qui se voilent ;
et des équarrisseurs
dont les mots
tranchent les têtes,
les actes et les paroles,
et des équarrisseurs ;
comme il y a du vinaigre
sur le sel, sur le sucre,
du poivre
dans les narines
offertes ;
le temps
est ce jeton : à double face ;
et des aubes, nous nous levons
parfois
plus forts que la tourmente,
plus tendres
que la sérénité
d’un songe.
Et je n’émiette
la mie /
qu’à la tombée
muette /
du ciel.
|
Le
ventre de la ville s’octroie
les éructations
de la circonférence.
À force de filer dans les rues
toujours ;
les mêmes artères
où mon allure
s’écoule ;
avec cette enjambée
faisant valser
mon ombre ;
j’appartiens au bitume ;
à la rosée des pierres ;
au sol goudronné
qui conduit à la foule –
comme ce conduit
de l’antre
à la rivière,
cet écoulement
sans nom,
permanence
des ruptures
qui dansent.
Le ventre de la ville
s’octroie ;
et se traversent
des zones /
où la lumière
s’épanche.
|
Quel est le cheminement de l’écriture pour vous
?
Marqué à l’adolescence par le Surréalisme,
puis par le Structuralisme, j’ai évolué vers une
poésie tout à la fois "philosophique" et humaniste.
Ma vigilance est de m’approcher au plus près de ma perception
du monde tout en offrant, notamment par les oxymores, des pistes de
ressentis et d’interprétations divers. À la lectrice,
au lecteur de faire sa (re)lecture, sa (ré)écriture des
textes.
Pourquoi le choix de l’italique
parfois dans Permanences ?
Au même titre que la ponctuation, les blancs, les intervalles,
les ruptures, le choix des polices, etc., l’italique fait partie
intégrante de la sémantique inhérente au poème.
Entre autre il permet de jouer sur plusieurs registres et d’amplifier
le caractère polysémique du poème.
Quelle est votre bibliothèque
idéale ?
Difficile de répondre, tant elle serait vaste. Pour me limiter
à la poésie contemporaine, figureraient, bien sûr,
les Surréalistes, ainsi qu’Artaud, René Char, Henri
Michaux, Joyce Mansour… Puis – et les noms me viennent en
désordre – Adonis, Roberto Juarroz, Werner Lambersy, Vénus
Khoury-Ghata, Edouard Glissant, Aimé Césaire, Gaston Miron,
Salah Stétié, Jacques Dupin, André Du Bouchet,
Saint-John Perse, Pierre Reverdy, Borges, Pessoa… Et je m’arrêterai
là (afin que cette liste ne soit pour les lecteurs par trop fastidieuse),
en en oubliant plus que de nommés (qu’ils me pardonnent),
car la poésie (donc les poètes) est d’une richesse
infinie, à explorer sans cesse.
Daniel Leduc, né à Paris le 30 juillet 1950, est un écrivain
français.
Il a fait des études supérieures de cinématographie.
Il a publié une centaine de nouvelles dans divers
magazines et journaux tant français qu'étrangers. Il a
collaboré à de nombreuses revues de poésie et a
été traduit dans une dizaine de langues. De même,
il a exercé des activités de critique littéraire,
artistique ou cinématographique.
Sites Internet : www.harmattan.fr/daniel-leduc
http://daniel-leduc.blogspot.com
À consulter : Wikipédia
www.biographie.net/Daniel-Leduc