TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Un ange à notre table-
Corinne Le Lepvrier ~ Extraits de La femme elles je

 

Inédits d'auteurs que nous sollicitons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Leurs vies – bloquées –
dans des petites images
pleines de cheveux de chapeaux
de collants et d’aiguilles
sur des talons errants
Elles

*
Comment diraient-elles
qu’elles sont nues
– et
que le ciel est à portée de leurs mains de passage



 


1
Petite au centre de son jupon – fleuri
elle serait assise sur une très grande chaise
si bien que ses pieds ne pourraient atteindre
ni le sol
ni le livre posé sur le sol

 



2
Elle grimperait
sur la table installée sur le tabouret posé sur la
très grande chaise
et ainsi tenter d’atteindre de ses deux mains
une lune de papier
   

 


3
Elle y écrirait un mot
ne pas regarder le livre au sol
à bout de jambes à bout d’âme
ELLE
en rouge
en déséquilibre


 


4
Son chignon se délacerait
Son jupon – fleuris ses cheveux –


*
J’ai traversé l’espace et toute chose parle alors dis-moi dit-elle
J’ai traversé le temps et toute chose se tait alors ne dis rien dit-elle
J’ai traversé la vie et toutes choses se touchent alors prends-moi dit-elle

*

Elle inspire
un œil contre la terre
une dent contre le ciel
les interstices
effeuille le jour jusqu’à la prose
la peau pénétrée
avoue
le spectre – lumineux ¬– des obscurités
s’allonge
ses membres – doigts –
Elle écrit

*

Seule dans le noir
parmi les corps – rouillés –
et l’océan
des commencements

Mon dos rond
dedans sans bords
contre le penchant
de l’expansion théorique

Seule à être noire
à la poursuite de la vie
et l’aplomb d’être
une femme

Le vacarme de mes plaies
que les oreilles de la matière
n’entendent
pas

Seule où commence l’ailleurs
Seule
où l’autre se finit
à réitérer l’espace

Homme - Viens en moi
Seul dans le noir
parmi les corps – rouillés –
et l’océan
des commencements

*
Ecouter les oiseaux
Ou bien écrire – des phrases
Faudra-t-il que nous mourrions pour le savoir
Et puis je ne suis pas sûre que les oiseaux se comprennent

*

Après tout
L’œuf que je casse
Je leur laisse la terreur et la poussière
L’étoile que j’ouvre
Je prends le bleu du ciel et ma petitesse
Le soleil se regarde dans l’eau de la mer
J’ai une libellule dans l’œil





Comment travailles-tu tes écrits ?

Le plus souvent suite à lecture, glanage, un mot attrapé chez moi (entre mes livres et mon ordinateur). C’est quasi immédiat. Ce peut-être aussi les carnets sur soi dehors qui accueillent les notes, les bribes, notées dans l’impossibilité (probable et constitutive de celui qui écrit) de ne pas chercher à nommer les choses, ce qui se passe ; matériaux à joindre, disjoindre, un jour, plus tard, à réorganiser, à articuler...et former les textes.

J’écris depuis longtemps, d’un texte à un autre, toujours plusieurs travaux simultanément, textes longs, fragments, proses, poésies, des registres différents, l’alternance et l’hétérogénéité me sont des principes créatifs essentiels. Il y a aussi un besoin de réécritures multiples, avec tentatives-tentations de variations des formats. Et la difficulté de considérer qu’un texte est terminé, expérimentant sans cesse que la matière écrite est continument première et source, la publication vient (il semble) aider à poser et se pauser...

D’où vient l’écriture pour toi ?

Comme bon nombre de ceux qui écrivent, j’affirme qu’elle n’est pas activité, qu’elle est là à mes côtés, que nous sous sommes construites ensemble,... même si mon propos ne peut être “étayé” par la quantité de mes publications. A vrai dire, cela fait quelques mois que j’entends pour moi-même ce que j’aime rappeler aux écrivants participants à mes ateliers d’écriture ; s’autoriser et être auteur ont la même racine. Je m’autorise donc désormais à m’engager aussi vers le vaste et incertain chantier de rencontre avec des éditeurs. L’écriture longe ma vie et les interpénétrations de l’une dans l’autre sont tout à la fois intellectuelles et sensibles. En atteste peut-être ce recueil que je termine actuellement, titré “La mère, l’écriture, tendre vers elles sans atteindre jamais (en 117 asymptotes)”...

Quelle est ta bibliothèque idéale ?

Dans l’impossibilité (cognitive aussi) d’établir une véritable liste, et tel que quelques noms d’auteurs émergent là de ma tête ; Antonio Tabuschi, Le Clézio, Michel Tournier, Paul Auster, Mauvignier, des femmes oui, Leslie Kaplan, Woolf, Duras, Annie Ernaux, Dominique Mainard, Lambrichs, de toutes façons tous les poètes, Christian Bobin.


Corinne Le Lepvrier vit à St Nazaire où elle consacre une part importante de sa vie à décliner l'acte transversal, confrontant, vivant, vivace… d'écrire. Et anime des ateliers d’écriture.

Elle a publié les recueils de poèmes et poésies narratives : Mes nuits au(x) lieu(x) d’être, Encres vives, 2011 ; la femme elles je, éd Rafael de Surtis, 2012 ; Il ne suffit pas d'un tas de cendres pour faire un homme, éd Le Frau, 2012 ; langues / je viens, La porte, 2013 ; suis-je ta femme seule bleue dans l'eau limpide, -36°édition, 2013 ; Les multiples passages, éd Eclats d'encre, 2013.

A paraitre en 2013 : -un brin- mélancolique, La porte ; Non ; plutôt deux fois qu’une, éd Asphodèle ; Pourquoi la vie est si belle ? (avec Néo et peu d'oiseaux -pour aider-), finaliste du prix des Trouvères 2012, éd Lanskine.

Des parutions en revues et collectifs : N4728, Les carnets d'Eucharis, Contre-allées, Lieux d'être, Mange-monde, Nouveaux délits, Décharge, Anthologie 2013 des éd l'Arbre à paroles,...

Blogs
http://corinnelelepvrier.hautetfort.com
http://matiereamots.hautetfort.com

 

 

 
Textes et photos - tous droits réservés