TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Un ange à notre table-
Amandine Marembert ~ extraits de Et s'il ne parlait pas ?

 

Inédits d'auteurs que nous sollicitons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

il prend le parapluie de sa sœur
ouvert dans la maison
se promène avec
le fait tourner
un toit de toile sur le monde
pour passer entre les gouttes
 

 


il aime ce qui brille
les bijoux
les guirlandes
les néons de la rue
quand il regarde les étoiles
leurs éclats restent accrochés
aux branches de ses yeux

 

quel chemin fera-t-on
pour aller le plus possible à sa rencontre
y aura-t-il un jour
un endroit où nos bras
pourront l’étreindre complètement



 


je pense parfois
que ses silences
ont la forme changeante
des nuages
et que ce blanc
pourrait s’éloigner
pour laisser place nette au bleu

 


 s’il touche le petit suisse
c’est qu’il en veut
avec ses doigts
il crée un langage
où le silence se ramasse
à la base des ongles

 

apprendra-t-il l’alphabet
sur les boîtes de lait
de chocolat de pâtes
sur les feuilles de journaux
qui allument les feux du jardin
brodera-t-il son abécédaire
avec des fils d’araignée
luisants au soleil

 


sa petite soeur m’affirme
qu’il dit merci dans sa tête
elle sait mieux que nous
lire ses pensées
sur un fil invisible
qu’elle déchiffre
elle qui ne sait pas encore lire

 

D’où vient l'écriture pour toi ?

L’écriture vient de l’enfance. Un tempérament taiseux et secret, des après-midi entiers à lire sur mon lit, à rêver, à me faire un monde de terre et de végétal à l’abri sous la serre du jardin. Le sentiment de ne pas pouvoir m’exprimer pleinement si je n’agence pas autrement les mots de tous les jours sur une feuille de papier. Toujours cette impression qu’on ne peut me saisir vraiment et me comprendre dans ce que je suis réellement, si l’on ne m’a pas lue. Si je ne passe pas par l’écrit, j’ai la sensation de rester muette, de ne pas pouvoir parler comme je l’entends. Je ressens toujours l’urgence d’éprouver ma langue maternelle comme une langue étrangère, de l’apprivoiser pour qu’elle essaye de dire ce qu’il y a à l’intérieur de moi. Une journée sans lire, noter quelque chose – même infime – me perd un peu et me déstabilise. La langue normée et sociale n’éclaircit rien pour moi. Bien au contraire, elle m’obscurcit souvent la réalité. Seule l’écriture me permet d’accéder à une apparence de transparence. Et l’écriture vient aussi de la lecture des autres, forcément.

Comment travailles-tu tes écrits ?

J’écris sur une foultitude de carnets de tous formats, tailles, couleurs, lignés ou pas. J’en ai une réserve dans mon tiroir de bureau et j’en choisis un en fonction de l’ensemble qui me vient. Je peux le faire suivre dans mes déplacements. J’écris au crayon de papier. Je gomme plus que je ne rature. Je sépare les poèmes avec des étoiles. Je trouve souvent le titre d’un livre avant de l’écrire. J’informatise régulièrement mes textes. Je possède plusieurs versions d’un même chantier que je relis au fil du temps. Je laisse reposer les mots. J’attends parfois plusieurs mois avant de relire un texte. Je trouve ensuite toujours des choses à recadrer, même minimes. Il m’arrive aussi d’oublier des projets. Avant d’envoyer des poèmes à un éditeur, je les trie et en supprime, les corrige. Je les fais lire à mon entourage qui me conseille judicieusement.

Quelle est ta bibliothèque idéale ?

J’ai toujours rêvé d’un coin bibliothèque dans toutes les pièces d’une maison. Même dans la salle de bains, dans la véranda ou la cabane de jardin. Ce projet n’est pas encore totalement mis à exécution bien que je commence à crouler sous les livres – services de presse de la revue et des éditions Contre-allées – et que je n’oserais pas comparer ces objets à des plantes grimpantes et envahissantes, car j’aime les variétés de plantes dites coureuses, tout comme les cheveux longs. D’ailleurs, les bibliothèques parlent de « désherbage » lorsqu’elles se séparent de certains livres. Il y aura un temps pour le don à des médiathèques, justement. J’aime garder près de moi – table de chevet, bureau, sac à main – les livres des auteurs que j’aime lire et relire. Il m’arrive aussi d’aller caresser des yeux les tranches de certains livres pour m’assurer sans doute qu’ils sont toujours là. Ma bibliothèque idéale, c’est celle qui se situe à l’intérieur de ma tête, avec sur les étagères des phrases ou des mots que j’ai retenus, qui m’ont fascinée, et celle qui se retrouve dans mon écriture, avec des strates réminiscentes que le lecteur avisé saura déceler. On m’a raconté deux choses qui me traversent souvent l’esprit : un homme traumatisé par l’incendie de sa bibliothèque et un autre mort sous ses étagères de livres. Cicéron avait bien dit l’essentiel à une vie d’humain : une bibliothèque et un jardin. Et une bibliothèque est tout un jardin à elle seule. On ne cesse d’apprendre à la défricher, à la cultiver, à l’ensemencer, à la récolter. Mon idéal de bibliothèque, c’est aussi ces livres qui s’immiscent là où on ne les attend pas : dans les rayons d’une épicerie, sur la plage arrière d’une voiture ou les galets d’une plage, entre les branches d’un arbre, dans les poches d’un manteau, sur les tables d’un café ou d’un restaurant, sur les accoudoirs d’un fauteuil de cinéma ou de train/tram/bus, sur la table d’un salon de coiffure…

Fiche de poète d'Amandine Marembert sur terre à ciel

 
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