il prend le parapluie de sa sœur
ouvert dans la maison
se promène avec
le fait tourner
un toit de toile sur le monde
pour passer entre les gouttes
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il aime ce qui brille
les bijoux
les guirlandes
les néons de la rue
quand il regarde les étoiles
leurs éclats restent accrochés
aux branches de ses yeux
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quel chemin fera-t-on
pour aller le plus possible à sa rencontre
y aura-t-il un jour
un endroit où nos bras
pourront l’étreindre complètement
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je pense parfois
que ses silences
ont la forme changeante
des nuages
et que ce blanc
pourrait s’éloigner
pour laisser place nette au bleu
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s’il touche le petit suisse
c’est qu’il en veut
avec ses doigts
il crée un langage
où le silence se ramasse
à la base des ongles
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apprendra-t-il l’alphabet
sur les boîtes de lait
de chocolat de pâtes
sur les feuilles de journaux
qui allument les feux du jardin
brodera-t-il son abécédaire
avec des fils d’araignée
luisants au soleil
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sa petite soeur m’affirme
qu’il dit merci dans sa tête
elle sait mieux que nous
lire ses pensées
sur un fil invisible
qu’elle déchiffre
elle qui ne sait pas encore lire
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D’où vient l'écriture pour
toi ?
L’écriture vient de l’enfance. Un
tempérament taiseux et secret, des après-midi entiers
à lire sur mon lit, à rêver, à me faire un
monde de terre et de végétal à l’abri sous
la serre du jardin. Le sentiment de ne pas pouvoir m’exprimer
pleinement si je n’agence pas autrement les mots de tous les jours
sur une feuille de papier. Toujours cette impression qu’on ne
peut me saisir vraiment et me comprendre dans ce que je suis réellement,
si l’on ne m’a pas lue. Si je ne passe pas par l’écrit,
j’ai la sensation de rester muette, de ne pas pouvoir parler comme
je l’entends. Je ressens toujours l’urgence d’éprouver
ma langue maternelle comme une langue étrangère, de l’apprivoiser
pour qu’elle essaye de dire ce qu’il y a à l’intérieur
de moi. Une journée sans lire, noter quelque chose – même
infime – me perd un peu et me déstabilise. La langue normée
et sociale n’éclaircit rien pour moi. Bien au contraire,
elle m’obscurcit souvent la réalité. Seule l’écriture
me permet d’accéder à une apparence de transparence.
Et l’écriture vient aussi de la lecture des autres, forcément.
Comment travailles-tu tes écrits ?
J’écris sur une foultitude de carnets
de tous formats, tailles, couleurs, lignés ou pas. J’en
ai une réserve dans mon tiroir de bureau et j’en choisis
un en fonction de l’ensemble qui me vient. Je peux le faire suivre
dans mes déplacements. J’écris au crayon de papier.
Je gomme plus que je ne rature. Je sépare les poèmes avec
des étoiles. Je trouve souvent le titre d’un livre avant
de l’écrire. J’informatise régulièrement
mes textes. Je possède plusieurs versions d’un même
chantier que je relis au fil du temps. Je laisse reposer les mots. J’attends
parfois plusieurs mois avant de relire un texte. Je trouve ensuite toujours
des choses à recadrer, même minimes. Il m’arrive
aussi d’oublier des projets. Avant d’envoyer des poèmes
à un éditeur, je les trie et en supprime, les corrige.
Je les fais lire à mon entourage qui me conseille judicieusement.
Quelle est ta bibliothèque idéale
?
J’ai toujours rêvé d’un coin
bibliothèque dans toutes les pièces d’une maison.
Même dans la salle de bains, dans la véranda ou la cabane
de jardin. Ce projet n’est pas encore totalement mis à
exécution bien que je commence à crouler sous les livres
– services de presse de la revue et des éditions Contre-allées
– et que je n’oserais pas comparer ces objets à des
plantes grimpantes et envahissantes, car j’aime les variétés
de plantes dites coureuses, tout comme les cheveux longs. D’ailleurs,
les bibliothèques parlent de « désherbage »
lorsqu’elles se séparent de certains livres. Il y aura
un temps pour le don à des médiathèques, justement.
J’aime garder près de moi – table de chevet, bureau,
sac à main – les livres des auteurs que j’aime lire
et relire. Il m’arrive aussi d’aller caresser des yeux les
tranches de certains livres pour m’assurer sans doute qu’ils
sont toujours là. Ma bibliothèque idéale, c’est
celle qui se situe à l’intérieur de ma tête,
avec sur les étagères des phrases ou des mots que j’ai
retenus, qui m’ont fascinée, et celle qui se retrouve dans
mon écriture, avec des strates réminiscentes que le lecteur
avisé saura déceler. On m’a raconté deux
choses qui me traversent souvent l’esprit : un homme traumatisé
par l’incendie de sa bibliothèque et un autre mort sous
ses étagères de livres. Cicéron avait bien dit
l’essentiel à une vie d’humain : une bibliothèque
et un jardin. Et une bibliothèque est tout un jardin à
elle seule. On ne cesse d’apprendre à la défricher,
à la cultiver, à l’ensemencer, à la récolter.
Mon idéal de bibliothèque, c’est aussi ces livres
qui s’immiscent là où on ne les attend pas : dans
les rayons d’une épicerie, sur la plage arrière
d’une voiture ou les galets d’une plage, entre les branches
d’un arbre, dans les poches d’un manteau, sur les tables
d’un café ou d’un restaurant, sur les accoudoirs
d’un fauteuil de cinéma ou de train/tram/bus, sur la table
d’un salon de coiffure…
Fiche de poète d'Amandine
Marembert sur terre à ciel