TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Un ange à notre table-
Danielle Vioux ~ extraits de Clowns
suivi d'un mini entretien par Roselyne Sibille

 

Inédits d'auteurs que nous sollicitons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


1 clowns casqués

deux sous le casque
un seul regard
tant se parallèlent
l’ahurie certitude
qu’ils ne devraient pas y être
et l’absolue évidence
qu’ils n’avaient pas le choix


 


2 entrée de clown

oui
non
oui
non

coup de pied
au cul

je sais
qu’il faut y aller
je le sais
depuis ma naissance


 


3 hamlet clown

ok d’accord
je suis là
et après
je fais quoi
je souris
je re-souris
j’esquisse un pas de danse
je tente une chanson
bon
ok d’accord
alors quoi
alors j’essaie
j’essaie encore
je m’use le nez
je fais
ce que j’ai à faire
je le fais bien
pourtant
je le fais
aussi bien que possible
et ce n’est jamais
assez
ok d’accord
alors j’arrête
j’arrête tout
je suis là
je suis
je
je te regarde
et toi
tu ris
enfin
tu bats des mains
tu m’aimes

 


4 clown trouvé

c’est à vous
ce nez
avec un homme autour ?
je l’ai trouvé
près de la gare routière
y avait vot’nom sur l’étiquette
qu’il portait au poignet

faut pas laisser traîner les clowns
sinon
y restent pas
sinon
y prennent le premier bus
les clowns
ont lu Kerouac

sinon
y se perdent dans le néant
les clowns
ont lu Becket

faut pas croire
un accident est si vite arrivé
j’espère
que c’est fini ces enfantillages

il est temps
de lui offrir des livres
de le regarder droit dans le cœur
de le couvrir de baisers
il est temps
de grandir
je compte sur vous

 


7 clown oblique

je suis bien obligé
puisque le monde tangue
comme une vieille galette
je n’ai pas le choix

puisque le vertical
est hors-la-loi
depuis hier
je m’arrange
comme nous tous

pas question
de se faire remarquer,
pas question
de se faire embarquer
au raz du sol j’oblique
je trace un angle aigu
une main deux pieds
et rien de plus

ainsi bancal j’avance
sous l’œil indifférent
des rampants, des tombés
des couchés, des gisants
le ciel s’est agrandi
de notre
renoncement

là-haut planent les vautours

de leurs serres parfois
tombe une pièce d’or


Comment travailles-tu tes écrits ?

Souvent plusieurs à la fois qui se nourrissent l’un l’autre. La vie autour nourrit aussi, la mienne, celle de mes proches, la rumeur du monde. L’écriture témoigne de l’individuel et du collectif. Les formes se complètent : prose, poésie, théâtre, scénarios, chansons… Je reste parfois quelques mois ou années sur une thématique qui se décline ou évolue, mûrit peu à peu.

D’où vient l’écriture pour toi ?

Parfois il y a au départ un mot, une image. Parfois c’est juste le bon moment. Je tire un fil et les mots viennent. Parfois c’est un voyage dont je ne connais pas la destination. Je corrige peu en général après le premier flot, seulement ce qui sonne faux, ou incohérent, ou lourd. Mais je relis beaucoup.
Pour être, sinon sûre, du moins confiante.

Que t'apporte l'écriture ?

Avant tout une nécessité, le sentiment que je fais ce que j’ai à faire, que cela aboutisse ou non, soit lu ou non, joué ou non, publié ou non. Une respiration, un ancrage et un envol à la fois. Développer ses possibles. Chercher en soi l’universel. Etre dans ses chaussures. Même si bien sûr on a envie que les mots circulent. La publication signifie que des inconnus ont vu quelque chose dans cette écriture. Mais les choix des éditeurs sont très aléatoires et dépendent souvent de la vision d’un livre comme « produit » rentable. C’est compréhensible de leur point de vue, mais ça fausse la donne. Il y a une part de chance aussi. Mais la chance, si on la nourrit, elle nous nourrit en retour.

Quel lien fais-tu entre ton écriture et le théâtre (jeu et mise en scène) ?

En théâtre c’est un peu particulier parce que le théâtre est fait pour que des voix et des corps s’en emparent. Alors on a envie que ça arrive, et l’édition aide. Mais maintenant j’assume aussi l’envie de mettre en scène mes textes. C'est-à-dire de renoncer à la part d’altérité qu’apporte un metteur en scène qui s’empare des mots de quelqu’un d’autre. Puisque mettre en scène est une écriture aussi, une écriture des voix et des corps dans l’espace, ça m’oblige à reconsidérer le texte initial à la fois de l’intérieur (préciser ce que j’ai voulu dire) et de l’extérieur (découvrir des choses dont je n’avais pas conscience). Evidemment, j’aimerais aussi que d’autres aient le désir de s’emparer de mes textes. Quant au fait de jouer, c’est aussi aller chercher au plus profond ce qui nous relie aux autres, à l’expérience humaine multiple et singulière. Le lien, c’est ça, ce voyage.

Quelle serait ta bibliothèque idéale ?

Une bibliothèque voyageuse dont les livres changeraient sans cesse, apparaitraient et disparaitraient. J’aime qu’on me prête des livres ou qu’on m’en suggère, même si je ne suis pas forcément les conseils, parce que c’est une façon d’aller là où on ne serait pas allé spontanément, et donc de voyager et de découvrir encore. J’ai quelques titres fondateurs (pour moi) dont la découverte remonte à mon adolescence, romans, polars, science fiction. Mais au fond mon livre préféré est celui que je vais lire demain.

Danielle Vioux écrit du théâtre, des romans, des nouvelles, des scénarios, des poèmes, des chansons. Elle monte des projets autour de l’écriture et du théâtre et privilégie les projets passerelles avec d’autres artistes et d’autres arts, ainsi que les projets éducatifs.
Site : http://daniellevioux.over-blog.com

 


 
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