TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

Voix du monde
Bill Herbert ~
poète écossais traduit de l'anglais
par Roselyne Sibille

 

Retour aux voix du monde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 



Forgive the Flies

We must forgive the flies
because they are so young,
their cortices so small,
that they don’t understand
what it is they crawl on.
They greet everything
like little deities :
sugar and excrement
are each as good to them.
They vomit in their nervous
pleasure and mistake
our rolled up newspapers,
suppose our dying hands
are merely waving back.

***

Nous devons pardonner aux mouches
parce qu'elles sont si jeunes
leurs cerveaux si petits
qu'elles ne comprennent pas
sur quoi elles marchent.
Elles accueillent tout
comme de petites déités :
le sucre et les excréments
pour elles sont également bons.
Elles vomissent dans leurs plaisirs nerveux
et font erreur
sur nos journaux roulés,
croient que nos mains agonisantes
répondent seulement à leur salut.

 

A Difficult Horse

The horse is staring out to sea
from a sloping field not far
out of Aberdeen. I watch it from
the train to Dundee.
It is stationary, staring for
the minute I have it in view.
It is a small brown horse,
possibly even a pony.
The sea is calm. The horse
looks like an old fisherman,
possibly even an old fish.
It’s difficult to imagine it ever
moving. It’s difficult to know
what it is thinking.
It is a difficult horse.


Un cheval difficile

Le cheval regarde fixement vers la mer
depuis un champ en pente non loin
de la sortie d'Aberdeen.
Depuis le train de Dundee,
je le regarde.
Il est immobile, à l'arrêt, il regarde fixement
pendant la minute où je l'ai en vue.
C'est un petit cheval brun,
peut-être même un poney.
La mer est calme. Le cheval
ressemble à un vieux pêcheur,
peut-être même à un vieux poisson.
Il est difficile de s'imaginer qu'il pourrait jamais bouger.
Il est difficile de savoir
ce qu'il pense.
C'est un cheval difficile.

 

Facts about Things

Things are tired.
Things like to lie down.
Things are happiest when,
for no reason, they collapse.

That French plastic bottle, still half-full,
that soft-back book, just leaning on
another book, drowsily:
soon they will want to go outside,

soon you will find them in the grass
with the empty bleaching cans and that part
of an estate agent’s sign
that’s covered in a fine grime like mascara.

That plastic bag you’ve folded up
feels constrained by you and wants
to hang from bushes, looking like
a spirit, sprawled and thumbing a lift.

Things are bums, tramps, transitories :
they prefer it when it’s raining.
Lightbulbs like to lie in that same
long uncut casual grass

and watch the funnel effect : the way
on looking up the rain all seems
to bend towards you,
the way the rain seems to like you.

Things which do not decay
like it best in shrubbery, they like
to be partly buried.
They like the coolness of the grass.

Most of all, they like it
when it rains.

***


Des faits à propos des choses

Les choses sont fatiguées.
Les choses aiment s'étendre.
Les choses sont les plus heureuses quand,
sans raison, elles s'effondrent.

Cette bouteille en plastique française, encore à moitié pleine,
ce livre à la couverture souple, s'appuyant simplement sur
un autre livre, comme assoupi :
bientôt ils voudront sortir,

Bientôt, vous les trouverez sur l'herbe
avec les canettes vides en train de se décolorer
et ce morceau d'un panneau d'agent immobilier
couvert d'une fine couche de crasse comme du mascara.

Ce sac en plastique que vous avez replié
se sent contraint par vous et veut
se pendre aux buissons, ressemblant à
un fantôme, s'étalant, vautré, et faisant du stop.

Les choses sont des fainéantes, des clochards, des passagers :
Elles préfèrent quand il pleut.
Les ampoules électriques aiment être allongées dans cette même
herbe haute, non fauchée, désinvolte

et observer l'effet cheminée : quand on regarde en l'air
et que toute la pluie
semble se tourner vers vous,
la façon dont la pluie a l'air de vous aimer.
Les choses qui ne pourrissent pas
préfèrent les haies, elles aiment
être partiellement enterrées.
Elles aiment la fraîcheur de l'herbe.

Par dessus tout, elles aiment
quand il pleut.

 

Ghost
(Variation on a theme by Matthew Sweeney)

The ghost which doesn’t know its way but must get home
stumbles in the desert through the day
and searches through the passes in the dark.
It gathers pebbles into maps to guess at its passage
across the great steppe in winter.
It immerses itself in lakes to feel
what the birch roots feel, it sits
in the bodies of sheep and goats
whose blood can’t halt the chill.
It travels from mosquito to mosquito in
the fat summer air,
it wraps itself up in fallen trees’ bark
like the text in a rotten book.
It only knows North and consequently
may be travelling in the wrong direction for months.
Sometimes it thinks it recognises
a configuration of poplars
and a great dread descends.
It lies with the maggots and the excrement beneath
a row of toilet stalls in Knife City.
It remembers faces seen with no thought that this was for
the last time. Memories are diminished
and must be counted out like beads:
the ratchet in the old woman’s throat,
the smell of cheap newsprint in
a now nameless airport,
the hand nervously gathering a curtain,
the baby’s black button blink.

 

***


Fantôme
(Variation sur un thème par Matthew Sweeney)

Le fantôme qui ne connaît pas son chemin mais doit rentrer chez lui
trébuche dans le désert en traversant le jour
et cherche par des cols, dans le noir.
Il rassemble des cailloux comme des cartes pour repérer son passage
de l'autre côté de la grande steppe en hiver.
Il s'immerge lui-même dans des lacs pour ressentir
ce que ressentent les racines des bouleaux, il s'assied
dans le corps des moutons et des chèvres
dont le sang ne peut stopper le froid.
Il voyage de moustique en moustique dans
l'air gras de l'été,
il s'enveloppe dans les écorces tombées des arbres
comme le texte dans un livre pourri.
Il ne connaît que le Nord et du coup
il peut voyager dans la mauvaise direction pendant des mois.
Parfois il pense reconnaître l'aspect d'un peuplier
alors une grande terreur descend.
Il s'allonge avec les asticots et les excréments sous
une rangée de toilettes dans la Ville Couteau.
Il se souvient des visages vus sans avoir su que c'était pour
la dernière fois. Les souvenirs ont diminué
et doivent être comptés l'un après l'autre comme des perles :
le cliquet dans la gorge de la vieille femme,
l'odeur du papier journal bon marché dans
un aéroport maintenant sans nom,
la main qui tire nerveusement un rideau,
la pupille noire de l'enfant qui bat.


WN Herbert writes in both Scots and English, and has published seven volumes of poetry and four pamphlets. He teaches Creative Writing at Newcastle University. He is currently working with the prominent Chinese poet, Yang Lian, on Jade Ladder, a book of translations from contemporary Chinese poetry, which will appear from Bloodaxe Books later this year. A new collection, Omnesia, will follow from Bloodaxe in 2013.

***

WN Herbert écrit à la fois en écossais et en anglais, et a publié sept recueils de poésie et quatre brochures. Il enseigne l'écriture créative à l'Université de Newcastel. Il travaille actuellement avec l'éminent poète chinois Yang Lian, sur "L'Echelle de Jade", un livre de traductions de la poésie chinoise contemporaine, qui paraîtra chez Bloodaxe Books cette année. Un nouveau recueil, "Omnesia", suivra chez Bloodaxe en 2013.

 

 
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