Extraits de "Les éléments"
Terre / Tierra
Masse
de boue
la
nostalgie de mes pieds.
Désert
en fleur.
I
J’entre dans tes rues
souffle oxydé.
L’asphalte respire.
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I
Entro en tus calles
oxidado aliento.
Respira el asfalto.
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II
Pas la moindre pensée dans la ville.
N’y pouvant pas nager
il n’est pas besoin de plonger
ni d’avoir pied
on flotte
sur terre.
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II
No hay pensamiento en la ciudad.
Carente de brazadas
no es necesario sumergirnos
ni hacer pie
se flota
en tierra.
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III
Les bruits entrent par la peau des souliers
jusqu’au scandale du sourire
et il n’y a ni regard
ni espoir
ni pitié.
Tout nu.
Toute nue.
Simplement
debout sur terre.
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III
Los ruidos entran por la piel de los zapatos
hasta el escándalo de la sonrisa
y no hay mirada
no hay esperanza
no hay piedad.
Desnudo
desnuda.
Simplemente
de pie sobre la tierra.
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IV
Solide sperme de l’asphalte
oiseaux suspendus à la faim
la ville
la ville et ses gens.
Je marche entre des voyelles
et le son
je le garde au fond de mes poches
pour acheter l’aube
et me réveiller entre des barreaux. |
IV
Sólido esperma del asfalto
pájaros detenidos sobre el hambre
la ciudad
la ciudad y su gente.
Camino entre vocales
y el sonido
lo guardo en mis bolsillos
para comprar el alba
y despertar entre barrotes.
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Sud
“ En réalité,
tu n’as jamais secoué
cette terre des pieds de ton âme. ”
“En realidad, nunca te sacaste
esa tierra de los pies del alma”
Juan Gelman
Je vais rester là
pour mâcher un vers amer
qui me dégage l’estomac.
Je vais rester là
au sud de tous les cœurs
dans cette partie basse où montent les eaux
innondées de ces flaques qui recouvrent le sol.
Je vais rester là à soutenir une larme
la larme de tous
jusqu’à tomber avec elle dans la gorge du soleil.
Je vais rester là, là dans le sud
pour qu’ils aient à me chercher
pour qu’ils aient à revenir
pour qu’ils aient à me trouver
pour qu’ils n’aillent pas encore me fonder une patrie
jetant des cadavres à la mer.
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Voy a quedarme acá
para masticar un verso amargo
que me devuelva las entrañas limpias.
Voy a quedarme acá
en el sur de todo corazón
en aquella parte baja donde las aguas suben
inundadas de tanto charco que anda por el suelo.
Voy a quedarme acá sosteniendo una lágrima
la lágrima de todos
hasta caer con ella en la garganta del sol.
Voy a quedarme acá, acá en el sur
para que tengan que buscarme
para que tengan que volver
para que tengan que encontrarme
para que no me funden otra vez la patria
arrojando cadáveres.
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Leandro Calle (né en 1969) vit à Córdoba
en Argentine, où il enseigne la littérature et anime des
ateliers de poésie. Depuis 1999, il publie des poèmes
dont une suite (« Une lumière venue du fleuve : Via crucis
») a été traduite par Yves Roullière dans
la revue Nunc (n°4, octobre 2003). Il a lui-même traduit Guy
de Maupassant et Abdellatif Laâbi.
Yves Roullière (né en
1963) vit en région parisienne, où il est éditeur.
Il a publié des essais et des études dans diverses revues
et collectifs, et a traduit de l'espagnol des poèmes de Lope
de Vega, Miguel de Unamuno, José Bergamin, Ricardo Paseyro et
Horacio Castillo.