Livret
de garantie |
Cela |
Notre mécanique à
mariage
s’est soudain grippée
Et tout en continuant
à éplucher les tomates
hacher l’ail
farcir la soirée
de conversations sur le sexe
consommer les souvenirs
les uns après les autres
nous cherchons anxieusement
un livret de garantie
qui saurait tenir parole. |
Nous sommes dans le bus de l’album
avec le chat et la nounou.
Pluie et sépia derrière
la fenêtre.
Un torrent s’abat sur nous.
Douleur lancinante.
Un pâle Jésus sur un tableau.
Une luge contre un mur.
Je reste adepte du temps conifère
une chouette pieuse dit
une prière pour ma nounou.
Extraits de Moi |
De loin |
Gâteau
aux prunes |
De loin je regarde la maison
d’où se défait déjà la
dernière trame.
Monsieur Ferek. Sa femme. Le chien.
La nounou est au ciel. Prépare des
beignets à la confiture de rose.
La rivière a la gorge sèche.
Les chats sont tous partis.
Les chambres à coucher ont encore
des conversations.
Ah, oui…
Une averse soudaine a lavé
les traces de nos lèvres.
De toute la palette des couleurs
il me reste le pelage rouge
des coquelicots du chemin.
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J’ôte de ton
visage
une miette croustillante de gâteau aux prunes
Minuscule caractère de tendresse.
Loin de toutes pensées
je la pose sur la vieille feuille de porcelaine.
Qu’elle s’inscrive à jamais.
On ne sait quand
le courant d’air a tout soufflé.
Quelqu’un a ouvert la fenêtre. Quelqu’un
a ouvert la porte.
Des années après
je me promène toujours dans les confiseries.
Je regrette que tu ne sois qu’un rêve.
Même la nuit ne peut deviner
quand nous sommes ensemble.
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L'après-midi |
A l'oiseau |
Nous parlons de la guerre.
Dans le jardin-des baïonnettes d’iris.
Nous faisons de la balançoire.
Une trompette disparaît après le virage.
Le vent nous pousse.
Vers le haut la vie.
Vers le bas la mort.
Vers le haut la vie.
Vers le bas la mort.
Vers le haut la vie.
Rien ne nous avertit.
Les champs de pétrole d’un coucher de soleil
se consument doucement.
Le coiffeur coupe les feuilles d’un érable.
Tu me regardes
comme si tu en savais plus.
Extraits d’Ailleurs
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Je dis à l’oiseau
il faut que je m’envole.
L’oiseau agite
le mode d’emploi.
Extrait de L’écharde.
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Le recueil Moi, ailleurs, L’écharde
est paru aux Editions Grèges en 2008, dans une traduction
d’Isabelle Macor-Filarska et d’Irena Gudaniec-Barbier.
Isabelle Macor-Filarska écrit dans sa postface
: « (…) dans ses trois derniers recueils intitulés
Moi, Ailleurs, L’écharde et réunis ici, Ewa
Lipska développe un thème qui apparaissait moins
dans ses précédents recueils, lesquels mettaient
au premier plan l’angoisse existentielle ; il s’agit
du thème de l’amour. (…) Cette thématique
se déploie dans certains poèmes qui mettent en avant
le miracle de l’amour, la possibilité du bonheur
et la joie d’exister avec tout de même en contrepoint
toujours la menace, la violence, la solitude, la mort, le mal
et une ironie qui met à distance tout pathos. »
Cécile Thibesard
Décembre 2008
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