Il me semble que nous ne pouvons pas
parler de la poésie mexicaine contemporaine sans avoir au préalable
voyagé dans le temps. Le nahuatl était la langue parlée
par les aztèques qui vivaient dans l'actuelle vallée de
Mexico. L'empire aztèque était très important,
la capitale en était Tenochtitlan, citée lacustre. Signalons
au passage que dans cet empire le nahuatl était la langue officielle
mais cohabitaient de nombreux peuples aux idiomes différents.
Pour comprendre la poésie nahuatl
il y a quelques principes à retenir. Tout d'abord, précisons
que c'est une langue relativement claire très facile pour les
traducteurs. Les aztèques ne maîtrisaient pas l'alphabet,
la poésie était donc essentiellement orale et surtout
chantée accompagnée de musique et de danses.
La poésie pour les anciens mexicains
occupait une place très importante. Elle était d'origine
divine, elle était un don des dieux "le vent qui vient des
dieux". Ceci implique donc que la parole des poètes était
de première importance et on ne pouvait pas la réfuter,
car il était celui qui révélait la vérité
sur terre.
Ensuite en ce qui concerne la technique
à proprement parlé, voici quatre points essentiels :
- le nahuatl a une vocalisation constante des sons
essentiels
- absence des gutturales et des nasales
- composition des mots par juxtaposition et incorporation.
Les syllabes sont modifiées quand la concision et l'euphonie
l'exigent
- une extrême concision, c'est à dire
qu'un seul mot était utilisé pour tout une idée
ou une métaphore. Par exemple un mot pouvait avoir 20 lettres
et plus.
-
En ce qui concerne la construction
des poèmes, c'est un peu comme les poèmes français
mais le compte ne se fait pas sur les syllabes mais sur les accents.
En ce qui concerne les thèmes
abordés, la poésie aztèque est marquée
par la croyance des dieux. Les aztèques vivaient sous l'emprise
de la religion. Beaucoup de poèmes étaient dédiés
à Quetzalcoatl ou le serpent à plume (ce dieu est monté
dans le ciel est a pris la forme de Venus. La légende disait
qu'il reviendrait sous une apparence et avec la peau blanche, voici
pourquoi les anciens mexicains ont pris les espagnols pour des dieux),
Huitzilopochtli, ou le dieu colibri, ou encore le 5ème soleil
(ce dieu se nourrissait de sang, dit le nectar des dieux, si les hommes
le nourrissaient mal, la fin du monde était fatale. Pour célébrer
Huitzilopochtli, les anciens mexicains ont sacrifiés 20000
personnes en une journée. Les espagnols disaient que la civilisation
aztèque était l'œuvre du diable.) pour nourrir
ce dieu, les aztèques pratiquaient la guerre fleurie. les prisonniers
de guerre étaient sacrifiés en son honneur. Mais ils
ont aussi chanté d'autres divinité comme Itzpapalotl
(la femme serpent) qui personnifie la terre, Xochipilli, le seigneur
des fleurs (dieu des jeux, dans et sport)
Signalons au passage que les fleurs,
le colibri et le papillon représentaient des symboles de l'âme.
Enfin, un poète très
important sous l'empire aztèque, il s'agit du roi Nezahualcoyoth.
il avait crée dans son palais une vaste université poétique
et philosophique. Il avait des idées contraires à ses
contemporains et se désolait du devenir de la condition humaine.
Il avait d'autres idées en matière de religion et avait
fait construire un temple pour célébrer un dieu sans
nom et sans figure. Les dons pour ce dieu étaient constitués
de plumes et d'or. Dans les poèmes de Nezahualcoyoth est née
une nouvelle forme de poésie, car on commence a y parler de
l'homme et de la souffrance humaine.
POESIE NAHUALT
Lorsqu'il arriva au bord de la mer divine,
au bord de l'océan scintillant, il s'arrêta pour
pleurer.
Il prit ses ornements et s'en revêtit,
il mit sa parure de plumes de quetzal, son masque de turquoises.
Et quand il fut ainsi paré, il monta
sur un bûcher (il prit feu de lui-même),
les flammes l'entourèrent : c'est pourquoi l'on nomme
Bûcher le lieu où fut brûlé Quetzalcoaltl.
Et il est notoire qu'alors qu'il brûlait,
que ses cendres montaient,
on put voir, venus pour le contempler,
les oiseaux au riche plumage qui passent dans le ciel :
le guacamaya aux plumes rouges, l'azulejo, l'étourneau
léger,
l'oiseau blanc qui brille, les perroquets, les jaunes
papegais, tous les oiseaux précieux.
Lorsque cessèrent de brûler ses
cendres,
le cœur de Quetzalcoatl monta dans le ciel.
Et ceux qui le virent monter dire qu'il y entra,
et les anciens affirment qu'il devint Etoile de l'aube,
celle qui apparaît dès le matin. Elle apparut,
elle vint pour la mort de Quetzalcoatl.
Et c'est pourquoi on le nomme Celui qui commande
à l'Aurore.
On dit aussi qu'à sa mort et durant quatre
jours
nul ne le vit car il était descendu au Royaume de la
mort.
Là, durant quatre jours il acquit maints rayons, et huit
jours plus tard,
il apparut tel un astre majeur. Et l'on sait que depuis
il règne.
Poème traduit du Nahuatl de l'époque
aztèque, Les poésie mexicaines, éditions
seghers 1961, pages 55, 56 |
Mon cœur est heureux.
J'entends une chanson,
Je vois une fleur.
Puissent-ils ne jamais se flétrir ici-bas !
Netzahualcoyotl (1402-1472) dans Il vient, il
vient, le papillon, éditions Paupières de terre,
page 35 |
Fais résonner le tambour fleuri,
Toi, chanteur,
Fais résonner tes sonnailles fleuries !
Qu'elles se répandent,
Qu'elles tombent en pluie
Les fleurs parfumées,
Les fleurs précieuses !
Anonyme (XVème siècle) dans Il
vient, il vient, le papillon, éditions Paupières
de terre, page 25 |
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