TERRE à CIEL Poésie d'aujourd'hui

L'arbre à parole

 

Retour à l'arbre à parole

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 



Entretien avec Jean Le Boël, par Cécile Guivarch

- Cela fait combien d’années que les éditions Henry publient des livres ?

La SARL Éditions Henry, du nom de Catherine Henry, PDG et actionnaire principal, est née en juin 2005 de la rencontre de la SA Henry, imprimeur et éditeur depuis la première moitié du dix-neuvième siècle, et d’Ecrit(s) du Nord, revue, puis association, que j’ai créée en 1994, dans le giron des éditions PPP, dirigées par Marguerite Audebert.

- Comment l’aventure de l’édition a-t-elle commencé ? Est-ce que les débuts ont été difficiles ?

Avant d’être accueillis chez Henry, nous étions, je l’ai dit, chez PPP, maison d’édition associée à un groupe de presse régional. Je donnais dans ces hebdomadaires une chronique linguistique qui avait un certain écho et suscitait du courrier. Un jour, Marguerite Audebert m’a proposé d’en éditer un florilège. Je ne voulais pas me mettre en avant et je lui ai répondu que, si elle avait de l’argent à perdre, je serais heureux qu’elle m’aide plutôt à lancer une revue de création. Elle a convenu qu’effectivement, c’était de l’argent à perdre, mais elle a financé Ecrit(s) du Nord. Lorsque le groupe auquel appartenait PPP a été racheté par un concurrent, ce dernier n’a pas souhaité s’embarrasser de poésie. Nous l’avons quitté en fondant une association Ecrit(s) du Nord, puis nous avons été accueillis par Catherine Henry qui n’oublie pas que les premiers textes de Pierre Jean Jouve ont été imprimés dans sa maison.
En tant que structure indépendante, Ecrit(s) du Nord continue de nous être indispensable, ne serait-ce que pour l’organisation de Poètes en campagne ou celle du Prix des Trouvères. Les débuts n’ont pas été faciles pour autant, malgré le soutien que nous ont très vite apporté des poètes comme Marie-Claire Bancquart, Gérard Cartier, Sylvestre Clancier, Pierre Dhainaut, Vénus Khoury-Ghata, Bernard Mazo, Gérard Noiret, Lionel Ray, Jean Rousselot, par exemple, mais je suis issu d’une tradition paysanne pour laquelle le plus dur est toujours ce qui reste à faire. L’essentiel est de ne pas perdre la joie.

- Sur le site on peut lire « Les éditions Henry se veulent en région, sans l’étroitesse d’un certain régionalisme » : est-ce que vous pouvez expliquer un peu ?

Si j’avais osé, j’aurais écrit régions, au pluriel. Nous n’avons rien contre les érudits locaux et les chantres de leur terroir. Leur travail est souvent touchant ; il est parfois utile. Mais nous souhaitons aller à l’universel, fût-il contenu dans le particulier, et pour cela il faut rester en posture d’accueil : notre nord est ouvert, il va jusqu’en Haïti, au Québec, au Cameroun etc. et pas seulement en Belgique. Il accueille même les Parisiens. Seuls les textes comptent.

- Je suppose que l’expérience de coéditions avec Les Ecrits des Forges (Québec), Nemapress (Italie) ou les Editions Janus (France) doit être fabuleuse, vous pouvez nous en parler un peu ?


Oui, j’ai beaucoup de respect et même de solidarité pour la plupart de nos confrères : nous avons tant de difficultés et d’espoirs en commun. Cela dit, chaque coédition est différente. Je raisonne toujours comme l’auteur que je suis d’abord – c’est pourquoi, qu’on me pardonne cette parenthèse, j’ai fait en sorte que les poètes signent de vrais contrats d’éditeur, avec des droits d’auteur etc. – et les coéditions sont conçues pour servir les livres. Pour une bilingue de poèmes inédits, comme, avec Nemapress, Come il sale / Comme le sel de Bruno Rombi, il s’agira de donner à un titre un écho dans chaque pays ; pour la coédition avec les éditions de Janus, ce sera une question de respect mutuel : les précédents titres de Jean Métellus avaient été publiés par Luce Jame. Quand le projet de Souvenirs à vif est né, en collaboration avec Isabelle Clement, notre illustratrice privilégiée, j’ai proposé aux éditions de Janus de s’y associer. Quant aux Écrits des Forges, quel bonheur d’offrir à nos auteurs une traversée de l’Atlantique et aussi de partager les choix d’un éditeur aussi éclectique ! Évidemment, c’est parfois un peu risqué économiquement…

- Quels sont vos meilleurs souvenirs dans l’édition ? Et les pires ?

L’édition m’a beaucoup apporté : j’ai tant appris et fait tant de rencontres ! Comme poète, je sais pertinemment qu’un livre de plus ou de moins de ma main ne changera pas grand-chose ; en revanche, comme éditeur, je peux, à notre petit niveau, aider d’autres poètes à exister, à s’épanouir et des lecteurs à goûter à la diversité essentielle de la création. On publie des textes qu’on n’aurait pas écrits, mais dont on est content qu’ils existent, dont il paraît important qu’ils soient rendus accessibles. Nous commençons à pouvoir compter sur un certain nombre de fidèles : nous tâchons de les écouter, de comprendre leurs attentes et les surprises que nous pouvons leur ménager. On est parfois navré du peu d’écho que suscitent certaines publications : c’est aussi une occasion de se remettre en question.

- Quels sont pour vous les meilleurs manuscrits ?

Certes, il faut qu’en tant qu’homme, je sois touché par le texte, je dirais presque physiquement ; qu’en tout cas, je reconnaisse une appropriation particulière de la langue, une musique. Mais il faut aussi que je mesure si nous avons vraiment les moyens de bâtir le projet, de le mener à bien ?

- Quels livres de la maison conseillez-vous de lire à un lecteur qui ne la connaît pas encore ?

On ne choisit pas entre ses enfants, a coutume de dire Jean Métellus en parlant de ses poèmes. Bien sûr, j’ai mes préférés, mais ce n’est pas en tant qu’éditeur. D’ailleurs, ils ne sont pas tous chez nous. Je pourrais cependant attirer l’attention sur le plus ancien, notre collectif Ecrit(s) du Nord par lequel l’aventure a commencé : la dernière livraison (double, numéros 21 et 22) sera disponible en janvier ; et sur notre collection la plus récente, La Main aux Poètes, qui propose une autre façon d’aborder la poésie : non par chapelle, mais par inlassable curiosité. Les livres n’y ont pas de préface, pas d’éléments biobibliographiques : le texte, d’abord le texte. On doit pouvoir s’offrir chaque semaine un ouvrage à six euros, compagnon du quotidien, rencontre sur notre chemin, comme on achète un magazine.

le site de la maison

une page consacrée aux éditions Henry sur terre à ciel avec des extraits d'auteurs


 
Textes et photos - tous droits réservés