Comment est née la maison
d'éditions Motus ?
Møtus est né en 1988.
Pendant les 4 premières années, Møtus a publié
de la poésie pour tout public, des poèmes brefs (sans
être des haïkus). L'édition publique était
très soignée (couverture vélin de Rives, intérieur
centaure ivoire). Elle se doublait d'un tirage de tête avec une
gravure inédite.
Motus a donc 23 ans. Et qu'est-ce qui vous a
donné l'envie de vous lancer dans l'édition ? Etiez vous
seul ? Comment est né le premier livre ?
Avant le début de Motus, j'avais créé une revue
littéraire sur cassette consacrée à la nouvelle
: VOIX/E/S qui rassemblaient comédiens, illustrateurs, musiciens
et bien sûr les auteurs des nouvelles inédites le plus
souvent. Cette expérience avait été passionnante,
mais difficile, surtout économiquement. Je ne pensais pas me
relancer rapidement dans une autre. Mais j’avais envie de publier
des poètes que j’admirais et, avec les toutes nouvelles
imprimantes, il semblait soudain possible de réaliser presque
entièrement des livres dans une belle présentation.
Nous étions surtout deux à faire les choix des textes
alors. Le premier livre a été Littorines
de Michel Besnier, dans un joli petit format cousu à la main,
en n'envisageant alors qu'un petit tirage car la poésie pour
adultes se vend très difficilement.
Est-ce que vous pouvez me parler
de la façon dont vous rencontrez vos auteurs, leurs textes ?
Quels critères vous guident dans le choix d’éditer
un manuscrit ? et finalement, quelle vision de la poésie souhaitez-vous
défendre ?
Les voies de rencontre avec les auteurs, ou plutôt,
oui, pour notre part, d'abord toujours leurs textes, sont diverses.
Et Thierry vous a relaté comment
je l'avais contacté après la découverte de ses
haïkus pour les adultes sur internet. Nous recevons énormément
de manuscrits, et nous avons publié des textes ainsi parvenus
par mail et par courrier. Parfois je peux moi-même demander à
un auteur s'il a des poèmes de l'inspiration de ceux que j'ai
trouvés par hasard (c'est ainsi que j'ai contacté Jean
Rivet après avoir lu, dans la présentation d'une rencontre,
deux de ses poèmes consacrés à ses petites filles).
Une fois, j'ai découvert des poèmes alors que l'illustratrice
... hésitait à me les montrer parce qu'en principe nous
nous rencontrions pour son propre travail. Et ce fut l'origine de "Grand-mère
arrose la lune" de Jean Elias illustré par
elle, Anastassia Elias. Nous avons aussi demandé aux poètes,
tout particulièrement appréciés, que nous avions
publiés les quatre premières années des recueils
de poèmes à l'attention des jeunes lecteurs.
C'est d'abord la forme qui détermine nos choix. Mais cela ne
veut nullement dire un "joli" style, ou un style académique...
Quand on lit des poèmes de Michel Besnier, ou Thierry Cazals,
ou Jean-Louis Maunoury ou Philippe de Boissy, on sent ce que le mot
"forme" recouvre d'exigence, d'invention, d'humour aussi,
ou de vraie émotion, de liberté... Il y a beaucoup de
livres. Il me semble que, si nous publions un nouveau livre, il ne doit
pas être conforme à tous ceux qui existent déjà.
Ce qui ne veut pas dire non plus rechercher à tout prix, ou artificiellement,
l'originalité. Mais qu'il y ait un vrai univers, une nécessité
d'écrire tel nouveau recueil qui ne soit pas seulement celle
d'accumuler les titres.
A partie de là, la liberté est très grande, les
approches peuvent être (très) différentes. Mais
on ne peut pas se dispenser du vrai et difficile et long et beau travail
sur la langue, non pas pour la rendre hermétique, au contraire
même.
Et j'aime aussi, beaucoup, la formule d'Apollinaire :
"j'émerveille"
ainsi que ces trois vers d'Yves Bonnefoy, à la fin de Dans
le leurre du seuil qui expriment magnifiquement, à
mes yeux, l'idéal de l'écriture, en tout cas de l'écriture
poétique :
"Les mots comme le ciel,
Infini
Mais tout entier soudain dans la flaque brève."
Quels sont vos meilleurs souvenirs de cette
aventure d’édition ? Et aussi avez-vous rencontré
des difficultés ?
Le meilleur souvenir, ou plutôt le plus important et ce qui nous
touche le plus, chez Møtus, c’est d’avoir été
le seul éditeur à publier de son vivant un recueil intégral
de Loïc Herry. Depuis sa mort, on a découvert quel très
grand poète il était, et désormais la quasi intégralité
de son œuvre a été publiée chez divers éditeurs,
avec des préfaces d’écrivains de renom (Hélène
Cixous, Hubert Haddad, Michel Besnier…) qui lui rendent de vibrants
et si justes hommages. Mais nous sommes heureux qu’il ait pu voir
« Éclats » publié.
Quant aux difficultés, elles sont nombreuses : difficultés
avec les imprimeurs pour que le livre soit réalisé avec
la qualité que nous attendons, difficultés pour que nos
ouvrages bénéficient d’articles dans certains magazines,
difficultés par rapport à certains Prix, beaucoup beaucoup
d’autres encore. Mais l’application de l’éditeur,
qui rejoint en cela celle des auteurs, est de faire en sorte que le
public ne se rende pas compte de ces difficultés, et même
qu’il ne s’en doute pas.
Quelles sont les prochaines publications des
éditions Motus ? et pourquoi les avoir choisies ?
Les prochaines parutions de Motus seront d'abord trois
"Mouchoirs de poche" :
- "Je suis venu tout seul", qui
est un texte vraiment magnifique de Nicole Dedonder. Elle aborde avec
pudeur et simplicité le sujet le plus difficile de tous, celui
de la mort d'un enfant.
- "Coeur de Lierre" est signé
Michel Besnier. Si le texte est savoureux, ce sont vraiment les images
qui sont ici premières, toutes fondées sur des vraies
feuilles de lierre qui font surgir des formes inattendues et riches
d'humour par l'auteur du Rap des Rats et de
Mes poules parlent.
- "Une petite heure perdue" est
une histoire pleine de poésie de Nathalie Hense sur un petit
garçon qui attend sa mère et qui réussit à
transformer par l'imagination ce moment qu'il redoutait d'abord.
Je ne connaissais ni Nicole Dedonder et ni Nathalie Hense et leurs très
beaux projets nous sont parvenus par la poste.
Paraîtra ensuite "Les bêtes curieuses"
où je propose des définitions qui j'espère feront
sourire. C'était vraiment un livre pour Henri Galeron dont les
illustrations sont à la fois somptueuses et incroyablement drôles.
J'admirais beaucoup son formidable livre "Quand"
qu'avait publié Harlin Quist. Et je sais comme il excelle dans
les illustrations à double sens ou à rebours de ce que
l'on aurait attendu. J'attends vraiment avec une grande impatience de
découvrir ses illustrations dans leur forme dernière et
de voir paraître l'ouvrage.
Entretien avec François
David, par Cécile Guivarch (avril 2011)
Le catalogue des éditions
Motus est disponible sur le site de la maison Motus
Fiche
de la maison d'éditions Motus sur Terre à ciel