Pour Toutiki.
Lecture après lecture
la main n’avait plus de lignes la table basse
du bar les avait entièrement absorbées porteuse désormais
d’un avenir à lire
tu es là
élaborant le lieu dans la fumée carnivore de l’instant
et cognant comme pierre soudainement déposée
dans les artères de la nuit comment donc s’installerait
l’apaisement
et ne pas céder quand se marquent avec une égale acuité
la distance et la nécessité
tu sais que les quais d’ici conduisent au sens
des rencontres tu es la femme aux épaules d’ange perçues
saisies dans la douceur
femme dans l’instant venue pour tenir
et permettre à la douleur claire de n’être plus étrangère
inaccessible à force de quotidien et de questions posées
dans l’usure des jours
présence frontalière précaire
si seulement pouvaient dans les froissements du temps
demeurer ces mains lisses dépossédées de toute
ligne
il ne serait pas de droits définitivement acquis sur la volonté
de ne pas/plus être
le geste sur la fumée dessiné se ferait femme retenue
jusqu’à la limite du souffle
yves ughes
le 12 avril 04.
ainsi d’emblée et d’un murmure s’accomplirait
cette lumière récemment perçue
portée par la lenteur des jours dans l’entrebâillement
des portes elle se mettrait en forme et en place
les battements du sang purement abstraits jusqu’alors
prennent finalement vie épaisseur
et les heures deviennent partage vision conçue peut-être
simplement entrevue saisie dans la nuit
mes gestes n’étaient que cavalcades d’imposture
je vais désormais par les veines desséchées
des pierres là où les sons absorbent le soleil il n’est
paraît-il de vie que forage du soir du noir
et il n’y aura plus c’est une certitude
acquise de martèlements drainés ni de maquillages là
gît ce qui est désormais un éblouissement
pour toujours inscrit quoi qu’il advienne
enfin acceptée sous la peau de la ville sous
la circulation de la nuit cette affirmation d’un domaine déclaré
et le bonheur qui est dû même aux réprouvés
Grasse,
Le 24 avr. 04
devant mon corps sous le cataclysme des pierres s’affirme donc
la présence jusqu’alors aléatoire de quelques racines
main sur la nuque du temps posée et voici que se retrouve dans
la distance ce qui sera en fin de compte accepté
sur le sentier habituel j’ai soudainement appris comment les doigts
pouvaient dénouer le bois et le marbre
par la forme enfin saisie en cet instant j’apprends comment conserver
assez de forces pour éviter le noir le mal à l’encre
et je vais le pas ramassé là où se formule l’ardeur
du sol là où se perçoit la brûlure solaire
des bronches
dans la fracture de l’absence
dans la distance rauque qui confine en soi chaque corps
sur le cours inédit de la rivière
trop de paroles sont tues tuées peut-être
la réserve de ces berges n’est que sagesse
conforme acceptation des misères facturées dès
la naissance
qu’importent ici ce monde et les êtres qui font acte de
soumission
admettant des métastases sur les rochers de leurs pancréas
depuis longtemps atteints
lancinants reviennent se formuler l’espoir le balancement des
sourires
dans l’apaisement des syllabes s’ouvrira
la nuit
grasse, le 24 avr. 04
malgré ces instants partiellement absorbées
par la force des décibels. Vous serez toujours là dans
la scansion du vide et dans les matins donnée
comment donc sur le comptoir désormais admis dire la liberté
et donner mon sombre ticket d’attente
désormais dans le balancement du temps s’accomplirait
la formule du jour acquis arraché
mais
toujours le mouvement des mots s’accomplit dans l’action
les cordes ainsi murmurées dans la fièvre ne sont que
vrilles vocales
pulsations des instants
et alors que ferait donc cette autre noirceur à l’encan
Le corps strié surgira de toutes façons
parmi mes mots morts murmurés comme un accident
Comment faudra-t-il crier ? Eux le savent
c’était un lieu d’habitat fait de chicots dentaires
quand le décor est tombé les nerfs pendaient
à vif dans chacune des pièces méthodiquement l’enthousiasme
tournait à la blessure
il est toujours des malheurs prêts conçus
apprêtés même parfois dans l’effleurée
senteur du vin
et de toutes façons par la brûlure des
brèches s’en ira tout ce qui fut jusqu’alors ramassé
et
que ces gestes soient donc intempestivement ma douleur
où donc la grâce du partage dans cette voie au large de
l’autre
pourtant sans que l’on sache pourquoi
ces berges flanquées longtemps battues abîmées de
silence peuvent céder à l’action concrète
du monde et accueillir l’ardeur du verbe
pourvu que cela soit
d’une rive à l’autre
et la certitude prend forme
se dessine de nouveau ce sourire qui rend la mer et le sable friables
là se restitue la vie
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