Présentation |
J'ai découvert les éditions du Noroît au tout
début des années 2000, je commençais à
lire de la poésie et à trainer mes baskets de long
en large devant les étals du marché de la poésie
Place St Sulpice séduite par le travail des différents
éditeurs qui se trouvaient là. Puis j'ai entendu un
accent chantant, un accent du Québec, j'ai feuilleté
les livres et j'ai été emballée. Et année
après année, je reviens sur le même stand, toujours
bien conseillée, d'autant que les voix de ces auteurs m'ont
guidée dans ma propre écriture.
Les éditions du Noroît
est donc une maison Québecoise qui a vu le jour il y a 40
ans, en 1971. Nous y retrouvons plusieurs générations
de poètes. Pour citer quelques noms : Denise Desautels, Louise
Dupré, Emile Nelligan, Paul Bélanger, Martine Audet,
Claudine Bertrand, Claude Paradis, Pourbaix Joël... La maison
suit une certaine ligne de conduite et édite des textes de
qualité.
La poésie est
un acte de résistance contre le prêt-à-penser,
contre le bruit d'une société de distractions soucieuse
d'uniformiser et de quantifier, plutôt que de singulariser
et de qualifier.
Le poème est
dialogue. Nous espérons être ces passeurs qui le mènent
jusqu'à vous.
Mais plutôt que de
parler et parler de cette maison, laissons parler par eux mêmes
les auteurs avec ces quelques extraits...
Le
site de la maison
|
Editions du Noroît
- extraits de Les ailes closes ~ Catrine Godin |
tant
d'épines
aux pieds
les chardons
regarde
sur ta bouche
la tache
le ciel s'écroule
****
ça viendra
un jour possible
très vite
il ne sera plus
de sang
ni rouge
ni noir
ni or
ce qui s'écoule
ta pulsation
la dire ne suffit pas
|
Editions du Noroît
- extraits de Des cendres des corps ~ Diane Régimbald |
Tu
déposes ton corps sur le lit, entends
les psaumes de repentances d'Alfred Schnittke
te dis qu'ainsi vont les confessions
et le murmure des chants t'amène au seuil d'une présence
lointaine
paysage de noir et de blanc
volets ouverts sur de larges fenêtres
sur un espace de mer où l'on voit à marée basse
un barrage de béton.
Tu marches de fenêtre en fenêtre
le regard porté.
Tu t'assois
les yeux embrumés par le poids du corps.
Seul lieu présent à toi-même
l'ouverture des fenêtres.
*****
J'avance pas à pas
cherchant à lire les cendres brûlantes et froides
j'y trouve les sédiments, restes consumés partiellement.
L'oubli ne se peut malgré la fin du feu.
Cendres des corps montés
au ciel retombant poussières.
Tu fumes toujours ta cigarette
tête penchées entre ciel et terre.
|
Editions du Noroît
- extraits de Sombre ménagerie ~ Elise Turcotte |

Les étoiles ne font plus partie
de ce monde
il n'y a pas de pensée
d'une étoile
si je tends les bras
vers la surface
c'est pour apprendre
que rien n'a changé
tu fais les cent pas
en découpant ma mort
à coups de couteau
trop précis
****
Joie
ce mot est attendu
sur la cime d'une montagne
Cela se passe en rêve :
la jeune fille raconte
sa déportation
Son esprit
se réchauffe
près de moi
****
Je ne sais pas où elle est
Il existe une série
d'épreuves à accomplir
Je respecte l'ordre des numéros
sage
je pénètre dans une nuit
remplie d'eau
Elle revient
pour me tendre les bras
|
Editions
du Noroît - extraits de Plus haut que les flammes ~ Louise Dupré |

Ton poème a surgi
de l'enfer
un matin où les mots t'avaient trouvée
inerte
au milieu d'une phrase
un enfer d'images
fouillant la poussière
des fourneaux
et les âmes
sans recours
réfugiées sous ton crâne
c'était après ce voyage
dont tu étais revenue
les yeux brûlés vifs
de n'avoir rien vu
[...]
****
[...]
tel un puits
où plonger la douleur
jusqu'à une eau
tressaillant de beauté
et tu t'enveloppes
de ce rien
semblable à une aube
neigeuse
alors que tu contemples
le matin
engourdi de silence
cette rosée qui fait miroiter
le monde dans ta main
tout à coup habile
à fabriquer du jour
tu te fais tout à coup
l'artisane d'un linceul
pour les âmes
sous les cendres
|
Editions du Noroît
~ extrait de Je t'écrirai encore
demain ~ Geneviève Amyot |
Je t'avais apporté un petit tournesol. Poussé
chez moi, dans un mince espace de terre pauvre le long du cabanon.
Je devinais bien, pourtant, que je n'oserais pas ce geste. Ou encore
on ne sait jamais, une petite opportunité et tout devient
simple. Ou peut être y aurait-il lieu de forcer le courage.
J'ai donc cassé le petit tournesol. A la main. Après
avoir bien réfléchi mon choix. Pas de bouton le long
de la tige. Tu aurais parfaitement compris. La plupart de ces boutons
n'arriveront sûrement pas à terme c'est clair, mais
il convient de mettre toutes les chances de ce côté-ci
des choses. Tant que nous y sommes.
Et je songeais, en route pour cette rencontre dernière,
comme tu aurais aimé cette audace de fleur-soleil inusitée
parmi les bouquets convenus. Mais ce rite n'aurait pas eu, à
ce moment précis, ni sa pureté, ni son poids, ni surtout
sa suffisante discrétion. Je me suis donc contentée
de l'imaginer, tu aurais été d'accord aussi. J'aurai
pu cependant te laisser le petit tournesol en ta terre, en toute
intimité, une fois les autres partis, j'ai hésité,
mais ça n'était plus ainsi, tout à coup, qu'il
en devait être. [...]
|
Editions du Noroît
~ extrait de Poèmes choisis
~ Emile Nelligan |
Sainte Cécile
La belle Sainte au fond des cieux
Mène l'orchestre archangélique,
Dans la lointaine basilique
Dont la splendeur hante mes yeux.
Depuis que la Vierge biblique
Lui légua ce poste pieux,
La belle Sainte au fond des cieux,
Mène l'orchestre archangélique.
Loin du monde diabolique
Puissé-je, un soir mystérieux,
Ouïr, dans les divins milieux
Ton clavecin mélancolique,
Ma belle Sainte, au fond des cieux.
|
Editions du Noroît
~ extraits de Poèmes ~ Marie Uguay |
Le soir d'avril nous ignore
Les forêts cachent leur coeur sagace
les bords de mer leur douceur de ne pas mourir
la pierre sa science de lumière
Tous les lieux de la terre nous ignorent
Tu n'est plus seul à vieillir
il y a près de toi des yeux immobiles
****
un tremble indique le toit ensoleillé
le dos de ses feuilles brille
tout inaugure l'espace du fleuve
masse audible qui circule vers sa vacuité
constante et azurée
le bois se consumme
le vent en transporte l'exaltante odeur
jusqu'aux falaises d'aiguilles et de roc
|
Editions
du Noroît ~ Extraits d'Orbites ~ Martine Audet |
à présent que je sais
que l'on peut d'une main
devant les yeux
détruire la montagne
comment ne plus penser à ta voix
j'ai parlé du ciel
avec la nuit
de chaque côté
la lune passe un linge
sur ma figure
****
roses
espérez cet étrange jardin
où la nuit libère des planètes
où je suis seule
où tu aimes habiter
comme à travers mon sang
et comme lui caché
les morts ont repris leur place
ils déforment mes vêtements
|